Les récentes frappes du Hezbollah sur le plateau du Golan représentent la pire attaque qu’Israël ait subie depuis les attentats du 7 octobre. Cette fois-ci, les acteurs impliqués sont bien plus puissants que le Hamas. Alors qu’Israël peine à vaincre l’organisation terroriste palestinienne, comment pourrait-il vaincre le Hezbollah, soutenu directement par l’Iran et la Syrie ? Une réponse israélienne disproportionnée, pourrait déclencher un embrasement régional qu’il faut éviter. La France doit intervenir pour éviter que la zone ne bascule dans la guerre, ce qui aurait des conséquences graves.
Craintes d’une possible régionalisation du conflit
Depuis le 7 octobre 2023, la crainte que le conflit entre Israël et le Hamas se propage à toute la région est constante. Bien que l’on ne puisse pas comparer Israël, l’agressé, au Hamas, l’agresseur, chaque belligérant cherche à impliquer d’autres acteurs pour renforcer sa position. Benyamin Netanyahu tente d’impliquer les Occidentaux dans une guerre de civilisations pour renverser un rapport de force défavorable. Israël, n’ayant pas vaincu le Hamas, fait face à des fronts multiples : au sud à Gaza, à l’est en Cisjordanie, et au nord à la frontière syrienne et libanaise contre le Hezbollah, dispersant ainsi ses forces militaires. De plus, les Américains hésitent à soutenir inconditionnellement Netanyahu en raison de leurs relations avec les pays arabo-musulmans (Arabie Saoudite, Égypte, etc.) solidaires des Gazaouis ainsi que de leur volonté de ne plus s’impliquer militairement dans cette zone.
En face, le Hamas et le Hezbollah cherchent à impliquer des puissances régionales comme la Turquie d’Erdogan et surtout l’Iran, dont la réponse est redoutée, après l’attaque israélienne de son consulat à Damas. La frontière entre Israël et le Liban, ainsi que celle avec la Syrie, sont de véritables poudrières avec des échanges de tirs réguliers depuis l’attaque du Hezbollah dans les Fermes de Shebaa le 8 octobre 2023.
Le Hezbollah n’est pas un simple groupe armé comme le Hamas, mais une véritable puissance militaire non étatique. Doté de près de 100 000 combattants, 150 000 roquettes et missiles, et 2 500 drones, il possède aussi des fortifications massives à la frontière israélienne. Engagé dans plusieurs conflits régionaux (Syrie, Irak), le Hezbollah bénéficie de l’expérience de guerre et de soutien solide de l’Iran et de la Syrie de Bachar el-Assad. Ces alliances stratégiques conduiraient à une régionalisation du conflit en cas d’attaque importante d’Israël, dont personne n’a intérêt. Israël avait déjà échoué à vaincre le Hezbollah en 2006, et la situation actuelle est encore plus complexe avec des tensions maximales, ce qui fait penser que les choses pourraient difficilement être différentes.
Une régionalisation qui entraînerait des conséquences désastreuses
Malgré les craintes de régionalisation, les dirigeants israéliens semblent prêts à une riposte de grande ampleur. Cela pourrait inclure des frappes aériennes au Liban, violant sa souveraineté, et des actions au sol pour neutraliser les capacités du Hezbollah. Le Cabinet de guerre israélien a approuvé des plans pour une offensive à grande échelle au sud du Liban. Le ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, a indiqué que le pays était « très proche du moment de décision pour changer les règles contre le Hezbollah et le Liban ». Cette inflexion vers une position plus dure est due à la situation intérieure israélienne difficile. Le gouvernement Netanyahu, critiqué pour ses erreurs stratégiques et son incapacité à libérer les otages, est sous pression. Le récent échec à annihiler le Hamas et l’attaque du Hezbollah montrent aux Israéliens que d’autres « 7 octobre » sont possibles tant que Netanyahu reste au pouvoir. Dos au mur, les dirigeants israéliens semblent prêts à tout.
Les facteurs ayant contribué à limiter les hostilités pourraient disparaître. Du côté du Hezbollah, la situation économique désastreuse du Liban et l’instabilité politique peuvent ouvrir un espace pour le groupe terroriste. La population libanaise, épuisée par les difficultés actuelles, n’est plus aussi séduite par le discours belliqueux du Hezbollah. Toutefois, face à un Israël agressif à Gaza et au Liban, le Hezbollah pourrait renforcer sa position en démontrant que son choix de la violence est justifié et ainsi se refaire une santé en ralliant la population à sa cause. De fait, l’Iran ne pourrait pas laisser son allié seul face à Israël, sans remettre en cause toute sa politique du croissant chiite.
La multiplication des fronts réduirait l’efficacité des réponses israéliennes contre le Hezbollah car elle étirerait ses capacités militaires déjà fortement engagées à Gaza. Cependant, l’attaque démontre que le danger pour la population israélienne peut aussi venir du nord. Les dirigeants israéliens pourraient donc provoquer une régionalisation du conflit pour impliquer les Occidentaux dans la lutte contre le Hamas, le Hezbollah et surtout l’Iran. Lors de son discours devant le Congrès américain, Netanyahou a dessiné un axe plus large que le conflit israélo-palestinien en remployant la rhétorique de George W Bush sur l’axe du mal iranien. Ainsi, sa stratégie semble être d’embarquer l’Iran dans le conflit pour obliger les Américains à le soutenir. Le Premier ministre israélien est conscient que sans soutien américain, la victoire est impossible, et tente d’obtenir ce soutien sans faille qui lui fait défaut.
Stopper Netanyahou pour éviter la propagation du conflit au Proche-Orient
L’attaque du 27 juillet doit nous alarmer. Ni Israël ni le Hezbollah n’ont intérêt à une guerre totale. Pourtant, les situations de l’un et de l’autre rajoutent de la volatilité et rend le pire possible. Pour Israël, les alliés occidentaux exhortent à la retenue et plaident pour un cessez-le-feu à Gaza, qui pourrait ouvrir la voie à une trêve avec le Hezbollah. Pour le Hezbollah, aggraver les conflits pourrait réduire sa base de soutiens, surtout si l’Iran, en proie à ses propres problèmes, n’est pas favorable à une escalade. Sans soutien du régime des Ayatollah, on peut se demander si le Hezbollah sera enclin à jouer la surenchère. La France de son côté, doit s’associer aux pressions diplomatiques occidentales pour stopper Netanyahou dont la stratégie est mise en échec et pousser pour une résolution du conflit à Gaza.
La France dispose d’une voix singulière sur ce sujet, alliée à la fois d’Israël et du Liban avec qui elle partage des liens économiques, diplomatiques, linguistiques et culturels forts. Elle doit renouer avec une parole gaullienne d’équilibre : aider Israël à détruire le Hamas, tout en s’opposant à une riposte disproportionnée notamment en refusant l’escalade du conflit vers l’Iran. La présidentielle américaine, focalisant l’attention sur des problématiques internes, offre une fenêtre de tir pour que la France exprime sa voix singulière.
Pour cela, il est essentiel que la France s’en tienne à deux principes clairs et fermes : aider Israël à se défendre contre le Hamas, car il n’y aura jamais de sécurité pour Israël ni de possibilité d’un État palestinien tant que le Hamas existera, et s’opposer fermement à toute réponse disproportionnée de la part des dirigeants israéliens actuels.
En renouant avec une voix singulière universelle, la France pourrait faire avancer la paix au Proche-Orient et améliorer son image internationale, notamment vis-à-vis des pays arabes et du Sud Global. Son action pourrait être cruciale pour pousser les différents partis à la retenue et trouver une solution pacifique. Une voix forte est nécessaire pour éviter un embrasement néfaste.
William Thay, Président du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire
Pierre Clairé, Directeur adjoint des Etudes du Millénaire, spécialiste des questions européennes et internationales
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Crédit photo : (Jerusalém – Israel, 31/03/2019) Palavras do Primeiro-Ministro de Israel, Senhor Benjamin Netanyahu, Alan Santos/PR, sous licence Attribution-Non Commercial 2.0 Generic, via Flickr.
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