William Thay et Pierre Clairé pour L’Opinion : « Élections américaines : vers un succès triomphant de Trump ? »

Ce Super Tuesday, l’ancien président va remporter la grande majorité des 865 délégués en jeu dans les 15 états. Sa victoire de Donald Trump dans ces primaires devrait lui permettre d’être en position de force en vue d’un match retour contre Joe Biden.

À la veille du Super Tuesday, Nikki Haley a remporté sa première victoire en remportant la primaire à Washington D.C. Cette élection rentre en opposition avec la dynamique observée depuis le début des primaires, avec des victoires conséquentes pour Donald Trump. Alors qu’on lui promettait une mort politique après l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, l’ancien président s’est réimposé comme le champion des Républicains.

Trump, de looser à favori

            Après les différentes difficultés rencontrées sous sa présidence et les échecs électoraux, Donald Trump n’était plus considéré comme un atout pour son camp. D’un côté, plusieurs cadres de son parti se sont détournés de lui jusqu’au point d’orgue : la tentative de renversement des élections et l’assaut du Capitole. Ces événements ont été un point de rupture pour des figures du parti comme Liz Cheney, fille de l’ancien Vice-Président Dick Cheney. De l’autre côté, les déboires de l’ancien président étaient compensés par ses succès électoraux. Or, il a perdu les trois dernières élections et les sondages portant sur la popularité de Donald Trump montrent qu’il a été au plus bas : à l’issue de la défaite à l’élection présidentielle et après l’échec des élections de mi-mandat de 2022.

            Si Donald Trump a été contesté, il s’est imposé de nouveau comme le favori des sondages. L’investiture promise à Donald Trump a ainsi été contesté par différents protagonistes comme Ron DeSantis ou Nikki Haley. Le Gouverneur de Floride a rivalisé avec l’ancien président dans les sondages après les élections de mi-mandat, avant de s’effondrer. L’ancien représentante à l’ONU est très distancée dans les sondages puisqu’elle accuse entre 50 et 65 points de retard dans les sondages et a perdu toutes les primaires sauf celle à Washington D.C.

Un programme plus radical

            Donald Trump a réemployé les méthodes de son succès de 2016 et les a consolidés avec un programme et une équipe plus solide. Sur le fond et sur la forme, l’ancien président conserve les clés de ses précédents succès pour « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Cela repose notamment sur : une rhétorique populiste du clivage entre les élites et le peuple, un programme économique libéral sur le plan intérieur et protectionniste pour réduire le déficit commercial, une fermeté sur les questions régaliennes, un conservatisme sur les questions de société et un isolationnisme excepté sur la rivalité sino-américaine. Enfin, Donald Trump s’est entouré d’une équipe plus professionnelle ainsi que d’un programme intitulé « projet 2025 », pour combattre l’état profond avec une refonte de l’État fédéral et de ses agences ainsi que le passage à un régime plus présidentiel.

            Ce positionnement anti-establishment lui a permis de consolider son noyau électoral. Ainsi, Donald Trump enregistre une grande avance (40 à 50 points d’avance) sur sa concurrente sur les électeurs républicains : qui vivent dans une zone rurale, qui ont des faibles revenus et qui sont moins diplômés. En revanche, son avance est très réduite sur : les électeurs diplômés, avec des revenus plus aisés ainsi que sur les habitants des banlieues et des métropoles. Cela explique les résultats obtenus par Nikki Haley à Washington D.C ou dans certains comtés. À titre d’illustration, elle a gagné les comtés de Richland et de Charleston en Caroline du Sud. Ce sont les lieux regroupant les plus grandes villes et qui ont voté démocrate lors des dernières élections. Ainsi, Donald Trump est très dominant dans les comtés pro-républicain tandis que Nikki Haley réduit l’écart dans les comtés à tendance démocrate.

Failles et perspectives face à Biden

            Donald Trump devrait enregistrer une large victoire lors du Super Tuesday pour se rapprocher de l’investiture (1215 délégués nécessaires). Ce mardi 5 mars, l’ancien président va remporter la grande majorité des 865 délégués en jeu dans les 15 états. Dans nos hypothèses, soit Nikki Haley jette l’éponge à l’issue de ce scrutin puisqu’elle n’aura quasiment plus aucune chance d’être investi soit Donald Trump devrait remporter les délégués nécessaires d’ici le 19 mars.

            La victoire de Donald Trump lors de ces primaires devrait lui permettre d’être en position de force en vue d’un match retour contre Joe Biden. Tout d’abord, l’ensemble des sondages donne l’ancien président vainqueur que ce soit au niveau du vote populaire et au niveau des États-clés. Cela est inquiétant pour le camp démocrate quand on sait que les sondages ont sous-estimé Trump en 2016 et en 2020, d’au moins 3 points dans la moyenne des sondages effectué à la veille de l’élection. De même, sur les plus de 300 sondages effectués lors du dernier scrutin au niveau fédéral, seul 5 ont donné Trump en tête. Pour cette édition, sur les 100 derniers sondages, Biden n’est en tête que sur 18.

Cependant, Donald Trump va devoir quand même élargir son électorat puisque son avance dans les sondages repose principalement sur : la désaffection des démocrates à l’égard de Joe Biden ainsi que sur la préférence des indépendants pour le mandat 2016-2020 que pour l’actuel. Ainsi, les électeurs qui ne sont pas le noyau dur des républicains, votent principalement contre l’actuel président ou par défaut. Enfin, Donald Trump doit faire face à des multiples procédures judiciaires qui le handicapent tant par la dégradation de son image, et que l’utilisation de précieuses ressources humaines ou financières.

            Le Super Tuesday devrait être une grande victoire pour Donald Trump, qui est désormais le favori de la prochaine élection présidentielle. Seulement, si les sondages sont favorables à l’ancien président, il peut faire face à de nombreux rebondissements. En effet, les démocrates pourraient changer de stratégie, ou un événement extérieur comme sur le plan judiciaire pourrait fragiliser Donald Trump, un colosse aux pieds d’argile.

William Thay, président du Millénaire, think-tank indépendant spécialisé en politiques publiques

Pierre Clairé, Directeur adjoint des Études et spécialiste des questions internationales et européennes.

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Crédit photo : Former President of the United States Donald Trump speaking with attendees at the 2023 Turning Point Action Conference at the Palm Beach County Convention Center in West Palm Beach, Florida, Gage Skidmore, via Flickr, sous license Attribution-ShareAlike 2.0 Generic.

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