William Thay et Pierre Clairé pour Valeurs actuelles : « Primaire républicaine : Trump absent des débats, erreur ou acte de génie ? »

William Thay, politologue et président du Milllénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques, et Pierre Clairé, directeur adjoint des études du Millénaire et spécialiste des questions européennes et internationales, analysent la campagne autour de la primaire du Parti républicain américain, en vue de la présidentielle de 2024.


Pour la deuxième fois consécutive, Donald Trump était absent du débat qui rassemblait les différents candidats à la primaire républicaine. Bien que manquant à l’appel, le fantôme de l’ancien locataire de la Maison-Blanche était omniprésent et inoubliable. L’ex-président avance en favori de cette primaire, et rien, même les ennuis judiciaires, ne semble arrêter la probabilité d’un match retour entre Joe Biden et Donald Trump.

Une absence remarquée

Après son absence lors de la première joute télévisée entre les différents candidats à l’investiture républicaine, le 23 août dernier, Trump a récidivé lors du deuxième débat. L’ancien président refuse catégoriquement de se prêter à cet exercice, car le format ainsi que les modérateurs choisis pour arbitrer les débats ne lui conviennent pas. Il est même allé plus loin en accusant le comité national républicain et les instances dirigeantes du parti de vouloir lui nuire en se montrant injuste. Il demande que les débats soient organisés de manière juste et honnête pour pouvoir y participer.

Mais Donald Trump ne se contente pas de montrer son mécontentement et d’attaquer le Parti républicain, il utilise aussi d’autres moyens de communication et impose son propre rythme. Parallèlement au premier débat, il a participé à l’émission présentée par  l’ancien présentateur vedette de Fox News, l’influent Tucker Carlson,  diffusée en direct sur X (nouveau nom de Twitter). Cette entrevue a été vue par des centaines de millions d’Américains, démontrant une fois de plus l’intérêt et l’engouement autour du phénomène Trump.

Cette stratégie est questionnée mais elle permet à Donald Trump de rester au cœur du débat. Si certains parlent d’erreur et insistent sur l’absence de débat contradictoire, sachant que Trump n’est jamais mis en difficulté, d‘autres observateurs parlent de génie. Finalement, on s’appesantit davantage sur l’absence de Donald Trump que sur les débats eux-mêmes, limitant les possibilités pour d’autres candidats d’émerger et de se poser comme challengers à l’ancien président. Ainsi, ce dernier joue à fond la carte antisystème et évite de se mêler à des candidats que l’opinion ne connaît pas et qui ne provoquent pas l’euphorie.

Les deux débats n’ont pas accouché d’un vainqueur

Malgré l’absence de Trump, aucun candidat ne parvient à tirer son épingle du jeu. Comme lors du premier débat, les différents candidats se sont principalement limités à attaquer l’ancien président ou à se critiquer les uns les autres. Ainsi, ils n’ont passé que très peu de temps à discuter de réelles propositions et à décliner les raisons pour lesquelles il faudrait voter pour eux. Cette foire d’empoigne et ce vide politique donnent raison à Trump, qui est vu de plus en plus comme l’unique candidat républicain porteur d’idées structurantes et cohérentes. Il se positionne véritablement au-dessus de la mêlée et justifie son statut d’immense favori. Les différentes enquêtes d’opinion le placent largement en tête, frôlant les 60 %, loin devant tous les autres candidats.

Alors qu’il était vu comme le “second homme”, celui qui pouvait faire tomber son ancien mentor, Ron DeSantis ne fait que décevoir durant cette campagne et perd du terrain sondage après sondage. Alors que le gouverneur de Floride était considéré comme le principal opposant de Trump il y a encore quelques mois, l’écart entre les deux hommes n’a fait que se creuser et il ne séduit qu’entre 10 et 15 % des électeurs républicains aujourd’hui. Pire, il voit l’énergique Vivek Ramaswamy se rapprocher dangereusement. Cet homme d’affaires trentenaire séduit de plus en plus par son franc-parler et sa ligne politique Trump-compatible, si bien qu’il pourrait devenir un allié de choix pour l’ancien président, qui aura besoin d’élargir sa base à la jeunesse en prévision de l’élection présidentielle.

Trump se dirige-t-il vers une victoire facile ?

L’avance de Donald Trump dans les sondages est telle qu’il va vraisemblablement remporter la primaire républicaine. Aucun candidat ne semble en mesure de l’inquiéter et il sera très probablement le candidat du Grand Old Party en novembre prochain, pour la troisième fois consécutive. Sa base électorale est forte et fidèle au personnage ainsi qu’à son discours antisystème. De plus, il est vu comme le seul capable de battre les démocrates qui, selon lui, ne l’ont pas emporté à la régulière il y a trois ans. Enfin, la gauche américaine est accusée de téléguider la justice pour tenter de le faire tomber. L’ancien président prétend qu’ils n’ont de cesse de l’attaquer car il est le seul capable de les inquiéter, à la différence des autres candidats à la primaire.

Paradoxalement, les ennuis judiciaires de Donald Trump ne pèsent pas dans la course à l’investiture républicaine et ont même tendance à le renforcer. Pour autant, ils pourraient avoir un impact négatif sur sa campagne présidentielle et réduire à néant ses chances de prendre sa revanche sur Joe Biden. L’ex-président doit faire face à un grand nombre d’affaires, dont les plus graves sont la tentative d’influence des résultats électoraux ou la participation dans l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021, qui pourraient porter un coup fatal à sa réputation et l’empêcher de séduire des électeurs plus modérés, déçus par Biden mais incapables de voter pour un candidat sous le coup de nombreuses enquêtes.

Même si tout porte à croire que nous nous dirigeons vers un nouveau match Trump-Biden en novembre 2024, nous ne sommes pas à l’abri d’un retournement de situation et se sont les affaires qui pourraient dicter le résultat de la présidentielle américaine. Le président démocrate est lui aussi menacé de poursuites judiciaires et est accusé de corruption par les républicains, qui veulent le destituer. Ainsi, le sort de la première puissance mondiale et première démocratie pourrait se retrouver dans les mains des juges…

William Thay, Président du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire, spécialiste des politiques publiques.

Pierre Clairé, directeur adjoint des Etudes du Millénaire et spécialiste des questions internationales et européennes.

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Crédit photo : Donald Trump (51336034159) sous license  Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic.

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