Marion Pariset et Pierre Clairé pour Marianne : « Congrès du Parti Communiste Chinois : Xi Jinping ressuscitera-t-il Mao Zedong ? »

Ce dimanche 16 octobre s’est ouvert le XXe congrès du Parti communiste chinois. Dans une tribune, Marion Pariset et Pierre Clairé, membres du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques, en étudient les enjeux pour Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC).

Ce dimanche 16 octobre s’ouvre le vingtième congrès national du Parti communiste chinois (PCC). Lors de celui-ci, Xi Jinping sera reconduit comme secrétaire général du Parti pour la troisième fois, une première depuis la disparition de Mao Zedong en 1976 et la limitation à deux mandats instaurés dans les années 1980. Xi est en passe de devenir le troisième dirigeant fort de la République populaire de Chine (RPC) après Mao Zedong et Deng Xiaoping. Le Congrès national est l’événement permettant le changement de leadership dans les hautes sphères du Parti communiste chinois et les changements de la Constitution du Parti.

Lors de celui-ci, les membres du Comité central, l’assemblée législative du parti, sont élus. Nous connaîtrons également la composition du bureau politique, organe décisionnaire du Parti dominé par le Comité permanent, réunissant les personnages les plus importants du régime. Ses membres, surnommés « les sept empereurs » tant leur influence est grande en Chine, sont dirigés par le secrétaire général du Parti qui sera, selon toute vraisemblance, à nouveau Xi Jinping. Aujourd’hui, pourtant, les décisions importantes sont prises par un groupe restreint d’individus en dehors du Congrès. Ainsi l’importance du Congrès est toute relative, et nous ne devrions pas assister à des évènements historiques.

Pour autant, si Xi Jinping souhaite accroître son emprise sur le parti et la société, il est nécessaire pour lui de faire accepter ses vues lors du Congrès. Avec ses prédécesseurs, Jiang Zemin et Hu Jintao, une volonté d’en finir avec le règne de Mao Zedong était observable. Car les transitions au sein du PCC étaient calmes et le culte de la personnalité proscrit, avec la direction collégiale imposée au PCC et la suppression du titre de président du PCC. Lors de la révision de la Constitution de la République populaire de Chine en 2018, les modifications ont inclus « la pensée de Xi » – qui présente les idéologies politiques et économiques développées par Xi Jinping – et ouvert la voie à l’institutionnalisation de la figure de Xi Jinping. Lors du Congrès, Xi Jinping pourrait continuer cette ascension en accentuant sa mainmise sur le Parti. Ce qui fait penser à certains analystes qu’il pourrait ressusciter la charge de président du PCC ou se faire octroyer un titre dans la même veine que Mao Zedong.

BILAN FORT

Ce qui rapproche l’action de Xi Jinping de celle de Mao est donc bien évidemment le culte de la personnalité et la mainmise sur le Parti. En rupture avec ses prédécesseurs et ce qui se faisait dans le PCC depuis les années 1980, Xi Jinping a instauré une forme d’autoritarisme depuis son arrivée au pouvoir en 2012. Il a en effet affirmé son contrôle sur l’appareil d’État, avec des campagnes contre la corruption et une mainmise sur le Comité permanent du Politburo, qui est passé de 9 à 7 membres et où les oppositions se font moins entendre.

Les deux dirigeants se rejoignent également sur le plan international, avec une volonté d’affirmer la grandeur chinoise et d’élever le pays. On se souvient du réchauffement des relations entre République populaire de Chine et Occident à la fin du règne de Mao Zedong, avec le gain du siège au Conseil de Sécurité de l’ONU, ou l’expansion territoriale de la RPC. L’action de Xi à l’international se définit, quant à elle, par une agressivité assumée pour accélérer l’autonomisation du modèle chinois. Cela s’est caractérisé entre autres par le conflit commercial avec les États-Unis, devenu un rival économique, par une politique diplomatique plus agressive qualifiée de doctrine des « loups guerriers », ou par un activisme renforcé sur le plan militaire.

LONG CHEMIN

Avant de devenir un nouvel Empereur rouge et d’ancrer la Chine comme première puissance mondiale, de nombreux défis attendent Xi Jinping. Pour s’élever au rang de Mao Zedong dans l’histoire chinoise, Xi Jinping devra s’assurer le contrôle du Parti communiste en faisant taire les critiques pour protéger son pouvoir. Or, certains critiquent sa politique zéro-Covid et ses conséquences économiques et sociales, ou les relations sino-russes dont Xi Jinping est un fervent défenseur. Mao avait fait face à de semblables critiques lors du 8e Congrès en 1956, mais avait réussi à reprendre le contrôle du Parti avec la révolution culturelle.

À Deng Xiaoping, il devra en outre emprunter l’attitude réformatrice sur le plan économique. Comme avec les « Quatre Modernisations », Xi Jinping doit proposer un cap adapté aux défis de l’économie chinoise. Son capitalisme « à la chinoise » s’éloigne cependant des pas de Deng Xiaoping vers la libéralisation, pour mettre l’accent sur une réduction de la dépendance de la Chine aux échanges internationaux, notamment avec les États-Unis. Mais au-delà d’un objectif économique, cette transition sera nécessaire pour effacer les stigmates de la mauvaise gestion de la crise du Covid-19.

Enfin, Xi Jinping devra s’affranchir du passé s’il veut marquer l’histoire à sa manière. Son ambition est bien d’ouvrir une nouvelle ère pour le pays, et non de poursuivre les efforts engagés par ses prédécesseurs. Redonner à la Chine ses lettres de noblesse passera par la confirmation et la diffusion du modèle chinois comme alternative au modèle américain. Xi Jinping doit pour cela mettre au pas les territoires récalcitrants comme Hong Kong, Taïwan et le Xinjiang, et renforcer son influence à l’international pour protéger ses leviers de souveraineté.

Marion ParisetSecrétaire générale du Millénaire, think-tank gaulliste et indépendant, spécialisé en politiques publiques

Pierre Clairé, directeur adjoint des études au Millénaire

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Crédit photo : Xi Jinping par Jean-Marc Ferré sous licence CC BY-NC-ND 2.0

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