« Résoudre la question de Taïwan est une question qui appartient au peuple chinois. Nous continuerons à nous efforcer de rechercher une solution pacifique avec une grande sincérité mais nous ne promettrons jamais de renoncer à l’usage de la force et nous nous réservons le droit de recourir à toutes options nécessaires. La réunification complète de notre pays doit être réalisée, elle le peut et elle le sera sans aucun doute. »
Ces mots, prononcés par Xi Jinping, premier secrétaire du Parti Communiste Chinois, le 16 octobre 2022 lors du XXème congrès du PCC, ont provoqué de vives inquiétudes dans la communauté internationale. Le président de la République populaire de Chine, qui ne parle pas souvent de l’île rebelle, a fait bien plus que répéter une vieille antienne du PCC et a montré que la question de Taiwan est une de ses priorités. Cette position a été renouvelée lors de la présentation de ses vœux aux Chinois pour l’année 2024 où le patron du PCC a affirmé que la Chine « sera sûrement réunifié ».
Même si la « réunification » de l’île au continent est une absurdité historique, Taiwan n’ayant jamais été administrée par la Chine Populaire, cette rhétorique a fait bondir à Washington mais surtout à Taipei. En effet, la Chine Communiste se montre de plus en plus menaçante ces derniers mois, comme si le ralentissement de l’économie chinoise expliquait ce regain autocratique et belliqueux. L’invasion n’a jamais parue aussi proche et les prochaines élections taïwanaises peuvent agir comme un déclencheur majeur. Ces élections se tiennent à un moment clef avec l’impossibilité pour la présidente sortante, la populaire Tsai Ing-wen, de se représenter. Ainsi, un nouveau dirigeant devra faire face à une des périodes les plus tendues et incertaines de l’île, et conduira soit à un apaisement des relations de l’île avec Pékin soit à un durcissement.
L’élection pourrait difficilement conduire à un statu quo, avec trois partis qui se disputent le pouvoir. Ces élections se jouent principalement entre le Parti démocratique progressiste (DPP) ou Minjindang menée par le Vice-Président Lai Ching-te connu sous le nom de William Lai, le Kuomintang (KMT) mené le maire du nouveau Taipei Hou Yu-ih et le Parti populaire taiwanais (PPT) dirigé par Ko Wen-je. Alors que les élections se décidaient habituellement entre les deux premiers partis, le PPT a fait irruption sur la scène politique pour rendre l’élection plus qu’incertaine. Nous avons le premier parti qui est celui de la présidente sortante qui adopte des positions en faveur de l’indépendance. Tandis que les deux autres se montrent plutôt en faveur de relations plus proches avec la Chine.
Alors que nous parlons souvent de l’éventualité d’une invasion chinoise de Taiwan et l’éclatement d’un conflit global, il est nécessaire d’aborder la politique taiwanaise et de comprendre les enjeux de cette élection. Notre étude vise à expliquer les raisons d’élections historiques et capitale pour l’avenir de l’île. En effet, différents scénarios pour l’élection présidentielle et les élections législatives renforceraient de manière significative la probabilité de voir une invasion militaire de Taiwan par la Chine. Ainsi, une élection de William Lai du Parti démocratique progressiste ouvrirait une fenêtre de tir sous son mandat (2024-2028) pour une invasion militaire de l’île par Xi Jinping. De tensions entre la Chine et Taiwan pourraient également naitre un conflit régional et mondial justifiant un regard assidu sur l’évolution de la politique taiwanaise.
Les élections du 13 janvier prochain promettent d’être d’une grande importance pour l’avenir de l’île de Taiwan. La présidente sortante, Tsai Ing-wen ne pouvant plus se représenter, un nouveau dirigeant taiwanais va émerger en janvier, ce qui signifiera à coup sûr un changement de politique sur l’île. Cela pourrait se traduire par plus ou moins de tensions et de coercition avec la République populaire de Chine.
Ce moment charnière dans l’histoire politique de Taiwan s’explique par les derniers évènements et par un climat tendu dans la zone. Ainsi, selon le résultat des élections présidentielle et législatives, l’indopacifique et surtout le détroit de Taiwan, vont être des zones à surveiller en 2024 et à l’avenir. Nous pourrions nous diriger vers un conflit régional qui pourrait évoluer vers un conflit mondial.
Pourtant, les sondages sur les futurs scrutins montrent que ces élections seront très incertaines et que ce devraient être le pragmatisme et la modération qui vont dominer sur l’île suivant les élections. L’émergence du TPP explique ces difficultés d’adopter une politique extrême vis-à-vis de la Chine Continentale.
Cette forme d’incertitude et de fragmentation politique à venir sur l’île rebelle convient parfaitement à Pékin. En effet, la République Populaire de Chine s’est fixée 2027, anniversaire de la fondation de l’Armée Populaire de Libération et dernière année du mandat du troisième mandat de Xi Jinping, pour lancer son invasion. L’armée chinoise n’est pas prête à se lancer dans une invasion à l’heure actuelle, alors qu’elle serait difficile à mener et que l’armée n’est pas encore suffisamment préparée pour faire face à l’armée taiwanaise qui a préparé la défense d’une île à la géographie hostile, et surtout pour prendre le dessus sur les armes américaines et l’armée états-unienne.
Le temps va donc assurément jouer en la faveur de Xi, alors que les Chinois seront focalisés durant les 3 prochaines années sur la modernisation de l’armée pour être fin prêt à passer à l’acte. Ainsi la coercition et les exercices chinois devraient continuer, en grandissant en intensité et en nombre, sans toutefois que la ligne rouge soit passée, sans quoi le ton devrait monter. De l’autre côté du Pacifique, il faut dire que la prochaine élection présidentielle américaine pourrait aussi avoir un impact important. Donald Trump s’est toujours montré plus ferme vis-à-vis de la Chine, alors que Joe Biden a toujours privilégié une approche pragmatique et plus modérée…
En conclusion, l’élection présidentielle taiwanaise possède une importance cruciale. En fonction du scénario, nous avons plus ou moins de chance d’avoir une invasion militaire de l’île. Ainsi, nous observons qu’une élection de William Lai ouvre une fenêtre de tir pour une telle possibilité. Dans cette hypothèse, les relations entre la Chine et Taiwan seraient de plus en plus complexes, entrainant Xi Jinping dans un scénario similaire à celui de son homologue russe, Vladimir Poutine. Pour éviter que la situation lui échappe, le président chinois serait tenté de procéder à la réunification par la force.
Par Pierre Clairé, directeur adjoint des études du Millénaire
William Thay, président du Millénaire
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Crédit photo : President Tsai Ing-wen avec Vice-President William Lai via Wikimedia Commons sous licence CC BY 2.0 DEED
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