Un changement de régime
Avec l’inversion du calendrier électoral et l’adoption du quinquennat, la France s’est habituée à l’hyperprésidence. Nous assistions en effet à une conformité entre la couleur politique du président de la République et la majorité parlementaire. Ce phénomène est renforcé par le fait majoritaire, c’est-à-dire une majorité nette à l’Assemblée nationale et donc une majorité absolue pour groupe parlementaire du président de la République. De plus, avec l’inversion du calendrier parlementaire, les députés sont dépendants de l’élection présidentielle pour bénéficier de l’effet de vague. C’est-à-dire que les députés sont davantage élus sur leur étiquette politique et celui du président que sur leur nom, ce qui limite leur marge de manœuvre.
Le second tour des élections législatives a fait passer la France dans un nouveau régime. Comme nous vivons encore les premiers jours de ce nouveau régime, nous ne connaissons pas encore les coutumes et les pratiques qui vont en découler. Nous allons vraisemblablement osciller entre deux situations connues : la IVème République et le régime présidentiel américain. Nous allons vivre des situations similaires à la IVème République où le Gouvernement peut être mis en minorité, avec un risque d’instabilité gouvernementale. Mais dans le même temps, le président de la République qui possède plus de prérogatives que sous la IVème République, conserve toujours un rôle actif qui le conduit à adopter le même rôle que le président américain. Il doit séduire les parlementaires un à un pour construire des majorités de projet.
Une nouvelle donne politique
Emmanuel Macron doit faire face à un Parlement divisé sans réelle possibilité de mettre en place une majorité stable. En effet, il ne peut compter sur les députés classés divers gauches en nombre insuffisant ni sur les Républicains qui refusent tout accord de Gouvernement. De plus, à la différence de Michel Rocard en 1988, il ne peut utiliser l’arme du 49.3 qu’à une seule reprise par session parlementaire (changement avec la réforme constitutionnelle de 2008), ce qui limite ses marges de manœuvres.
Pour gouverner la France avec une majorité parlementaire relative, le président de la République doit se réinventer en adaptant ses choix au nouveau régime parlementaire. Cela suppose de changer de Premier ministre qui doit remplir deux conditions : être habile sur le plan politique pour séduire les députés et parler à la seule cible lui permettant de dégager une majorité : les Républicains. Ce prochain Premier ministre dispose d’un atout, la droite républicaine ne s’alliera pas avec Macron mais ne peut pas bloquer le pays. En effet, cela offrirait un motif à Macron pour dissoudre en prétextant le blocage des institutions pour jouer la même partition que le Général de Gaulle en 1968. Le blocage du pays par les forces politiques de gauche avait alors été sanctionné par les électeurs lors de la dissolution et les élections législatives de 1968.
Pour gouverner la France, le président de la République doit adapter son projet de gouvernement à la nouvelle donne politique. En supposant qu’il ne souhaite pas s’adresser ni s’allier avec les extrêmes, il ne reste qu’une seule force politique qui peut lui apporter un soutien passif en s’abstenant : les Républicains. Il s’agit alors de porter des projets de lois que la droite a toujours rêvé. Cela passe par plusieurs axes à titre d’illustration : la réforme des retraites, les questions régaliennes, la réforme de l’État avec la baisse des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, la libéralisation de l’économie et du travail, etc. Dans cette hypothèse, Emmanuel Macron n’obtiendra pas un ralliement mais il peut piéger les Républicains. En effet, est-ce que les députés LR peuvent refuser ce type de programme en votant contre ?
Lors de son discours de victoire au soir du second tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de réinventer la démocratie. Les Français par leur vote lors des élections législatives lui ont imposé ce changement. L’hyperprésident fait désormais face à un hyper-parlement. Ainsi, Emmanuel Macron dispose encore d’une capacité de gouverner mais au prix d’une évolution sur la forme et sur le fond. Il s’agit pour lui d’adopter la même attitude que les présidents américains face à leur Congrès tout en s’alignant sur l’évolution du pays en termes d’attente de politiques publiques.
William Thay, président du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques.
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Crédit photo : Emmanuel Macron par Jeso Carneiro, CC BY-NC 2.0
Crédit photo : Perchoir par Assemblée nationale, Libre de droit
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