William Thay pour le JDD : « La France doit exploiter son gaz de schiste »

William Thay, président du think-thank Le Millénaire, assure que « la France doit vaincre le tabou de l’exploitation du gaz de schiste pour reprendre en main son destin face à la crise énergétique ».

Fustigeant les « scénarios de la peur », Emmanuel Macron a dû rassurer sur les risques de coupures d’électricité à la suite de la communication catastrophique du plan d’urgence de « délestage ». Pourtant, si les Français sont inquiets sur la capacité de la France à passer l’hiver, ils devraient surtout l’être pour le prochain qui sera plus difficile que celui-ci. La crise de l’énergie n’est pas derrière nous, mais bien devant.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la fin de l’achat de gaz russe, la France et le continent européen se préparent à manquer d’énergie. Pour le gaz, le remplissage de 100 % des réserves stratégiques françaises devrait assurer l’essentiel de la consommation habituelle de cet hiver. Mais ce stock sera très difficile à reconstituer d’ici l’hiver prochain en raison des tensions mondiales sur le marché du gaz et de la difficulté à trouver de nouveaux fournisseurs. Alors que les États-Unis ne prévoient pas d’augmenter leur production de gaz et que nous entretenons des relations difficiles avec les pays du Maghreb, la France pourra-t-elle se chauffer une fois ses réserves épuisées ?

Le second sujet d’inquiétude est celui de la pénurie d’électricité. D’abord, environ 7 % de l’électricité française est issue du gaz ; sans la reconstitution des stocks, nous ne bénéficierons pas de ces 7 % l’hiver prochain. Ensuite, le manque d’anticipation et de soutien à notre filière nucléaire entraîne une indisponibilité d’une partie de nos centrales atomiques, diminuées par des maintenances programmées ou des problèmes de corrosion. Les redémarrages anticipés auxquels nous sommes aujourd’hui contraints augmentent la probabilité de nouveaux arrêts dans les années qui viennent. Ainsi, l’an prochain non plus, notre parc nucléaire ne sera pas entièrement disponible. Dans le même temps, la remise en marche des réacteurs connaît un retard important et certains d’entre eux pourraient rester indisponibles. Du scénario de septembre prévoyant 54 gigawatts (sur 61) disponibles au 1er janvier, EDF n’en prévoit désormais que 47 à la même date.

En abandonnant notre filière nucléaire, les politiques ont mis à mal la souveraineté énergétique de la France. Notre pays est aujourd’hui contraint d’importer du gaz naturel liquéfié américain – autre nom du gaz de schiste – et de faire à nouveau fonctionner des centrales à charbon. Le tout sans que cela évite avec certitude des coupures d’électricité, mais en pénalisant nos industriels qui réduisent leur production soit par choix (prix de l’énergie trop élevé pour que cela soit rentable de faire tourner les outils de production) soit en y était contraints (plan de rationnement et de délestage).

Pour l’économie et l’environnement, l’exploitation du gaz de schiste en France doit être autorisée. Un tel choix serait rationnel. Sur le plan des émissions de CO2, le gaz de schiste français viendrait se substituer à du charbon et à du gaz de schiste importé. Ainsi, dans le premier cas nous remplacerions une énergie qui émet 1 058 gCO2e/kWh par des centrales électriques au gaz émettant 440 gCO2e/kWh ; dans le second cas nous éviterions les émissions liées au transport de l’importation.

Sur le plan économique, cela permettrait à la France d’exploiter une ressource sur son sol plutôt que d’importer au prix fort la même énergie, en pourvoyant elle-même aux besoins de ses entreprises. L’exploitation des gisements du Sud-Est permettrait d’extraire durant trente ans 170 % de notre besoin en gaz sur la même période. Couplé à une sortie du marché européen de l’électricité, ce choix permettrait à la France de retrouver sa souveraineté énergétique et des prix de l’électricité cohérents avec les coûts d’exploitation.

Actuellement dans l’impasse, la France doit vaincre le tabou de l’exploitation du gaz de schiste pour reprendre en main son destin face à la crise énergétique. Ces décisions courageuses doivent être prise aujourd’hui, afin de pouvoir faire face l’an prochain à un nouvel hiver qui sera bien plus difficile à gérer que celui-ci.

William Thay, président du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

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Crédit photo : Gaz de schiste, de Owni via Flickr sous licence CC BY-NC 2.0

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