Il y a 85 ans, le 18 juin 1940, la France, battue militairement, était appelée par le Général de Gaulle à un sursaut. Nous avons besoin du même appel pour enrayer notre déclassement économique et militaire qui montre que nous sommes passés des 5 grandes puissances militaires sous la Guerre Froide à une 8ème place désormais en terme de budget et 11ederrière l’Italie, le Pakistan ou encore la Corée du Sud, si l’on prend l’indice de puissance calculé par le GlobalFirePower sur la base de 60 critères.
Si la France veut retrouver sa place dans le concert des nations, elle doit disposer d’atouts pour faire entendre sa voix. Comme le rappelait Bismarck « la diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments ». Or, nous avons la fâcheuse tendance à adopter des positions de principe sur le plan international, sans disposer des moyens de les faire appliquer ou à minima de nous faire respecter. Pour mener notre propre politique étrangère, nous avons besoin d’une souveraineté militaire, et donc se réarmer pour disposer d’une armée performante et moderne.
Se réarmer : un impératif au XXIème siècle
Se réarmer permet de répondre aux codes de notre époque, davantage westphalienne centrée sur la logique de frontière et de puissance : être suffisamment fort pour dissuader les autres puissances de nous menacer ou de nous attaquer. Car la France doit affronter une pluralité de menaces. D’abord, le terrorisme islamiste a tué près de 300 personnes sur notre sol depuis 2013 avec la volonté d’annihiler notre pays en nous livrant une guerre des civilisations. Ensuite, si la dissuasion nucléaire annihile le risque existentiel que pourrait représenter la Russie, elle ne protège plus nécessairement du retour des guerres de haute intensité. Enfin, des « nations-empires » telles que l’Iran ou la Turquie usent de tous les moyens conventionnels (militaires, juridiques, diplomatiques) et non conventionnels (ingérences, religieux, psychologiques) pour déstabiliser notre pays ou nos intérêts.
La France ne saurait se contenter d’une attitude purement défensive. C’est pourquoi notre doctrine militaire basée essentiellement sur la dissuasion nucléaire (13% des dépenses de la défense, soit 6,9 milliards d’euros par an) est désuète. Face aux nations-empires qui nous défient, c’est notre capacité de projection qui rendra crédible la voix de la France. En effet, notre statut de puissance d’équilibre dans l’ordre mondial et notre importante Zone Économique Exclusive (la 2ème plus grande au monde) font que nous avons des intérêts stratégiques à l’échelle du monde tant sur à l’Est (Europe de l’Est), au Sud (Sahel et Afrique subsaharienne) et dans des zones stratégiques, comme l’Indopacifique. Or, les conflits récents en Ukraine, en mer de Chine ou même en Afrique montrent que les pays attaqués sont ceux qui ne disposent pas d’une force militaire capable de se projeter rapidement, lointainement et durablement, est en soi une forme de recul.
Le réarmement comme projet collectif de société
La souveraineté militaire n’est pas qu’un poste budgétaire, c’est une condition de la souveraineté d’une nation à savoir sa liberté. La société française comme le reste des sociétés occidentales manque d’un projet collectif. Nos sociétés sont déconstruites par le triomphe de l’individualisme, la destruction des structures intermédiaires qui donnaient du sens à des individus et à des collectivités (nation, famille, église) et la victoire des idéologies de la déconstruction (wokisme, écologisme, indigénisme, etc.). Le réarmement ne doit pas se limiter simplement à une reconstitution des capacités matérielles, mais constitue une rupture avec ces dogmes.
Afin d’embarquer toute la société, le réarmement doit être adossé à une vision du rôle de la France dans le monde. La France ne peut pas courir tous les lièvres à la fois : elle doit réaffirmer son identité stratégique. Ainsi, la France doit embrasser son rôle de leader politique, diplomatique et militaire de l’Europe. La politique étrangère américaine n’évoluera pas sensiblement sur le fond même après Donald Trump. De plus, le départ du Royaume-Uni adossé au passé allemand, laisse une place pour notre pays si nous nous en donnons les moyens. Trop souvent, nous avons donné des directions ou des leçons sans pour autant être efficace dans nos actions pour être crédible.
Comment se réarmer concrètement ?
Se réarmer suppose de comprendre les difficultés de nos armées. La France souffre de deux lacunes : la dépendance à l’étranger et l’échantillonnage de nos armées et de notre industrie de défense. Sur le premier aspect, l’imbrication dans l’OTAN et la stratégie d’exportations de notre industrie de défense a fait que nous sommes devenus dépendants de l’étranger tant sur l’équipement de nos soldats, la production de la plupart des fleurons industriels nationaux et le chiffre d’affaires de la BITD (30% issus des exportations). Ce dernier point nous rend dépendant de la capacité de nos dirigeants de vendre des contrats. Or, lorsqu’ils en perdent d comme l’Affaire des sous-marins Aukus perdue par Emmanuel Macron, toute la BITD y perd. Sur le second aspect, elle est la conséquence de la réduction des dépenses militaires au profit des « dividendes de la paix » passant, de 5,4% du PIB en 1960, à 1,8% en 2018. Seulement, nous avons maintenu un investissement dans les 5 domaines de la guerre : la terre, la mer, le ciel, le spatial et le cyber, ce qui nous empêche d’être performant partout. Ainsi, la France peut mener une guerre de haute intensité sur tous les fronts, mais uniquement sur une journée !
Il ne suffit pas de décréter le réarmement pour qu’il s’opère efficacement. Pour se réarmer, nous proposons une stratégie en deux volets pour vaincre la dépendance à l’étranger et l’échantillonnage. D’une part, nous devons créer un écosystème favorable au réarmement militaire. Cela passe par trois verrous à libérer. Le financement en portant nos efforts budgétaires à +4% du PIB financés à deux tiers par des coupes dans le modèle social et les dépenses de structure de l’État et à un dernier tiers réparti entre l’épargne des Français et les achats européens via un « Buy European Act » (1). Les normes, en reconnaissant le rôle de service public aux entreprises de défense pour les exempter de critères éthiques et environnementaux ESG qui verrouillent l’accès aux financements bancaires de la BITD ou en créant un régime spécial assoupli de normes d’urbanisme et d’environnement de « sites stratégiques prioritaires » destiné à la défense (2). Enfin sur le travail, en exemptant les entreprises de défense des 35h en contrepartie d’une revalorisation des salariés, d’une défiscalisation des heures supplémentaires et d’un allègement de charges patronales sur le modèle de Daladier en 1938 (3). D’autre part, la France doit maîtriser les innovations de rupture dans le secteur de la défense car investir 1 milliard d’euros dans la BITD revient à gagner 2 milliards d’euros dans 10 ans. Pour cela, nous devons soutenir et protéger l’innovation de nos acteurs. Pour les champions, en leur accordant une priorité d’accès au crédit impôt-recherche. Pour les PME et ETI, par un “droit d’alerte souverain” en cas d’offre étrangère de rachat. Pour les start-ups, par un mécanisme de protection renforcée pour les brevets « souverains ».
Le réarmement militaire est une nécessité vitale dans un monde marqué par le réveil des empires, le retrait américain et le retour des conflits en Europe. Si nous ne décidons pas de notre destin militaire, d’autres le feront pour nous et la France sortira définitivement de l’Histoire. Se réarmer permet de disposer des instruments pour jouer notre propre partition sur la scène internationale et peser dans le concert des nations. Si nous voulons continuer à jouer notre rôle dans l’Histoire, il faut nous réarmer !
William Thay, Président du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire, co-auteur du rapport « Comment réarmer militairement la France »
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Crédit photo : Hommes en uniforme de camouflage vert et marron, de Filip Andrejevic, sous license Unsplash.
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