L’annonce de la création d’un département d’efficacité gouvernementale sous le nom du DOGE a fait l’effet d’un électrochoc. Même au pays du capitalisme, vouloir « dégraisser le mammouth » ne fait pas l’unanimité. Après la rupture entre Donald Trump et son soutien emblématique Elon Musk, le DOGE refait parler de lui, avec une question: quel est son bilan après six mois d’existence ?
À ce jour, un bilan objectivement mitigé mais qui marque une ambition nouvelle
Le DOGE s’inscrit dans la philosophie libertarienne qui estime que les missions de l’État doivent être réduit dans sa mission minimale. Alors que la présidence Biden, à travers ses nombreux plans de relance, aura significativement contribué à augmenter les dépenses fédérales et de fil en aiguille exploser la dette publique, à hauteur de 120% du PIB américain, le DOGE reprend la volonté de Ronald Reagan. L’ancien président américain estimait que « l’État n’est pas la solution aux problèmes, il est le problème ». Concrètement, cela implique de réduire les coûts tout en améliorant la qualité et l’efficacité des services fédéraux.
Le bilan du DOGE est sévèrement jugé puisque les objectifs de réduction des dépenses publiques ne sont pas atteints. Malgré une réduction de l’objectif de 2000 à 1000 milliards d’économies, le DOGE a seulement été en mesure de réduire de 180 milliards de dollars les dépenses fédérales. Au bilan de réduction des dépenses mitigé, vient s’ajouter les méthodes de réformes du DOGE qui ne font pas l’unanimité et ont suscité une véritable levée de boucliers, comme les méthodes jugés agressives pour licencier les travailleurs fédéraux.
Un premier bilan qui est à relativiser car le DOGE a de beaux jours devant lui
Si le DOGE n’a pas réussi à accomplir ses objectifs ambitieux, il représente une révolution de politique économique alors que la dette américaine dépasse les 36 000 milliards de dollars soit 120% du PIB ou encore plus de 100 000 dollars par américain. Donald Trump mesure l’enjeu de la dette publique pour 3 raisons : le risque de défaut de paiement en cas de désaccord politique sur le relèvement du plafond de la dette (1) ; la dépendance à l’égard de l’étranger notamment de la Chine qui a su utiliser ce levier lors de la guerre commerciale pour faire plier les États-Unis (2) le risque d’éclatement de bulles financières avec une dette publique et privée trop importante, avec le fameux cas de la dette des étudiants américains (3).
Sur le long terme, le DOGE incarne une véritable victoire idélogique dans la 2ᵉ révolution conservatrice, menée par Donald Trump. Il souhaite briser le tabou d’un État fédéral irréformable et à la toute-puissance de l’état profond. En effet, le DOGE a permis de s’attaquer aux programmes de politiques de diversités, à l’USAID et aux fraudes à la sécurité sociale. Enfin, à travers les licenciements de masse de fonctionnaires, le DOGE a permis à Trump de s’attaquer à ce qu’il dénomme « l’État profond ». Il s’agit de ces fonctionnaires non élus qui jouissent d’une énorme influence sur la politique américaine que Trump accuse d’entraver son projet de réarmement de l’Amérique.
Le départ d’Elon Musk ne change rien, le DOGE fait partie de l’ADN de l’État fédéral, puisque ses employés continuent leur travail dans plusieurs agences gouvernementales. Le DOGE est loin d’avoir terminé sa mission et il fera encore couler beaucoup d’encre.
William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques
Sean Scull est analyste du Millénaire, spécialiste de la politique américaine et auteur de le Populisme, symptôme d’une crise de la démocratie, comment le néolibéralisme a triomphé en France et en Suède, aux éditions L’Harmattan.
Tribune à retrouver dans le numéro du 10 juillet de Valeurs Actuelles
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Crédit photo : Musk’s DOGE using customized Grok AI to analyse US government data without permission, de James Duncan Davidson, sous licence CC BY-NC 3.0
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