Nîmes, Nantes, Marseille, Lyon, Paris, toutes les métropoles françaises, grandes comme moyennes, sont confrontées à leur périphérie ou en leur sein au phénomène de « Territoires perdus de la République » pour reprendre l’expression de Georges Bensoussan. Ces zones de non-droit sont constituées dans les 1 515 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) où vivent plus de 5 millions de personnes. Dans ces territoires, la loi de République française a disparu au profit de la loi des gangs, des caïds et des grands frères qui ont organisé des sociétés parallèles, devenues des bombes à retardement si nous ne reprenons pas le contrôle de la situation.
La République s’est faite remplacée
L’Etat de droit républicain n’assure plus les fonctions régaliennes d’un Etat au sein de ces territoires. En effet, il a trop longtemps reculé en adoptant la doctrine « pas de conflit, pas de vague » face aux voyous et délinquants. Ces derniers ont pu installer une culture de défiance contre les personnes dépositaires de l’autorité publique. Ainsi, il est plus difficile pour un policier d’exercer ou pour un professeur d’enseigner dans ces quartiers que dans le reste du pays. Pire, ce sont désormais les gangs qui assurent les fonctions régaliennes d’un Etat car ils financent par le trafic de drogue (3 milliards de chiffre d’affaires en 2023 selon l’OFDT), mais aussi par d’autres trafics (contrefaçons, armes, êtres humains, etc.), leurs propres dispositifs de sécurité qui leur permettent de décider de qui peut entrer ou non dans le quartier.
La promesse républicaine est concurrencée par la loi des caïds et celle des grands frères. Ces derniers remplacent les anciens trafiquants repentis ou écroués en prison, en recrutant de nouvelles troupes parmi les jeunes générations ou les migrants arrivés récemment en leur promettant un avenir meilleur que dans le cadre républicain. De ce fait, la délinquance devient de plus en plus juvénile (plus de la moitié des interpellés des émeutes de 2023 sont mineurs) et de plus en plus marquée par une surreprésentation des étrangers (17% des mis en cause pour des faits de délinquance sont de nationalité étrangère alors qu’ils ne sont que 8% dans la population totale, et parmi eux, 39% ont une nationalité africaine).
Enfin, la République est concurrencée par des organisations religieuses, notamment de l’islamisme. Elles offrent à une partie des habitants de ces quartiers un système de valeur et un référentiel concurrent à celui de l’universalisme républicain. C’est pourquoi, 74% des jeunes français de confession musulmane placent l’islam devant la République contre 25% des plus de 35 ans. Ainsi, les pouvoirs publics constatent avec impuissance une multiplication des faits d’entrisme et d’atteinte à la laïcité à l’école (port de l’abaya/qamis, contestation des enseignements, etc.), dans les piscines (burkini) ou encore dans le sport (pratique ostentatoire du ramadan, etc.) ainsi que de l’antisémitisme qui explose depuis le 7 octobre.
Reprendre le contrôle : reconquérir, détruire et reconstruire
La France assiste au retour de la féodalité marquée par la maitrise de seigneurs de guerre locaux dont les moyens humains, matériels et financiers leur garantissent la domination d’un territoire et d’une société parallèle. Alors que nous avons vécu les pires émeutes de notre histoire tant en termes d’ampleur (750 communes touchées contre 200 en 2005) que de moyens utilisés par les émeutiers (armes lourdes, etc.), le pire est devant nous puisque ces seigneurs de guerre peuvent désormais activer à tout moment l’embrasement. C’est pourquoi, il faut reprendre urgemment le contrôle de la situation en trois étapes.
Tout d’abord, il faut se donner les moyens de reconquérir le territoire. L’histoire récente nous enseigne que trois leviers sont impératifs pour reconquérir un territoire. D’abord, il faut offrir un cadre juridique adéquat avec l’état d’urgence territorialisé. En 2005, de Villepin décrète l’état d’urgence dans 25 départements permettant la restriction de la vente de produits inflammables, comme dans les stations essence, a permis de diviser par 2 en une nuit le nombre de voitures brûlées. Ainsi, les policiers et pompiers ont été moins sollicités et donc moins ciblés. En novembre 2015, François Hollande a permis aux autorités administratives de perquisitionner et de saisir entre 6 000 et 8 000 armes à feu. L’objectif de l’état d’urgence localisé est de désarmer les trafiquants. Deuxième levier, il faut massifier la présence policière. En 2005, la hausse des effectifs de police le 4 novembre a permis de répondre au nombre croissant de délinquants et, en 2023, la mobilisation exceptionnelle de 45 000 forces de l’ordre a contenu les émeutiers en une semaine. Enfin, la reconquête doit s’accompagner de moyens judiciaires exceptionnels comme un parquet national anti-drogue pour juger rapidement et efficacement les trafiquants ou encore le recours aux comparutions immédiates.
Deuxième étape, nous devons détruire et démolir les tours et les grands ensembles car cette architecture est propice à la criminalité. D’une part, elle encourage la ghettoïsation. En effet, alors que les métropoles sont les principaux lieux de création de richesses (75% du PIB selon l’OCDE), les QPV sont paradoxalement en marge de cette création de richesses, concentrant un taux de pauvreté (42%) trois fois supérieur à la moyenne nationale. Nous avons ainsi des îlots urbains en rupture avec le reste de la ville que ce soit par le style urbanistique ou par l’inadéquation de ces lieux avec une métropole mondialisée permettant de rendre le territoire attractif à minima visuellement. D’autre part, cette urbanisation favorise les descentes et les coupes gorges, soit entre gangs rivaux ou contre la police. Enfin, l’idée est d’imposer une rupture à ces territoires en démontrant que l’État récupère symboliquement ces territoires en mettant à bas les symboles de l’ancien régime.
Enfin, après leur destruction, reconstruisons ces quartiers avec une nouvelle doctrine : faire en sorte qu’il soit plus avantageux d’être un honnête citoyen français qu’un délinquant ou trafiquant. Une telle doctrine implique de rompre avec deux dogmes néfastes introduits par la gauche : le socialisme qui a encouragé l’assistanat au détriment du travail à travers la politique de la ville, et l’égalitarisme qui a conduit au nivellement par le bas et au déclin éducatif. Ainsi, cela passe par deux grandes mesures : un nouveau pacte pour le travail pour privilégier l’emploi et donner une chance à chaque jeune de gagner sa vie par son travail (1) ; et une école de la méritocratie pour offrir un chemin d’ascension sociale à chaque jeune qui le mérite (2). Quant à la minorité qui pourrit la vie de la majorité à l’école, il faut démultiplier les internats d’excellence encadrés par des militaires en dehors de leur département d’origine, sur le modèle du Service national universel, pour sortir les perturbateurs de leur quartier.
Certes, un programme aussi ambitieux prendrait du temps, c’est pourquoi il est urgent d’agir rapidement car plus nous attendons, plus la situation sera irrécupérable. Il suffit de voir l’évolution de la situation entre les deux émeutes urbaines de 2005 et de 2023 pour observer une radicalisation et une barbarisation accélérée. Un État comme la France ne peut accepter de voir son modèle concurrencé par un autre sur notre propre territoire. Les Français et les habitants des quartiers ne redoutent pas un tel changement, mais l’attendent avec impatience.
William Thay, Président du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire spécialisé en politiques publiques
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Credit Photo : Ai généré, Des malheurs, Jours apocalyptiques sous Licence Commons Pixabay withering_tree
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