Avec les émeutes au Royaume-Uni, nombreux sont ceux qui ont fait le lien avec les émeutes de l’été 2023. Or, une telle comparaison est inopérante. Les émeutiers français sont, pour plus de la moitié, mineurs et surtout n’ont aucune revendications politiques lorsque les émeutiers britanniques justifiaient leur action injustifiable par le choc migratoire. En effet, les 4 164 émeutiers français ont invoqué des motifs divers tels que « l’influence du groupe » (41%) la « curiosité » (29%) ou la « recherche d’adrénaline » (23%). Seulement, ces profils « d’émeutiers enfantins durement punis par la justice » constituent une communication gouvernementale masquant la réalité : le pire est à venir.
Il y a un peu plus d’un an, la France a été secouée par les pires émeutes de son histoire. En France, ces émeutes tendent de plus en plus vers une logique insurrectionnelle. La différence entre une émeute et une insurrection réside dans le fait que cette dernière est organisée autour d’un mode opératoire précis (1), contre une autorité explicitement nommée (un gouvernement, une administration) (2) et cherche à renverser cette autorité (3). Contrairement à ce que l’on pourrait penser, une insurrection n’est pas liée à une idéologie ou à un projet politique précis, mais résulte souvent d’un fait de société perçu par les futurs émeutiers comme un acte d’autorité abusive pratiqué par le pouvoir en place, comme des « violences policières » dans l’esprit des émeutiers.
Les émeutes urbaines françaises répondent de plus en plus aux codes de l’insurrection. La première vague d’émeutes en 2005 a mis en place un mode opératoire qui sera ensuite toujours appliqué (incendies de voitures, coupe-gorges contre la police dans les quartiers, etc.). Les émeutes de 2007 à Villiers-Le-Bel, moins connues, ont brisé un tabou : les émeutiers sont explicitement prêts à prendre la vie de policiers, puisque pour la première fois ils sont ciblés par des tirs d’armes à feu. Enfin, les émeutes de 2023, ont acté le renversement de l’autorité dans les quartiers. La police a perdu la guerre des territoires face aux narco-trafiquants puisque même lorsqu’elle peut intervenir, son action n’est pas durable. En effet, après avoir contenu les émeutes, rien n’a structurellement changé dans les quartiers. Exemple emblématique, malgré la gestion des émeutes, l’année 2023 a battu tous les records de 2022 à Marseille : 47 décès sur fond de trafic de stupéfiants, (+42% par rapport à 2022) et 118 blessés, (+174%).
Cette étude vise à recenser l’ensemble des émeutes ayant eu lieu en France depuis les années 1970 et de faire un bilan comparatif des émeutes de 2005 et 2023 (1), sur les échecs des réponses apportées notamment sur les 40 années de la politique de la ville (2) et enfin de proposer un programme ambitieux en trois temps pour reprendre le contrôle des territoires perdus de la Républiques (3).
Par Jérôme LADES, analyste du Millénaire et Matthieu HOCQUE, directeur adjoint des études
Crédit photo : Ai généré, Des malheurs, Jours apocalyptiques sous Licence Commons Pixabay withering_tree
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