William Thay et Sean Scull pour Le JDD : « Le monde selon Trump : quelle politique étrangère américaine en cas de victoire ? »

TRIBUNE. Guerre en Ukraine, conflits au Proche-Orient, expansionnisme chinois… de nombreux dossiers internationaux brûlants attendent le futur locataire de la Maison-Blanche. Le think-tank Le Millénaire* esquisse, pour le JDD, les contours de la politique étrangère américaine en cas de retour de Donald Trump à la présidence.

Le passage de Donald Trump à la Maison Blanche avait marqué les esprits avec son style, sa politique America First, sa guerre commerciale avec la Chine ou encore sa relation tendue avec ses alliés historiques européens. L’hypothèse d’un retour fait son chemin, même si les résultats du 5 novembre prochain promettent d’être très serrés. Cette possibilité provoque une crainte dans les différentes capitales mondiales tant le retour de Donald Trump inquiète et suscite des incertitudes.

Une nouvelle approche : revoir les partenaires et les participations américaines

Donald Trump estime que l’Amérique est en déclin et perd son leadership sur le monde puisque son pays perd dans ses relations bilatérales et multilatérales tant sur les plans politique qu’économique.

Sur le plan politique, il estime que les organisations internationales jouent contre les intérêts américains alors que les États-Unis sont souvent les premiers contributeurs de ces institutions. Ainsi, selon lui, l’ONU ou l’OTAN ne favorisent pas les Américains. Sur la première, Donald Trump, en cas de retour, va certainement poursuivre sa politique de couper les fonds à l’ONU, alors les États-Unis financent 25% du budget de l’organisation soit presque 20 milliards de dollars. L’ancien président ne supporte pas que les Américains financent une structure qui prendrait des décisions en faveur du Sud Global et de la Chine.

Sur l’OTAN, Donald Trump souhaite que les pays européens contribuent à l’effort militaire par plusieurs biais : soit en prenant le relais des troupes américaines amenés à se désengager soit à payer pour leur sécurité en achetant du matériel américain. L’idée de Donald Trump est que la défense européenne coute plus cher qu’elle ne rapporte et qu’il est temps que ce rapport évolue plus favorablement politiquement, militairement et économiquement en faveur de Washington. Trump est également conscient, que face à la montée de la puissance rivale chinoise, l’Amérique doit revoir ses priorités et se concentrer sur un engagement en Asie de l’Est. 

Redessiner l’ordre économique mondial

Sur le plan économique, l’objectif de Donald Trump est de redessiner un ordre économique mondial afin qu’il soit beaucoup plus favorable aux États-Unis qui sont en difficulté depuis la mise en place du consensus de Washington et surtout depuis la crise financière de 2008.

Son objectif est de réduire les déficits commerciaux américains en revoyant les accords commerciaux défavorables et les relations déficitaires avec certains pays. Il juge ainsi que les Américains et leur appareil industriel perdent trop d’argent en finançant les producteurs des pays étrangers et que ces relations sont déséquilibrées. Pour cela, il utilise l’ensemble des outils à sa disposition dans le cadre du politique protectionniste : les droits de douanes et la guerre commerciale. L’objectif est d’obliger les pays à renégocier un accord plus favorable aux États-Unis après avoir reçu des menaces ou des rétorsions commerciales. Trump reste sur la même approche initiée lors de son premier mandat, lors duquel il avait notamment menacé de taxer le vin français en rétorsion à la taxe sur les Gafa adoptée par Emmanuel Macron en 2019. 

Le consensus de Washington fondé sur le libre-échange a été battu en brèche par Donald Trump. Ainsi, l’ordre économique mondial est en train de se redessiner autour de pays qui utilisent l’ensemble de leurs outils, en termes de politiques publiques, pour soutenir leurs acteurs économiques dans la compétition mondiale. Face à une concurrence qu’il juge déloyale et pour soutenir la réindustrialisation, Donald Trump propose un droit de douane universel de 10 % sur tous les produits importés aux États-Unis. Cette mesure se complète par un droit de douane réciproque. C’est-à-dire, à chaque fois qu’un pays met en place une taxe sur les produits américains, Washington fera de même. 

L’objectif est de remettre les États-Unis au cœur du jeu pour préserver les intérêts stratégiques du pays. D’un côté, les Américains refixent le tempo et les règles du commerce international. En effet, le règne précédent fondé sur le libre-échange, initié par les États-Unis, était devenu trop favorable à la Chine. De l’autre côté, il s’agit de préserver les domaines économiques où les États-Unis possèdent un leadership, notamment sur certains secteurs stratégiques, comme l’industrie du numérique, ainsi que sur la monnaie internationale en protégeant le dollar comme monnaie référence dans les échanges commerciaux mondiaux.

Face à la Chine, l’Amérique doit rester leader du monde

Donald Trump souhaite que l’Amérique retrouve son rang de première puissance mondiale, un titre fragilisé selon lui, sous la présidence de Joe Biden. De même, il poursuit un plan entamé dans son premier mandat pour conserver le leadership mondial face à l’appétit de la Chine, ce qui suppose de conserver le maximum de ressources en direction de Pékin.

Donald Trump fait du « en même temps » en équilibrant rôle de gendarme du monde des États-Unis et isolationnisme induit par l’America first. Ainsi, il considère que le rôle des États-Unis est de prévenir les guerres et de stopper le maximum de conflit lorsque c’est nécessaire et possible. L’objectif est d’éviter de faire participer les États-Unis à toute sorte de conflit, donc il faudrait prévenir une Troisième Guerre mondiale ou d’autres guerres de nature à éviter une participation américaine qui serait contraire à ses intérêts. À ce titre, il souhaite que la guerre en Ukraine se résolve en 24 heures mais il soutiendra Israël face à ses ennemis.

Le slogan « Make America Great Again » sur le plan international vise surtout à relancer les États-Unis déclassés pour s’imposer face à la montée des puissances Russe, Iranienne et Chinoise. La Chine est considérée comme l’adversaire le plus sérieux aux ambitions américaines de rester la première puissance mondiale et de conserver son leadership sur les institutions internationales, le système politique, économique et monétaire, et sur les affaires mondiales. La doctrine isolationniste fait une exception sur l’Indopacifique, puisque Donald Trump poursuit la politique du pivot américain. Il s’agit de désengager les États-Unis sur les différents théâtres d’opérations pour un engagement plus important dans l’Asie de l’Est pour contrer les ambitions chinoises. Ainsi, on comprend en substance sa relation avec les Européens pour qu’ils se défendent progressivement seuls ou qu’ils apportent leur concours aux projets américains.

Comme Ronald Reagan en son temps, Donald Trump souhaite revenir à la Maison Blanche pour rendre sa grandeur à l’Amérique qui est jugée déclassée de son statut d’Hyperpuissance. L’ancien président souhaite restaurer le leadership américain sur les affaires du monde et limiter les ambitions des Empires notamment celui de la Chine qui est la principale menace à la domination américaine. Donald Trump in fine, souhaite restaurer l’Empire américain, qui domine les affaires mondiales, avec un ordre bâti par lui et pour assouvir ses intérêts.

William Thay, Président du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. Auteur de la note « Le Monde selon Trump »

Sean Scull, Analyste du Millénaire, spécialiste de la politique américaine et auteur de « Le populisme, symptôme d’une crise de la démocratie. Comment le néolibéralisme a triomphé en France et en Suède » aux Éditions l’Harmattan.

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Crédit photo : World Economic Forum, Davos, 21-24-01-2020, European Union, sous license Attribution 4.0 International

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