Les Américains semblent irrésistiblement se diriger vers une répétition de 2020.
À un an de l’élection présidentielle américaine, tout porte à croire que Trump et Biden vont répéter leur affrontement de 2020. Si, cette perspective n’enchante guère outre-Atlantique, il est peu probable que nous échappions à leurs candidatures respectives. Pourtant cette élection pourrait ne pas être une simple copie de celle d’il y a quatre ans, avec une issue différente. En effet, à moins d’un an de l’élection, Donald Trump est le grand favori.
Vers un scenario similaire à 2020
Joe Biden et Donald Trump sont les mieux placés dans leurs camps respectifs pour remporter l’investiture et se présenter à l’élection présidentielle de novembre 2024. Pour Biden, le suspens était inexistant et il était acquis que le président sortant allait de nouveau défendre les couleurs du parti démocrate. La candidature de Robert Kennedy Jr. à la primaire démocrate ne trompait personne tant elle était vouée à l’échec, mais avec le retrait de celui-ci, Biden a désormais le champ libre. De son côté, Trump fait également la course en tête chez les Républicains et Ron DeSantis, qui semblait pouvoir inquiéter l’ancien président, s’est effondré dans les sondages ces derniers mois. Ainsi, plus de 60% des sympathisants des deux partis historiques veulent voir Trump et Biden se présenter à l’élection présidentielle, ce qui confirme qu’ils se sont imposés comme les meilleurs candidats.
Pour autant, si Biden et Trump ont réussi à s’imposer dans leur camp respectif, les Américains ne veulent pas voir l’affrontement de 2020 se répéter. Un sondage récent de la chaîne CNN montre que seulement 36% des Américains veulent assister à un match retour entre Trump et Biden. Il y a quelques jours, c’est David Axelrod, ancien conseiller spécial de Barack Obama, qui a remis en question la candidature de Biden pointant du doigt les mauvais sondages. Trump ne fait pas non plus l’unanimité chez les Américains ou dans son propre camp (notamment dans l’establishment) car il est vu comme trop clivant et extrême. Malgré ce rejet et faute d’alternative, il semble que nous nous dirigeons vers une répétition de 2020.
Mais de nombreuses différences avec 2020
La prochaine élection présidentielle va avoir lieu dans des conditions bien différentes de celle de 2020 sur les plans politique, économique et géopolitique. La pandémie de coronavirus avait empêché les deux candidats de faire campagne normalement en 2020, ce qui avait procuré un avantage à Biden. Ainsi, la Covid-19 ne sera plus un thème principal, ce qui forcera Biden à faire campagne et ne lui donnera plus un avantage précieux auprès des électeurs retraités qui avaient été effrayés par les prises de position de Trump sur la gestion de la crise. Économiquement, l’inflation durant le mandat de Biden a été a son plus haut depuis 40 ans ce que ne manquera pas de pointer du doigt Trump. Ainsi, le pouvoir d’achat des ménages et notamment des classes moyennes et populaires s’est effondré. C’était déjà sur ce thème que les États de la Rust Belt avaient fui les Démocrates d’Hillary Clinton en 2016. Sur le plan géopolitique la situation est pour le moins morose alors que les États-Unis sont engagés dans une guerre par procuration avec la Russie par le biais de l’Ukraine, que le pays soutien financièrement et matériellement. Alors que cette aide est déjà de plus en plus remise en cause par les Américains, s’est ajouté le soutien à l’allié historique isralien victime d’atrocités de la part du Hamas.
L’élection de 2024 va vraisemblablement se jouer sur des thèmes annexes, loin d’être politiques. Tout d’abord l’âge avancé des deux candidats devrait vraisemblablement faire couler beaucoup d’encre et surtout servir d’argument. Ainsi, Robert Kennedy qui est beaucoup plus jeune que ses opposants, insiste sur sa jeunesse pour plaire aux électeurs. Trump n’a lui aucun remord à se moquer d’un Biden jugé gâteux et incapable d’assurer ses fonctions. Les affaires judiciaires de Trump vont aussi faire énormément parler et les Démocrates vont à coup sûr s’en donner à cœur joie pour décrédibiliser leur adversaire. Les ennuis de Hunter Biden, fils du Président sortant, pourraient également servir d’argument durant la campagne alors que celui-ci est sous le coup d’une enquête pour ses agissements en Ukraine. Enfin, l’élection de 2024 pourrait voir un troisième homme, en la personne de RFK, neveu complotiste de l’ancien président, remporter plus de 15% des voix au niveau national, une première depuis 1992.
Devant cette pagaille, peut-on dire que Trump est favori ?
Donald Trump semble mieux parti que Biden pour l’emporter en 2024. Un récent sondage commandé par le NY Tumes a montré que l’ancien locataire de la Maison Blanche était en mesure de l’emporter au Nevada, en Arizona, au Michigan, en Géorgie ou en Pennsylvanie. Donald Trump emporterait ces états clefs qui se sont régulièrement montrés décisifs lors des dernières élections, avec une large avance alors qu’ils avaient préféré Biden en 2020. D’un côté, ce signal est inquiétant pour Joe Biden car il perd ces États clés par un large écart, bien au-delà de la marge d’erreur. De l’autre côté, les sondages en 2016 et 2020 avaient toujours surestimé le vote démocrate, ce qui pourrait signifier que le mécontentement envers l’actuel locataire de la Maison Blanche est encore plus important que ce que mesure actuellement les enquêtes d’opinion.
Précisément, les enquêtes révèlent un changement de mentalité aux États-Unis qui pourrait traduire l’échec de la stratégie des partis de gauche en faveur des « minorités ». Tout d’abord, le vote des jeunes qui est traditionnellement favorable aux démocrates le serait beaucoup moins en 2024 que par le passé. Ensuite, ce que l’on appelle le « gender gap » soit la différence entre le vote féminin favorable au démocrate et le vote masculin favorable au républicain ne l’est plus dans la même proportion que dans la précédente élection. Ainsi, les femmes sont moins hostiles à Donald Trump ; qui enregistre toujours un soutien massif des hommes. Enfin, le vote des « minorités » hispaniques et afro-américaines poursuit la même tendance que lors de la précédente élection de 2020. En effet, les « minorités » votent de moins en moins automatiquement pour les démocrates et Donald Trump devrait enregistrer battre le record de suffrages obtenus par un candidat républicain (qui appartenait déjà à Trump en 2020) auprès de « ces cibles électorales ».
Si le milliardaire semble être l’immense favori à un an de l’élection, de nombreux obstacles se dressent face à lui. La polarisation probable de la campagne autour des thèmes annexes à l’élection comme les affaires pourraient faire changer l’avis des modérés et des indécis qui bousculeraient l’élection. Autre indice d’incertitude : les candidatures possibles de deux personnalités d’envergure avec Robert Kennedy et Cornel West. Ces candidats supplémentaires pourraient à défaut de rivaliser pour la première place, faire tomber les deux grands rivaux.
William Thay, Politologue et Président du Milllénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques
Pierre Clairé, directeur adjoint des études du Millénaire, spécialiste des questions européennes et internationales.
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Crédit photo : President of the United States Donald Trump speaking at the 2017 Conservative Political Action Conference (CPAC) in National Harbor, Maryland, sous licence Attribution 2.0 Generic.
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