Selon la Banque Mondiale, l’industrie pèse moins de 17% du PIB français contre 23,5% dans l’UE en 2022. Pire, la France est le 3e pays le plus désindustrialisé après le Luxembourg et Chypre ! Or, la crise sanitaire a démontré que les pays industriels résistaient mieux aux chocs exogènes car sans production industrielle nationale, il n’y a pas de maîtrise de son destin possible.
Une désindustrialisation excessive
La France a subi une désindustrialisation excessive. Pour faire entrer la France dans la mondialisation, les dirigeants publics et économiques ont encouragé la délocalisation de l’appareil productif pour maintenir des prix abordables. Si cela a pu contribuer à contenir l’inflation en important des biens de consommation peu chers venant de Chine et des pays est-asiatiques, cela a détruit de l’emploi industriel. Depuis 1980, la France a perdu près de 2 millions d’emplois industriels, au point que certains de ces responsables ont même imaginé des « industries sans usine ».
Notre production industrielle est prise en étau. D’un côté, les charges sur nos entreprises industrielles ont été alourdies (compétitivité-coût). Le monde du travail porte en effet le poids de nos dépenses sociales (33% du PIB), de même que les 300 plus grandes entreprises, dont de nombreuses entreprises industrielles, paient près d’un tiers de l’impôt sur les sociétés. De l’autre côté, nous avons pénalisé la compétitivité hors coût de nos producteurs par des normes toujours plus délirantes et surtout sans clauses miroirs de réciprocité. Or, dans un monde ouvert et compétitif, sacrifier notre compétitivité coût et hors coût, c’est organiser un suicide collectif !
Nous en subissons aujourd’hui les conséquences néfastes. D’une part, notre pays produit moins de richesses. En effet, en 1980, la France produit environ 13 000$ par habitant, soit plus que l’Allemagne (environ 11 000$ par habitant) contre 44 500$ lorsque l’Allemagne est à plus de 51 000$ par habitant. D’autre part, notre pays est devenu moins productif. Sur la décennie 1960-1970, la productivité annuelle est de +5,2% par an contre +2,2% sur la décennie 1986-1996 et +0,66% par an sur la décennie 2006-2016.
Faire de la France une nation d’industriels et d’ingénieurs
Comment financer notre modèle social et nos services publics alors que le pays s’est à ce point appauvri ? Pour rompre avec cette spirale infernale, nous proposons de faire de la France une nation d’industriels et d’ingénieurs avec l’ambition de produire français, embaucher français et exporter français.
Pour cela, la France doit redevenir une nation d’industriels. Aujourd’hui, lorsqu’un entrepreneur veut s’implanter en France, il fait face à de trop nombreux obstacles. Il faut 213 jours pour construire un entrepôt en France contre 126 pour l’Allemagne en 2019. La France doit donc mettre en œuvre un cadre incitatif à l’installation des industriels : une fiscalité encourageant l’innovation, une réduction de la lourdeur administrative pour les délais d’implantation d’usines et une augmentation du temps de travail hebdomadaire pour produire plus de richesses.
De plus, alors que nous vivons la guerre des cerveaux, la France exporte ses ingénieurs. Près de 280 000 personnes, souvent des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur préfèrent innover dans le monde anglo-saxon ou est-asiatique. Pour relancer la production industrielle, nous devons tout mettre en œuvre pour former et embaucher des ingénieurs français par un nivellement par le haut sur le plan éducatif, une valorisation des filières industrielles ainsi que par une amélioration du cadre de vie compatible avec les aspirations de générations d’ingénieurs toujours plus exigeants.
William Thay, président du Think-Tank Le Millénaire, spécialisé en politiques publiques
Matthieu Hocque, directeur adjoint des Etudes du Millénaire
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Crédit Photo : Usine, par Loïc Manegarium via Pexel sous Licence libre Pexel
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