Le mouvement du 10 Septembre 2025 « Bloquons tout » n’a pas réussi son objectif de bloquer le pays. Pris en otage par des groupuscules proches des partis et des syndicats de gauche radicale dont LFI, il a rassemblé 200 000 personnes selon le ministère de l’Intérieur. En effet, le mouvement a évolué pour se vider de sa substance initiale – la contestation fiscale puisque nous sommes passés d’un mouvement qui contestait de payer trop d’impôt à un mouvement qui réclame plus d’aides. Cependant, cela ne signifie pas que ce mouvement a disparu et que derrière chaque révolte fiscale, même inachevée, se cache une révolution politique qui pourrait être visible d’ici 2027.
La France, pays des révoltes fiscales
De la Grande Jacquerie de 1358 aux Gilets jaunes de 2018, la France s’est construite dans une histoire singulière et dure : celle des révoltes fiscales. Chaque jacquerie, chaque révolte fiscale trouve son fondement dans la privation d’une liberté fondamentale, celle de se nourrir, de circuler ou encore de commercer. Qu’importe que la révolte fiscale soit d’envergure nationale ou locale, elle exprime un souhait de liberté face à l’injustice et l’arbitraire.
Trois phases de révoltes fiscales se sont succédées. Sous l’Ancien régime féodal (jusqu’à la Renaissance), les jacqueries sont surtout concentrées contre les seigneurs féodaux qui accumulent les taxes en tout genre pour financer leurs guerres locales. La centralisation du pouvoir royal soutenu par la gabelle (monopole de la taxe sur le sel) crée des révoltes à dimension régionale encore plus dures (Révolte des Cascaveous, des Nu-pieds, des Angelets du Vallespir). Enfin, la République amenant la démocratie, les révoltes fiscales s’incarnent en mouvements jouant le jeu démocratique (la Ligue des contribuables au début du XXème siècle ou le poujadisme dans les années 1950) sans parvenir à obtenir des réformes fiscales. Cela explique le retour à la rue au XXIème siècle avec les « Bonnets rouges » et les « Gilets jaunes » qui obtiendront respectivement le retrait de l’écotaxe poids lourds pour les premiers, et 17 milliards d’euros pour les seconds.
Une société malade de ses inégalités
Les classes moyennes sont devenues le nouveau Tiers-État qui supporte tous les efforts pour faire tenir la société sans rien obtenir en retour. En effet, notre modèle redistributif avec un haut niveau de dépenses publiques (57% du PIB en 2024) est basé sur les impôts et taxes des classes moyennes. Le budget de la sécurité sociale qui finance notre modèle social est financé aux deux tiers par les cotisations sociales et patronales donc par les entreprises et les travailleurs. Les deux premiers postes de recettes de l’État sont la TVA (27%) et l’impôt sur le revenu (25%). Or, le premier touche indistinctement tous les ménages et le second n’est supporté que par 44% des Français principalement les classes moyennes et aisées. C’est-à-dire que les actifs financement l’essentiel du budget de l’État et la sécurité sociale et donc payent de plus en plus d’impôts pour payer des budgets qui ont explosé au fil des années (les dépenses sociales ont évolué de 250 Md€ en 1990 à 850 Md€ en 2024). Mais surtout, les classes moyennes n’obtiennent plus rien en retour, puisqu’elles ne bénéficient ni des politiques de défiscalisation des riches, ni des aides sociales des plus précaires et voient les services publics se dégrader tels que l’école publique, la santé publique ou encore la sécurité.
La France est devenue malade de ses inégalités. Première inégalité, notre modèle social repose sur le rapport suivant : 28 millions d’actifs paient pour 40 millions d’inactifs. Cette situation a des incidences très concrètes dans la vie de tous les jours où une génération d’actifs paient aujourd’hui à la fois les études de leur enfant ainsi que l’Ehpad de leur parent. Au moment où le pouvoir d’achat des classes moyennes s’érode, cette situation est intenable. Seconde inégalité, la noblesse d’État (fonctionnaires, enseignants, etc.) s’est accaparée l’accès aux cercles d’élites puisque l’accès aux grandes écoles est restreint soit aux enfants de ceux qui ont les moyens de fuir l’école publique, soit aux enfants des enseignants et des fonctionnaires qui connaissent mieux le système. Les classes moyennes y sont de plus en plus exclues.
Vers la révolution politique en 2027 ?
Lors de cette journée du 10 septembre 2025, ceux qui subissent toutes ces inégalités n’ont pas pu s’exprimer. En effet, il s’agit de la sociologie inverse aux Gilets jaunes, dernière grande révolte fiscale de notre pays. Ceux qui ont tenté de bloquer le pays sont soit des urbains (Paris, Strasbourg, Rennes, etc.) et non la France périphérique et rurale, soit issus des régions du Grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Normandie) et non issus de la « diagonale du vide » ou du Grand Est comme lors des Gilets jaunes.
Or, en France, les révoltes fiscales produisent toujours des bouleversements politiques même lorsqu’elles n’ont pas pu s’exprimer. Alors qu’il accentuait ses répressions au cours des siècles, même l’absolutisme royal n’a pu empêcher la Révolution française de 1789 initiée d’une contestation fiscale car il n’a jamais entrepris de grande réforme fiscale. C’est d’ailleurs ce qu’envisageait Louis XVI et le ministre Necker en 1789 : proposer une grande réforme fiscale avant de voir la Révolution s’emballer, en raison d’un Tiers-État qui en avait marre de payer pour tout le système.
Le problème est que sans majorité à l’Assemblée nationale d’ici 2027, la France ne pourra jamais procéder à une grande réforme fiscale qui doit répondre à la plus grande injustice qui ressemble à celle de 1789 : ceux qui payent de plus en plus, reçoivent de moins en moins et subissent des injonctions, des leçons de morales, etc. Or, la situation risque de s’aggraver puisque les dépenses publiques ont tendance à augmenter même sous « l’ultra libéral Emmanuel Macron », que les retraités vivent de plus en plus longtemps et que les jeunes entrent sur le marché du travail de plus en plus tard. C’est-à-dire que le poids fiscal sur les actifs risque de s’accentuer et de renforcer le syndrome du « Nicolas qui paie ». De plus, elle ne peut plus utiliser le pouvoir de répression avec les règles démocratiques et l’État de droit.
Par conséquent, une révolution politique s’achemine pour 2027 : soit, la France parviendra à mettre en œuvre une grande réforme de justice fiscale en guérissant son addiction à la dépense publique, soit elle n’y parviendra pas et le nouveau Tiers-État se soulèvera un jour contre cette nouvelle société d’ordre et de privilèges.
William Thay, Président du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire, co-auteur de la note « Vers une révolte fiscale : la France pays de révoltes fiscales »
Matthieu Hocque, Directeur adjoint des Etudes du Millénaire, co-auteur de la note « Vers une révolte fiscale : la France pays de révoltes fiscales »
Pour soutenir nos analyses ou nous rejoindre pour rendre sa grandeur à la France
Crédit photo : Manifestation des gilets jaunes (Colmar), de Own work, via Wikimedia Commons, sous licence CC BY-SA 4.0.
Add a Comment