Sean Scull et Pierre Clairé pour Valeurs Actuelles : « Assassinat de Charlie Kirk : il faut rompre avec la domination morale de l’extrême gauche pour sauver la démocratie »

TRIBUNE. L’assassinat de la figure trumpiste nous alerte sur la fragilité des normes démocratiques et d’un danger bien plus profond qui menace les sociétés occidentales : quand le débat meurt, la violence s’installe.

Charlie Kirk, la figure très médiatisée du mouvement des jeunes conservateurs aux États-Unis et fervent soutien du président Donald Trump, a été assassiné alors qu’il intervenait à l’université d’Utah Valley le 10 septembre 2025. Si la classe politique semble faire preuve d’unité, le peuple américain paraît au contraire plus divisé que jamais. Cette tragédie, oblige à prendre acte des ravages de la polarisation, de la fragilité des normes démocratiques et d’un danger plus profond : quand le débat meurt, la violence s’installe. 

Une société divisée qui préfère la violence au débat

La polarisation n’est pas nouvelle aux États-Unis. Mais elle s’est radicalement accélérée ces dernières années. C’est le reflet de la culture américaine qui est binaire, vous êtes soit un winner soit un loser. Les campagnes présidentielles sont de moins en moins portées sur le débat d’idées mais plutôt sur des questions anecdotiques d’âge, de valeurs morales ou du comportement privé des candidats. Les travaux académiques confirment cette dérive. Une étude de l’Université de New York (Demonization as an Electoral Strategy, 2021) a montré comment, depuis le milieu des années 1990, les partis recourent de plus en plus à la diabolisation : présenter l’adversaire comme immoral, dangereux ou conspirationniste. Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène : le scandale et l’indignation se partagent, le raisonnement s’oublie. Ainsi, en juin dernier, deux élus démocrates du Minnesota ont été assassinés. Charlie Kirk s’inscrivait également dans ce contexte et était diabolisé par les Libéraux à cause de ses opinions clivantes et fortes. Son assassinat est l’aboutissement d’une normalisation inquiétante : les attaques ad hominem, la diabolisation, ou le soupçon permanent sont devenus la norme de l’autre côté de l’Atlantique. 

Si la polarisation touche tous les camps, les conservateurs apparaissent aujourd’hui comme des cibles privilégiées. La tentative d’assassinat de Donald Trump en Pennsylvanie ou la mort tragique de Charlie Kirk, montrent que les profils républicains semblent être une cible privilégiée. C’est qu’avec le deuxième mandat de Trump l’opposition démocrate semble affaiblie et démunie face au rouleau compresseur de la seconde révolution conservatrice. Lutte contre le wokisme, contestation des dogmes progressistes, baisse d’impôts, lutte contre l’immigration illégale, ou lutte contre la délinquance, les républicains enchaînent les victoires idéologiques et se trouvent donc plus exposés aux attaques. Dans les universités, dans les grands médias, les conservateurs sont régulièrement étiquetés comme « fascistes », « autoritaires », voire « suprémacistes ». Ces qualificatifs ne servent pas à débattre mais à délégitimer. L’effet est clair : transformer un désaccord en menace existentielle. Dans ce climat, l’assassinat de Kirk est lu, dans une large partie du camp républicain, comme la conséquence logique de cette rhétorique.

Le spectre de la guerre civile 

Dans une Amérique à l’heure de la polarisation politique, l’opposant est vu comme un ennemi, qu’il faut abattre et faire taire. À peine la nouvelle connue, Donald Trump a accusé la « gauche radicale » d’avoir nourri ce climat de haine. À gauche, les condamnations furent nettes, mais souvent accompagnées de mises en garde sur la rhétorique conservatrice. Résultat : la liberté d’expression, pierre angulaire de la démocratie américaine, se voit relativisée et ne semble plus être centrale, conditionnée à l’idéologie de celui qui parle. Si Tocqueville avait vu ce qu’est devenue la première démocratie moderne en 2025, il aurait plutôt nommé son célèbre ouvrage « De la division en Amérique ». Les Américains ont oublié le principe de la démocratie qui est de faire société avec l’autre en étant capable d’aller au-delà des différences et des désaccords. Si l’adversaire n’est plus un contradicteur mais un ennemi existentiel, la discussion disparaît et laisse place à une logique de champ de bataille. L’assassinat de Charlie Kirk est la conséquence tragique de la diabolisation de ceux avec qui l’on est en désaccord et un triste rappel de la violence de la politique américaine. 

Pendant des années, les radicaux de gauche ont comparé des Américains comme Charlie aux pires meurtriers et criminels de masse du monde. La question qui se pose est : comment faire société avec une partie de la population qui vous haït et semble vouloir en venir aux armes ? Quand un camp se sent attaqué, délégitimé et sans défense, la tentation de la contre-attaque devient forte. L’histoire américaine regorge d’exemples : de la guerre de Sécession aux émeutes raciales, chaque cycle de violence politique a conduit à des escalades. Aujourd’hui, les Républicains dénoncent un système médiatique biaisé, des plateformes qui censurent leurs voix, et des institutions qui les marginalisent. La mort de Kirk a déjà suscité des appels à la « vengeance » ou à la « rétribution ». Le constat est terrifiant : comment imaginer ces 2 Amériques viscéralement opposées, cohabiter, et ainsi éviter le pire ? 

Rompre avec la domination morale de l’extrême gauche 

En France on retrouve les mêmes méthodes staliniennes, on ne cherche pas à contrer sur le champ des idées mais plutôt à discréditer son adversaire politique. Si l’extrême gauche tue et a toujours tué dans notre pays (assassinat du président Sadi Carnot en 1894), depuis la victoire idéologique de mai-1968, le conservateur est taxé de fasciste, on le délégitime au lieu de débattre. En d’autres termes : on ne réfute pas un argument, on efface l’orateur de l’espace public. Si la violence aux Etats-Unis rappelle les heures sombres de la guerre civile, la France a atteint une situation de non-retour avec des personnes qui cassent ou agressent d’autres militants politiques. La manifestation du 10 septembre en est l’exemple. Au lieu d’incarner un mouvement de contestation fiscale légitime, il a été phagocyté par l’extrême gauche qui en a fait son fer de lance de bordelisation de la société avec comme seule objectifs le chaos. De plus, ceux qui jettent de l’huile sur le feu, du moment qu’ils sont du bon côté idéologique, ne paient aucun prix politique, ce qui ne les incite pas à cesser la violence… 

Pire, cette forme de pensée s’est retrouvée dominante dans toutes les institutions clés censées protéger les libertés publiques. La justice qui protège de l’arbitraire, les médias qui garantissent la pluralité des expressions, ou encore l’Éducation nationale qui forme des citoyens éclairés, toutes ses institutions sont dominées par une forme de doxa tolérante voire bienveillante à l’endroit de l’extrême gauche et intolérante voire hostile à la droite. En France comme aux Etats-Unis, cette situation est devenue intenable. En effet, le sentiment d’appartenir à une même nation disparaît, quand l’« ennemi intérieur » remplace le citoyen, c’est tout l’édifice démocratique qui menace de s’effondrer. C’est la raison pour laquelle le modèle occidental, vu comme décadent, est rejeté par de plus en plus de nations issues du Sud global. 

Pierre Clairé, Directeur adjoint des études du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire, spécialiste des questions internationales et européennes

Sean Scull est analyste du Millénaire, spécialiste de la politique américaine et auteur de le Populisme, symptôme d’une crise de la démocratie, comment le néolibéralisme a triomphé en France et en Suède, aux éditions L’Harmattan.

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Crédit photo : Der Tod von Charlie Kirk stürzt die USA in Trauer, Wut und Unverständnis., via Heute sous licence CC BY 4.0

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