William Thay et Emeric Guisset pour Causeur : « L’élection de Giorgia Meloni marque la fin de l’Europe Allemande »

Selon William Thay et Emeric Guisset, du think tank gaulliste, le Millénaire, la victoire de Fratelli d’Italia aux élections législatives est encore un signe du réveil des peuples européens qui veulent en finir avec l’hégémonie excessive de l’UE, et qui, surtout, ne veulent pas mourir.

En arrivant en tête avec plus de 26% des suffrages, le succès de Giorgia Meloni dépasse le cadre italien car il provoque une révolte dans l’Union européenne. Celle du réveil des peuples, comme le peuple italien, qui ne veulent plus subir les conséquences de l’Europe de Maashtrich et choisissent des dirigeants forts capables de s’opposer à l’hégémonie de l’Allemagne en Europe. L’élection en Italie marque ainsi la fin de l’Europe de Maastricht et par conséquent de l’Europe Allemande.

Une Europe sous l’influence néfaste de l’Allemagne

Depuis l’adoption du Traité de Maastricht en 1992, l’Europe est passée progressivement sous hégémonie Allemande. La domination Allemande s’explique par le double phénomène de réunification et d’élargissement. Avant la réunification, la France, le Royaume-Uni et la République Fédérale Allemande, faisaient jeu égal. Après la réunification, l’hégémonie allemande s’illustre par son nombre de siège au Parlement Européen (qui dépend de la démographie), sa prépondérance dans les choix économiques (en raison de ses succès en la matière) et de ses alliés dans les institutions européennes. En ce sens, l’élargissement à l’Est a accentué la domination de l’Allemagne qui possédait déjà les pays d’Europe du Nord comme alliés naturels en raison d’une proximité idéologique et d’intérêts convergents.

Au déplacement du centre de gravité de Paris ou Bruxelles à Berlin, s’ajoute la perte de souveraineté des États membres avec le Traité de Maastricht. Ainsi les politiques monétaire, budgétaire et migratoire des États membres sont contraintes, voire imposées, par les institutions européennes. Des institutions où l’Allemagne, pays le plus influent, fait le choix évident de défendre ses propres intérêts et sa vision de l’Union européenne. Dès lors, nous sommes confrontés à un paradoxe. D’un côté, les nations ont renoncé à leur souveraineté et ne sont plus de leur destin en la matière. De l’autre côté, elles n’ont pas forcément bénéficié d’une solidarité ou de la force de frappe supposée du regroupement à plusieurs pays. Pire encore, dans le cas des pays du sud de l’Europe, les choix politiques de l’Union européenne inspirés de la politique allemande étaient contradictoire avec les intérêts de ces pays.

Giorgia Meloni : le cri des peuples qui ne veulent pas mourir

Les Italiens ont exprimé dans leur vote, une révolte contre le système européen, jugé trop défavorable à leur égard notamment sur l’économie et l’immigration. Sur le volet économique, la fronde italienne provient de la gestion de la crise des dettes souveraines à travers  une mauvaise politique de la banque centrale européenne et un manque de solidarité européenne ont alimenté les spéculations sur la solvabilité de la dette italienne. Face à cela, les institutions européennes, sous l’impulsion de l’Allemagne de Merkel, ont recommandé une politique de rigueur qui a conduit à une baisse du niveau de vie des Italiens de 10% entre 2000 et aujourd’hui.

De l’autre côté, la crise migratoire a été accentué par l’appel d’air d’Angela Merkel de vouloir accueillir un million de réfugiés, sans pour autant soutenir l’Italie sur la répartition des migrants dans l’Europe et sur la protection des frontières. L’Italie et la Grèce sont à la fois les plus exposés à l’immigration, les plus en difficultés économiquement, et ils doivent fournir des efforts supplémentaires pour protéger les frontières extérieures de l’Union européenne. Ainsi, le nombre d’étrangers a été multiplié par cinq en Italie entre 2000 et 2018 (1,3 à 5,6 millions selon l’ISTAT).

Pour lutter face au déclassement économique et civilisationnel, les Italiens ont tout essayés. Face à l’échec des partis de Gouvernement, des partis antisystémes comme le Mouvement 5 étoiles ou la Lega de Salvini, des technocrates européens comme Mario Monti ou Mario Draghi, les Italiens se sont tournés vers Giorgia Meloni, la seule à ne pas être entrer dans la coalition d’Union nationale. Meloni a fait aux Italiens désabusés, une double promesse : de ne pas les trahir puisqu’elle est comme eux en provenant des quartiers populaires de Rome et un programme de rupture. Ce programme antisystème arrive à faire l’exploit de plaire aux élites économiques italiennes.

Une révolte des pays d’Europe du Sud et de l’est

            Concrètement, l’élection de Giorgia Meloni marque la fin de l’Europe Allemande parce qu’elle permet de renverser les rapports de force dans l’Union européenne. Cette bascule peut s’expliquer par trois raisons. Tout d’abord l’Italie, troisième puissance européenne, possède une influence symbolique comme pays fondateur de l’Europe. Ensuite, Giorgia Meloni, eurosceptique, ne souhaite pas sortir de l’euro, mais plutôt de militer pour une réorientation européenne. Cela pourrait permettre à Giorgia Meloni de faire le lien entre les différents pays du d’Europe du Sud, de l’Est, insatisfaits du cadre actuel.

Enfin le troisième élément le plus important est la défiance à l’égard de l’Allemagne, en raison de ses mauvais choix qui ont conduit l’Europe dans l’impasse. Par sa politique énergétique antinucléaire, elle a condamné l’Europe à la dépendance au gaz russe. Par sa politique économique de libre échange devant maintenir les capacités exportatrices de l’industrie automobile allemande, elle a accéléré la désindustrialisation de l’Europe incapable de résister à la concurrence déloyale des pays émergents et conduit à la baisse des niveaux de vie des classes moyenne et populaire. La gronde anti-européenne dans les différents pays n’est finalement que la contestation d’un système inéquitable piloté par et pour l’Allemagne.

            L’Italie comme d’autres peuples européens ont exprimé une insatisfaction à l’égard de leurs dirigeants nationaux mais également à l’égard de l’Union européenne. Les transferts de souveraineté ne leur permettent plus d’être totalement maitre de leur destin sur l’économie et l’immigration et de plus certaines politiques européennes ont été faite contre les intérêts des peuples. Giorgia Meloni, qui vient de balayer la classe politique italienne, doit désormais concrétiser la fin de l’Europe allemande en trouvant des alliés. À ce titre, la France est à la croisée des chemins entre l’Europe du Nord avec l’Allemagne ou avec l’Europe du Sud voir de l’Est.

William Thay, président du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

Emeric Guisset, Secrétaire général adjoint du Millénaire

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Crédit photo : Image par Udo Pohlmann de Pixabay sous Pixabay License

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