Vers une crise de la dette française ?

Parent pauvre des attentions tout au long du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, absente des débats accompagnant les dernières élections présidentielle et législatives, la question de la dette publique française et de la maîtrise des finances publiques a récemment retrouvé un écho médiatique.

Alors que la sphère politico-médiatique portait tour à tour son regard sur le développement de la pandémie de COVID-19 puis sur les débuts de l’agression russe contre Kiev, les pouvoirs publics n’ont dès lors cessé de s’inscrire dans cette même oscillation marquée du sceau de la dépense entre le « quoi qu’il en coûte – COVID » et le « quoi qu’il en compte – Ukraine ».

Il fallut attendre la soudaine augmentation des prix des carburants, prélude à une envolée généralisée des prix (5,8 % selon l’indice des prix à la consommation harmonisée au mois de mai 2022 selon l’INSEE  , consolidée à 5,9 % au titre de l’année pleine) pour que la question de la maîtrise de la dépense publique devienne l’une des thématiques majeures émaillant désormais le débat public, qu’il s’agisse pour les uns de dénoncer l’ouverture des vannes déversant un « argent magique »  ou, pour les autres, à appeler à davantage de dépenses. Plus récemment, la réforme des retraites sous prétexte qu’elle contribuerait à une gestion plus saine de notre dépense publique a amplifié l’essor médiatique de cette problématique.

A l’aune de ces éléments touchant à la structure même des finances publiques doublées d’une conjoncture toujours plus complexe et d’une croissance économique, les prochaines orientations et décisions prises en matière budgétaire au cours des prochains mois et des prochaines années revêtent d’ores et déjà une importance majeure, tant elles seront promptes à engager les destinées économiques de la Nation pour les décennies à venir.

Si la France a démontré une capacité à la maîtrise de ses dépenses publiques d’investissement, en s’appuyant notamment sur de fortes orientations en matière d’innovation elles-mêmes soutenues par un maillage industriel puissant, force est de constater l’augmentation continue des dépenses de fonctionnement des administrations publiques, mais aussi toutes celles relatives à l’ensemble des prestations sociales, directes ou indirectes, portées par les budgets des administrations publiques, conduisent aujourd’hui en de véritables impasses, tant l’ensemble des recettes ne parvient désormais plus à couvrir l’ensemble des coûts sans un recours massif à la dette publique.

La dégradation continue des conditions de recours à l’emprunt, aussi bien pour des raisons propres à la France qu’au titre des règles de procédure portées par l’Union européenne dans la capacité des États dans la conduite de leurs politiques financières, monétaires et économiques conduisent à considérer un poids de plus en plus accru de la dette, ne relevant plus de l’ajustement en vue du financement de dépenses tournées vers l’avenir, mais de la préservation d’une situation budgétaire devenant plus difficilement soutenable au fil des années comme des crises se succédant depuis 2008.

Loin d’être une seule question comptable, le rapport à la dette et à l’usage de l’emprunt relève des orientations et des choix les plus politiques qu’il soit, tant ils contribuent à leur financement. Ainsi, une recherche de diminution de la part de la dette dans les comptes publics et de recours à l’emprunt au titre des recettes doit questionner l’ensemble des champs souveraineté de l’État, aussi bien au titre des matières économiques et sociales qu’industrielles et commerciales, au risque de voir une dégradation imminente de la notation financière de la France.

Par Romain Boulanger, analyste du Millénaire

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Crédit photo : ministère de l’Économie et des Finances, via Flickr sous licence CC BY 2.0

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