Matthieu Hocque pour Valeurs « Les États-Unis menacent l’industrie française »

La tribune a été publiée dans l’édition papier du magazine de Valeurs actuelles du 4 mai 2023.

Désormais officiellement candidat à sa succession, Joe Biden entend s’inscrire sur le temps long de l’histoire américaine. Cette nouvelle donne l’oblige à concevoir des politiques structurelles pour marquer les Etats-Unis comme le New Deal de Franklin Roosevelt ou le New Frontier de John Fitzgerald Kennedy.
Avec l’Inflation Reduction Act (IRA), les États-Unis confirment que la politique protectionniste de Donald Trump n’était pas une parenthèse mais un réel virage. L’IRA utilise en effet la nécessité de transition écologique pour masquer des subventions à leur production industrielle. Depuis plusieurs années, la stratégie américaine repose sur un Etat fédéral qui joue un rôle central pour gagner la guerre industrielle et technologique que se livrent les acteurs publics et privés du monde, quitte à nuire aux industries de leur alliés, dont la France.


Le modèle américain n’a jamais semblé aussi fragile qu’aujourd’hui. Les États-Unis affichent un déficit commercial record de près de 948,1 milliards d’euros selon les chiffres du Département du Commerce, encore accentué par la crise sanitaire. À tel point que la Chine représente à elle seule un tiers du déficit commercial américain, soit 316 milliards d’euros (+7,1%). Sur le plan industriel, les Etats-Unis sont devenus dépendants de l’importation de biens de nécessité et de biens industriels dans de nombreux secteurs (industrie pharmaceutique, automobile, écran ou encore fournitures hospitalières). Cette situation s’est traduite par une perte de 8 millions d’emplois industriels depuis les années 1980.
L’IRA entraînera des conséquences néfastes sur l’industrie française si nous ne réagissons pas. Avec ce texte, les États-Unis font en effet un double pari : technologique, en misant sur les innovations de rupture ; et stratégique, en comptant sur l’impuissance d’une Union européenne coincée dans ses lubies néolibérales. Sur le plan technologique, l’attractivité française sera en berne et nous manquerons des implantations industrielles de Giga-usines américaines (comme ce fut déjà le cas avec la production de batteries Tesla) et risquerons de nouvelles délocalisations. Sur le plan stratégique, l’industrie française sera coincée entre la concurrence déloyale chinoise et les mesures protectionnistes américaines.
Face à cette menace, la France ne doit pas chercher à copier bêtement l’IRA en faisant la même stratégie avec moins de moyens. Il nous faut profiter du déclin américain pour renouer avec une épopée industrielle, indépendante des Etats-Unis et souveraine. L’IRA peut pousser la France à chercher de nouveaux débouchés, notamment via les industries vertes ou le numérique.


Même les pays anglo-saxons ont abandonné les règles néolibérales du commerce international. Alors qu’aucune nation ne respecte une OMC en état de « mort cérébrale », la France doit en profiter pour renouer avec sa flamme industrielle et peser sur le commerce international. Il en va de notre tradition industrielle.

Par Matthieu HocqueSecrétaire général adjoint du Millénaire, think-tank gaulliste et indépendant

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Credit Photo : Emmanuel Macron avec Joe Biden, sous licence « Domaine public » via Wikimedia Commons

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