Alors que nous nous approchons du deuxième anniversaire du début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, jamais le soutien occidental envers Kiev n’a été autant remis en cause. D’un côté, les opinions publiques marquées par une crise économique et une inflation record se préoccupent davantage de la fin du mois que de la fin de l’Ukraine. De l’autre côté, les dissensions politiques entre Kiev et ses alliés alimentent la méfiance au sein de la coalition.
Ainsi, on observe une division à la fois au sein de la coalition occidentale mais également dans chacun des pays concernés. Les échecs de la contre-offensive et les positions tranchées de Volodymyr Zelensky ainsi que Vladimir Poutine laissent imaginer la perspective d’un conflit long et usant. À ce titre, les gouvernants et leurs citoyens font davantage preuve de lassitude alors que la perspective d’une victoire de l’Ukraine à travers la reconquête des territoires perdus depuis 2014 s’éloigne.
Il faut également ajouter que de nouveaux paramètres se sont introduit depuis le début du conflit. Tout d’abord, l’émergence de nouveaux fronts avec le conflit entre Israël et le Hamas tout comme celui de Taiwan qui attirent également l’attention de l’Occident. Ensuite, les hypothèses initiales ne se sont pas totalement confirmées. D’un côté, la résistance de l’économie occidentale comme de son aide n’a pas été totalement au rendez-vous. De l’autre côté, la Russie a mieux résisté que prévu aux différentes sanctions, menaces internes et effondrement de son appareil militaire et administratif.
Face à ces différents défis et ces nouvelles composantes, Volodymyr Zelensky qui symbolise la résistance ukrainienne, se montre inquiet et appelle l’Occident à poursuivre son soutien. En effet, l’Ukraine ne pourrait pas l’emporter sans l’aide occidentale. De plus, une défaite pourrait avoir des conséquences encore plus importantes sur la crédibilité de l’Occident à régir les affaires mondiales.
Pour l’instant, la fin des aides occidentales relève davantage de l’hypothèse que d’une actualité. En effet, il s’agirait du pire cauchemar de Zelensky à l’heure actuelle et signifierait probablement d’une défaite militaire de l’Ukraine. À ce stade, les Américains démontrent qu’ils œuvrent que cette hypothèse ne se réalise pas. Cette intention est illustrée par les pressions sur la Chine pour que l’Empire du Milieu n’avance pas ses pions en mer de Chine et à Taiwan. Ainsi, Joe Biden veut envoyer des gages de bonne intention à l’Ukraine, avec des livraisons de matériel plus avancé et de nouveaux paquets d’aides. Pourtant, les signaux sont négatifs avec l’hypothèse d’une prolongation du conflit entre Israël et le Hamas. En effet, les liens historiques entre États-Unis et Ukraine ainsi que l’importance stratégique du Moyen-Orient, pousseront sûrement les États-Unis à revoir leur aide à l’Ukraine, pour assurer ses arrières.
Dans ce dernier cas de figure, l’aide européenne ne pourrait pas se substituer à l’aide américaine pour deux raisons. Tout d’abord car les Européens ont déjà du mal à fournir le peu qu’ils ont promis à l’Ukraine (peu en comparaison avec l’aide américaine bien évidemment). Deuxièmement, car eux aussi sont forcés à regarder vers Israël et devraient aussi fournir de l’aide autant à l’état juif qu’à la Palestine. Ainsi, la réduction de l’aide américaine pourrait entraîner un cercle vicieux qui pourrait être fatal à l’Ukraine, alors que le rapport de force est clairement à l’avantage de la Russie. Le trou béant, laissé par le départ américain ne pourrait pas être comblé par les Européens, ce qui ne présage pas un avenir glorieux pour la défense ukrainienne…
Dans l’hypothèse d’un effritement ou d’un arrêt de l’aide occidental, il est probable que l’Ukraine perde ce conflit. Dans la première hypothèse, Volodymyr Zelensky pourrait dire adieu à son souhait de rependre aux russes les territoires perdus depuis 2014. Dans la seconde hypothèse, il ne faudra pas exclure que Vladimir Poutine vise à long terme de revenir à son objectif initial qui était la neutralisation de l’Ukraine.
La lassitude des opinions publiques occidentales peut s’entendre et se comprendre dans un contexte économique marquée par l’inflation engendrant une baisse sensible du pouvoir d’achat des ménages. Cette évolution conduit certaines personnalités politiques à aller dans ce sens, notamment l’un des favoris de la prochaine élection présidentielle américaine, Donald Trump. Seulement, il est important de s’interroger sur la suite des événements à plus long terme dans l’hypothèse d’une défaite de l’Ukraine. Si les Occidentaux peuvent accepter une défaite de l’Ukraine, peuvent-il véritablement accepter une fin de leur domination sur le monde ? Il ne faut pas exclure un enchainement d’événement qui conduirait à cette hypothèse, avec un effritement dans la confiance envers l’Occident et de son modèle.
Par Pierre Clairé, Directeur adjoint des études du Millénaire et spécialiste des questions internationales et européennes
William Thay, président du Millénaire
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Crédit photo : Zelensky et Biden au Sommet de l’OTAN, sous licence CC BY-NC-ND 2.0
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