Royaume-Uni : vers la fin du règne des Conservateurs ?

Les conservateurs n’ont jamais été aussi bas dans les sondages et Rishi Sunak est le Premier ministre le plus impopulaire de l’après-guerre derrière Liz Truss.

Pourtant, le Premier ministre a demandé la dissolution du Parlement pour convoquer des élections générales le 4 juillet 2024 qu’il devrait logiquement perdre. Seulement, une victoire des travaillistes irait à rebours de la Révolution menée par Boris Johnson qui avait permis au Royaume-Uni de redevenir un acteur stratégique sur le plan international, tant ils rêvent de déconstruire l’héritage de l’ancien pensionnaire du 10 Dowing Street. Une défaite des Conservateurs serait l’occasion de faire un examen de conscience sur la ligne du parti aujourd’hui tiraillée entre une aile centriste et une aile dure toujours plus proche du parti qui monte : Reform UK.

En effet, Rishi Sunak ne maîtrise pas sa majorité parlementaire ce qui l’empêche d’obtenir des résultats pour les Britanniques. Sur ce point, il peut remercier sa prédécesseuse qui a laissé le pays ingouvernable. La majorité des 344 députés Tories est fragmentée et polarisée. D’une part, elle est fragmentée en 3 blocs : un bloc centriste de 150 députés, dont une soixantaine proche de Liz Truss ; un bloc de droite dure d’environ 60 députés incarnés par l’ex-ministre de l’Intérieur Suella Braverman ; et un ventre mou d’environ 120 députés qui fluctuent selon les sujets. D’autre part, elle est polarisée entre des points de vue irréconciliables. Les premiers sont partisans de l’accélération des réformes économiques et de l’accueil de travailleurs immigrés légaux pour relancer la croissance économique (+0,1% en 2023), tandis que les seconds estiment que le pays doit accomplir la promesse du Brexit, à savoir la protection économique et migratoire des Britanniques.

Face à cette polarisation interne et une défaite annoncée, assistons-nous à la fin du règne des Conservateurs ?

La montée du parti Reform UK interroge sur la stratégie électorale des Tories. La ligne de Boris Johnson (populisme populaire de droite) a permis de prolonger la domination des Conservateurs alors que le parti aurait pu être en grande difficulté après la démission de David Cameron et le Brexit.

Seulement, si cette ligne a permis de prolonger la domination des Conservateurs et d’opérer une révolution électorale comme le parti Républicain de Donald Trump aux Etats-Unis en conquérant une partie des classes populaires et moyennes blanches en voie de paupérisation, elle souffre de trois écueils aujourd’hui. Premier écueil, les populismes de droite ont vu leur image s’effriter tant sur la gestion de la crise sanitaire pour laquelle ils ne se sont pas distingués, mais également pour les scandales et les outrances (Partygate, Capitole). Deuxième écueil particulièrement vrai au Royaume-Uni, les résultats économiques et migratoires n’ont pas été suffisamment satisfaisants, ce qui explique pourquoi les Tories se sont fait déborder par une formation politique plus à droite. Enfin dernier écueil, un doute sur l’incarnation existe : peut-on faire du Johnson sans Boris Johnson ?

Ainsi, les Tories doivent répondre à ces trois questions. En y parvenant, trois options s’offrent à eux : poursuivre avec la ligne de Boris Johnson, avec ou non le soutien de Reform UK (1), ou tourner le dos à cette ligne pour embrasser soit une ligne plus centriste et technique sur le modèle du PPE en Espagne ou de la CDU en Allemagne (2), soit une ligne plus proche de celle de Giorgia Meloni davantage conservatrice et identitaire mais avec une politique étrangère et économique aseptisée (3). En d’autres termes, trois options : une ligne populiste de droite “populaire”, une ligne populiste de droite “conservatrice” ou une ligne libérale centriste qui acterait la fin de l’épopée des populismes de droite au Royaume-Uni.

Par Pierre Clairé, Directeur adjoint des Etudes du Millénaire,

Matthieu HOCQUE, Directeur adjoint des Etudes du Millénaire

Crédit photo : Prime Minister Rishi Sunak visits Blackpool College, Number 10, sous license ATTRIBUTION 2.0 GENERIC, via Flicrk

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.