Retrouvez l’analyse de William Thay et Paul Worms dans Les Échos : « l’économie française doit revenir compétitive »
La crise de Covid-19 a révélé certaines failles du système économique français. Pour William Thay et Paul Worms, plutôt que de colmater les brèches d’un système exsangue, il faut opter pour un système économique renouvelé.
Le système économique français est trop dépendant de la consommation et incapable d’assurer une production forte en raison de sa faiblesse industrielle. L’après-crise doit être l’occasion de repenser notre attractivité et notre compétitivité pour réinventer le modèle français plus fondé sur notre créativité et nos capacités industrielles.
Le déclin de la compétitivité française
Les difficultés françaises s’expliquent principalement par la désindustrialisation. En effet, les biens industriels représentent trois quarts des exportations totales françaises et le secteur industriel reste de loin le secteur le plus exposé à la concurrence étrangère. La désindustrialisation a donc eu un effet direct sur la perte de compétitivité de la France via le recul de ses parts de marché. La part des exportations françaises de biens et services dans les exportations mondiales est passée de 6,3 % en 1990 à environ 3,5 % en 2018.
Deux éléments expliquent principalement ce phénomène : l’absence de modération salariale en France sur la décennie 2000 et l’augmentation du coût des achats par l’industrie de biens et services provenant de secteurs non industriels. Ces éléments ont conduit les entreprises françaises à consentir des efforts de marge importants afin de rester compétitives à l’export.
La réduction du taux de marge de 3-4 % de nos entreprises industrielles sur la seconde moitié de la décennie 2000 a remis en cause leur viabilité et leur pérennité, conduisant à la disparition de certaines d’entre elles, ayant entraîné elle-même une réduction de la base industrielle de la France et de ses parts de marchés à l’export).
Ce recul des marges a en outre conduit à une réduction de leur capacité d’amélioration de la qualité de leurs produits, entraînant consécutivement une perte de leur compétitivité hors prix (l’attractivité des produits indépendamment de leurs prix), autrement dit leur qualité.
Des changements structurels pour une relance
Si la situation économique actuelle complique la mise en place de nouvelles mesures, quatre axes peuvent être suivis en France afin de relancer la compétitivité de nos entreprises et amorcer un mouvement de relocalisation de certains sites. Cette pandémie doit être l’occasion de proposer des mesures fortes notamment pour la relocalisation et faire face au chômage massif qui s’annonce.
Le plan de relance du Gouvernement, annoncé pour septembre, doit poursuivre une logique de baisse des prélèvements obligatoires en particulier sur les charges sociales. De plus, afin de répondre à un double objectif de faciliter les démarches des entreprises et d’améliorer leur compétitivité, une suppression des impôts de production doit être entamée progressivement ; cette suppression pouvant être financée par une légère hausse de TVA. Ces impôts de production sont nocifs, car ils frappent indépendamment des profits dégagés.
Le plan de relance doit également intégrer un soutien important à la recherche et développement (R&D) dans la mesure où il demeure encore trop faible par rapport à la moyenne européenne. Ce soutien peut passer par des financements publics directs, mais l’incitation fiscale est probablement plus efficace et moins coûteuse.
Le domaine stratégique a revoir
Face aux crises sanitaires, nous devons soit plaider pour un changement des règles européennes en matière de concurrence et d’aides d’États auprès de nos partenaires européens qui souhaitent également relocaliser leurs secteurs stratégiques, soit y déroger. Nous devons consolider nos groupes stratégiques avec pour objectif la relocalisation d’activités de production et de R&D.
Enfin, nous devons poursuivre un plan de montée en gamme des compétences en insistant à la fois sur l’excellence de nos écoles d’ingénieurs et de commerce pour les nouveaux entrants sur le marché du travail tout en poursuivant la modernisation de notre formation professionnelle.
Afin de conserver notre attractivité pour les nouveaux entrants, il est impératif de basculer d’une logique financière et comptable de court terme à un paradigme de long terme et de conquête des marchés internationaux. La modernisation de notre formation professionnelle avec un grand plan de formation doit permettre d’améliorer les compétences des actifs afin de les accompagner dans les secteurs les plus porteurs pour notre économie.
La crise de Covid-19 a révélé des failles françaises et notamment la nécessité de conserver une industrie de pointe pour mieux se protéger lors de crises de ce type comme le démontre le modèle allemand.
L’après-crise doit nous pousser à redevenir une grande nation scientifique et industrielle pour à la fois ne plus jamais revivre un cauchemar sanitaire, économique et social comme celui de ces trois derniers mois, mais également dresser des perspectives pour le monde d’après.
Crédit photo: Image par David Mark de Pixabay
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