Retrouvez l’analyse de William Thay et Marie Vidal dans Valeurs Actuelles « Les ayatollahs verts à l’épreuve du pouvoir »
Les élections municipales 2020, en plus d’être marquées par un fort taux d’abstention, ont consacré l’arrivée au pouvoir des verts dans de nombreuses grandes villes et métropoles françaises. Que ce soit grâce à leurs propres candidats ou en soutenant des listes d’union de la gauche, les Verts sont parvenus à accéder au pouvoir à Lyon, Bordeaux, Marseille, Tours, Poitiers, entres autres, et à se maintenir dans les majorités sortantes comme à Paris ou à Grenoble. Près de 3 mois après les échéances locales, un premier bilan des actions des écologistes au sein des exécutifs concernés s’impose.
Premier droit d’inventaire
Premier constat, à peine (ré)élus, les maires écologistes s’inscrivent dans une relative continuité par rapport à leurs prédécesseurs. D’un côté, le budget voté est, dans de nombreuses communes, très proche de celui des précédents exécutifs. De l’autre côté, ils poursuivent une politique sociale sans nouveauté avec les socialistes. Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon, a commencé des réformes, comme l’instauration d’un encadrement des loyers ou la mise en place d’un RSA jeune, des politiques publiques qui ne sont pas sans rappeler le socialisme municipal des élus les plus à gauche du Parti socialiste.
Si l’objectif de « verdir » la ville est louable, la réalité de la politique écologique est cependant plus nuancée. Outre les changements en matière de communication (écriture inclusive, vocabulaire propre), les mesures totémiques des maires écolos sont loin de garantir les résultats vantés. La végétalisation des rues de Strasbourg risque ainsi de rencontrer le même écueil que la politique de végétalisation parisienne qui n’a pas conduit à éradiquer les ilots de chaleur. La capitale compte aujourd’hui seulement 5,8 m2 d’espaces verts par habitants contre 45m2 à Londres.
En conséquence, le début de mandats des écologistes est également marqué par le doute qui pèse sur leur capacité à devenir un parti de Gouvernement. Leurs campagnes et leur réputation, qui se sont construites sur des messages à “buzz”, sont désormais à l’épreuve de la réalité des fonctions d’élus.
Les Verts réussiront-ils leur métamorphose vers une crédibilité sur l’ensemble des sujets de gouvernance ou resteront-ils bloqués dans une politique de la posture ? Les premiers pas laissent craindre un enlisement alors que les “coups de com’” semblent prédominer quand le nouveau maire de Lyon, Grégory Doucet, fait part de son intention d’arrêter le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin (contre-sens historique quand on sait que la municipalité d’Autun qui avait refusé l’arrivée du train au milieu du XIXème a périclité, au contraire de sa voisine Dijon) ou que Pierre Hurmic (Bordeaux) entre en guerre contre la 5G, sans preuve scientifique à l’appui.
Kh’maires verts
Depuis leur prise de fonction, les nouveaux maires EELV se sont particulièrement illustrés par leur façon d’aborder les enjeux sociétaux et sécuritaires avec une grande part d’idéologie. Ils ont ainsi adopté des mesures péremptoires menant leurs adversaires à les qualifier de « Khmers verts ». Parmi les mesures essentielles de cette rentrée, pourtant déjà bien agitée du fait de la Covid-19, le nouvel exécutif de Marseille souhaite faire flotter le drapeau arc-en-ciel au-dessus de toutes les mairies des secteurs de la ville. À Strasbourg, la maire lance l’agrandissement de la salle de consommation de drogue à moindre risque et ce, en dépit de l’échec criant de cette mesure à Paris. A Grenoble, Eric Piolle a récemment annoncé vouloir« dégenrer » les cours de récréation, jugées « trop réservées aux pratiques des garçons », alors qu’il se montre incapable d’appréhender les enjeux de sécurité de la commune, sous dotée en effectif de police municipale, défaillante dans la lutte contre la criminalité et le trafic de drogue. Les priorités de ces nouveaux maires auraient peut-être trouvé un meilleur écho si nous n’étions pas en crise…
Les premières décisions des nouveaux maires EELV permettent d’avoir une illustration d’une politique écologiste déconnectée, presque sectaire, faisant l’impasse sur des pans entiers de la vie communale au profit de la préservation de l’environnement. Supposément « inclusives », les municipalités écolos seront plus que les autres « exclusives » car la classe politique plus qu’aucune autre est convaincue que les Français ne sont pas prêts à accepter le changement. Il faut donc le leur imposer, dans l’espoir qu’ils se rallient à la parole verte à la vue des résultats.
En s’attelant à mettre en œuvre un changement radical, sans consultation, leurs politiques publiques vont refermer ces communes sur elles-mêmes, alors que les grandes villes conquises s’inscrivent désormais dans un nouvel ensemble métropolitain en concurrence avec leurs homologues européennes et internationales. Les maires écologistes entrent dans une logique de “forteresse” dont les résultats se traduiront par un exode massif des classes moyennes et populaires comme le montre l’expérience de Paris lors du mandat d’Anne Hidalgo.
Les différentes actions et prises de position des cadres EELV jettent un doute sur leur capacité à devenir un parti de Gouvernement. Par leurs discours décroissantistes portés par une frange radicale, leurs actions contre le développement économique et technologique et leurs prises de position sur la sécurité, les écologistes peuvent conduire à une logique de « tous contre eux ». Si l’alliance à Lyon entre Collomb et Wauquiez avait été comprise des cadres, mais pas des électeurs en juin dernier, cette dynamique pourrait bien évoluer avec les erreurs des nouveaux élus. Alors que qu’un sondage de l’Ifop souligne la droitisation de la population française, les électeurs pourraient dès lors s’unir contre les Verts et leurs alliés dans un éventuel second tour, que ce soit dans le cadre d’élection locale ou nationale.
Crédit photo : Greenbox, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
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