Matthieu Hocque et Pierre Clairé : « L’Occident ne doit pas abandonner Israël, qui se bat pour sa survie »

TRIBUNE. Matthieu Hocque et Pierra Clairé, directeurs adjoints des études du groupe de réflexion le Millénaire, déplorent que certains pays occidentaux, sous pression de leur opinion publique, hésitent à continuer de soutenir Israël, alors que l’Iran, de son côté, n’a pas fini de financer et armer ses proxys.

Un an après les attaques terroristes du Hamas, le conflit entre Israël et le terrorisme islamiste semble plus proche d’une escalade que d’une trêve durable. Dans ce contexte, certains pays occidentaux comme la France d’Emmanuel Macron choisissent de prendre leurs distances avec Israël, cédant aux pressions de leur opinion publique. Pourtant, cette posture est une erreur stratégique grave : l’enjeu dépasse de loin Israël et relève davantage de la défense de valeurs occidentales. Alors que certains à gauche choisissent d’abandonner la lutte contre l’antisémitisme au nom d’une bienveillance vis à vis de l’islamisme, l’Occident ne doit pas abandonner Israël qui se bat pour sa survie mais également la nôtre.

L’Occident abandonne Israël au pire moment

Israël a toujours été entouré de voisins résolus à l’effacer de la carte. Avant le 7 octobre 2023, 12 pays sur 20 du Moyen-Orient et du Maghreb ne reconnaissent pas l’existence de l’Etat hébreu et n’entretiennent aucune relations politiques et économiques avec lui. Seuls 6 Etats reconnaissent son existence : la Turquie, l’Egypte, la Jordanie, le Soudan, le Maroc et les Emirats arabes unis. Israël a la particularité d’avoir obtenu son droit à exister par ses victoires militaires face aux coalitions arabes qui lui ont toujours déclaré la guerre comme en 1948 ou encore celle de Kippour en 1973.

Seulement, la menace ne vient plus des États arabes frontaliers comme la Syrie ou l’Égypte désormais hors-jeu, mais des groupes armés tels que le Hezbollah et le Hamas, financés et armés par l’Iran. Ils se caractérisent par une volonté pure et dure de souhaiter la destruction d’Israël. Ce soutien militaire et technologique de l’Iran et les engagements dans la guerre en Syrie pour le Hezbollah ont permis à ces milices de se renforcer au point de devenir de véritables armées privées. Pour Israël, lutter contre ces menaces est insurmontable sans l’aide occidentale, en particulier celle des États-Unis, qui investissent chaque année des milliards de dollars dans la défense israélienne, notamment dans ces systèmes de défense comme le Dôme de fer, vital pour contrer les attaques de roquettes venant de Gaza ou du Sud Liban.

Malgré cela, certains alliés occidentaux hésitent à continuer ce soutien inconditionnel, sous pression de leur opinion publique. Cette hésitation est dangereuse. Pendant que l’Occident tergiverse, l’Iran, lui, ne relâche pas la pression, continuant à financer et armer ses proxys. Ainsi, ceux qui tergiversent en Occident sur le soutien à Israël se trompent. Ils ne comprennent pas que ce n’est plus l’Occident qui mène une politique agressive au Moyen-Orient comme a pu l’être celle de Georges W. Bush, mais que ce sont les islamistes iraniens qui croient le plus au choc des civilisations.

Israël fait face à des menaces existentielles immédiates

Israël est pris dans une spirale de menaces venant de tous les côtés. Le Hamas à Gaza, toujours actif, impose à Israël une vigilance constante et des réponses militaires régulières. Au nord, le Hezbollah s’est renforcé au point de constituer un danger direct pour la sécurité israélienne, obligeant l’armée à agir et à entamer une intervention préventive au Liban. Mais l’influence de l’Iran ne s’arrête pas là : les milices pro-iraniennes en Syrie, en Irak ou au Yémen étendent la portée du danger, plaçant Israël dans une situation où il pourrait bientôt devoir faire face à un conflit sur plusieurs fronts. D’où les débats internes en Israël pour attaquer les milices syriennes avant de subir des prochains “7 octobre”.

À cette menace externe s’ajoute une recrudescence d’attaques terroristes sur le territoire israélien même, rappelant les heures sombres de la Seconde Intifada. Des attentats-suicides aux attaques à l’arme blanche dans les rues de Jérusalem, la guerre est désormais aussi menée dans le quotidien des Israéliens en Israël, mais également en Cisjordanie. Il y a eu près de 560 victimes juives en Cisjordanie depuis un an, contre une vingtaine entre les accords d’Oslo de 1993 et le 7 octobre 2023.

Le danger le plus menaçant, cependant, vient de la confrontation avec l’Iran lui-même. La rivalité entre les deux pays a pris une tournure plus violente et directe ces derniers mois, notamment avec les frappes israéliennes sur des cibles iraniennes en Syrie par exemple et les ripostes de Téhéran en avril ou même le mois dernier. L’Iran, avec son programme nucléaire avancé, reste la plus grande menace existentielle pour Israël. Ce qui était autrefois un conflit mené par procuration pourrait désormais se muer en guerre totale à tout moment, avec des conséquences dévastatrices pour l’ensemble du Moyen-Orient voire du monde.

Pourquoi l’Occident doit continuer de soutenir Israël ?

Israël est bien plus qu’un simple allié stratégique pour l’Occident ; c’est le bastion des valeurs démocratiques dans une région dominée par des régimes autoritaires et des mouvements islamistes radicaux. En tant que seule démocratie pleinement fonctionnelle du Moyen-Orient, Israël incarne un rempart contre la montée de l’extrémisme qui menace non seulement la région, mais aussi l’Europe et l’Occident.

Abandonner Israël aujourd’hui, c’est envoyer un signal désastreux aux forces qui cherchent à détruire non seulement Israël, mais les démocraties dans leur ensemble. Cela affaiblirait l’autorité morale de l’Occident, tout en renforçant les ambitions de l’Iran et de ses alliés. Laisser Israël seul face à ses ennemis revient à fragiliser l’Occident lui-même, qui pourrait être la prochaine cible de ces forces radicales comme nous pouvons déjà le constater avec la flambée des actes antisémites en France (+ 300% depuis octobre 2023).

Si Israël venait à tomber, le Moyen-Orient tout entier basculerait dans le chaos. Les régimes arabes modérés, comme la Jordanie et les États du Golfe, qui ont choisi de normaliser leurs relations avec Israël, pourraient eux aussi être déstabilisés par des mouvements islamistes galvanisés par une telle victoire. La chute d’Israël ne serait pas qu’un drame national, mais une catastrophe régionale aux répercussions mondiales. À l’inverse, contenir les ambitions iraniennes et soutenir Israël pourrait entraîner la chute du régime théocratique de Téhéran, changeant durablement la donne au Moyen-Orient.

On ne peut pas placer l’Iran et Israël sur le même terrain. Si Israël perd, Israël disparaît. Si l’Iran perd, c’est le régime des ayatollahs qui chute. Pour toutes ces raisons, le soutien occidental à Israël ne doit pas fléchir. La survie d’Israël est intimement liée à la stabilité de la région, à la défense des valeurs démocratiques et, en fin de compte, à la sécurité mondiale. Tourner le dos à Israël dans ce moment critique ne serait pas seulement un échec stratégique, mais un échec moral aux conséquences incalculables.

Pierre Clairé, Directeur adjoint des Etudes du Millénaire

Matthieu Hocque, Directeur adjoint des Etudes du Millénaire

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Crédit photo : Vice President Joe Biden visit to Israel March 2016, U.S. Embassy Tel Aviv, sous license Attribution 2.0 Generic.

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