William Thay et Marion Pariset décryptent le quinquennat d’Emmanuel Macron dans le JDD
Emmanuel Macron a décidé de se présenter pour un nouveau mandat. Son ambition initiale a rencontré la dure réalité d’un pays difficile à gouverner et plusieurs crises qui ont limité ses marges de manœuvres. L’élection présidentielle est l’occasion de tirer un bilan du président sortant qui avait commencé son mandat par un grand espoir. Sa révolution promise a-t-elle été empêchée par les événements tragiques et les crises sociales ou est-elle inachevée par un manque de volonté politique ?
La révolution Macron à contre-courant de l’Histoire
La « Révolution Macron » a été pensée pour déverrouiller le pays tant par une modernisation de l’État-providence et du monde du travail que par un progressisme sociétal afin d’incarner une modernité propre au XXIème siècle. Son élection sur un programme résolument pro-européen visait à faire de la France le moteur d’une construction européenne, sortant du malheur français après la fin de trente glorieuses. En effet, la France n’a pas réussi à s’adapter à la mondialisation et les différents gouvernements n’ont réussi ni à proposer une nouvelle singularité française dans la mondialisation ni à s’adapter à l’ère économique néolibérale. De plus, pour faire entrer définitivement la France dans le XXIème siècle, il ne suffit plus d’adapter la France à la mondialisation mais de comprendre la nouvelle ère politique, économique et géopolitique dans laquelle nous sommes définitivement rentrés.
L’élection d’Emmanuel Macron est intervenue dans un contexte politique occidental en pleine mutation. Le cycle néolibéral initié par Margareth Thatcher et Ronald Reagan dans les années 1980 s’est effacé au profit de la seconde révolution conservatrice menée par Donald Trump et Boris Johnson. Ces derniers ont ouvert une nouvelle ère, celle du retour de l’État stratège et protecteur face aux nouveaux défis géopolitiques et économiques transnationaux qui imposent la nécessité de bâtir un modèle conciliant liberté et protection. Cette mutation anglo-saxonne qui modifie la donne en Occident, s’accompagne par le retour du tragique de l’Histoire marquée par la rivalité entre la Chine et les États-Unis, le retour des Empires et la guerre sur le Vieux Continent. Ainsi, l’élection d’Emmanuel Macron est à l’image de celle de François Mitterrand en 1981, à contre-courant de l’Histoire.
Une révolution empêchée
Il est impossible de dissocier le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron des crises internationales, économiques, sociales et politiques qui ont paralysé le pays. Seulement, si certaines crises sont exogènes (crise sanitaire, guerre en Ukraine), d’autres ont été provoquées par son action politique (affaire Benalla, Gilets Jaunes, réforme des retraites). Ces crises ont conduit nécessairement à faire évoluer son action nationale et internationale et ont limité sa volonté réformatrice. Ces crises ont également révélé une incapacité à maîtriser et unir un pays fracturé qui ressemble à la fin du quinquennat davantage à un archipel qu’à un pays fraternel et éternel. Divisée, incapable de marquer de son empreinte le monde pour ce prochain millénaire, la France risque de sortir de l’Histoire.
De toutes les crises du quinquennat, la crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont particulièrement fait entrer le monde dans une nouvelle ère. D’un côté, la crise sanitaire a marqué l’avènement de l’Asie et notamment de la Chine ainsi que le déclassement de l’Europe et de la France. En outre, cette crise a mis en avant les failles structurelles de notre modèle puisque la hausse continue des dépenses publiques n’est pas parvenue à endiguer la montée de la pauvreté ainsi que la baisse de la qualité de nos services publics. De l’autre côté, la guerre en Ukraine marque le retour du tragique de l’Histoire et de notre incapacité à y faire face. L’Europe et la France doivent tourner la page de la Fin de l’Histoire de Fukuyama pour se préparer à faire valoir leurs intérêts et leurs valeurs dans un monde de plus en plus conflictuel qui appelle à révolutionner notre modèle. L’Union européenne pour exister doit devenir une superpuissance du XXIème rivalisant avec la Chine et les Etats-Unis tandis que la France doit porter une ambition gaullienne pour exprimer sa singularité et redevenir un phare dans le monde.
Une nécessaire réinvention
Face à ces nouvelles mutations nationales et mondiales, le macronisme version 2017 paraît bien obsolète. Les échecs successifs de la France sur la scène internationale, en particulier au Liban et dans le cadre du contrat des sous-marins, doivent pousser Emmanuel Macron à changer de doctrine et à passer d’une logique du consensus à celle du rapport de force. Une philosophie qui doit s’appliquer à la fois vis-à-vis des pays extra-européens qu’avec nos alliés européens, où la France est trop souvent le parent pauvre du couple franco-allemand vanté par Emmanuel Macron.
Sans renier l’esprit de réforme qui a accompagné l’élection d’Emmanuel Macron, celui-ci doit désormais être mis au service d’un projet de grandeur et de puissance. Le retour de la France dans le concert des nations et l’application de cette nouvelle doctrine dans les relations internationales, nécessite que la France soit le leader de l’Europe. En effet, leader économique, l’Allemagne n’est pas en mesure d’être un leader diplomatique pour une Europe superpuissance. L’élan réformateur doit donc être mis au service de réformes structurelles permettant à la France de rattraper économiquement l’Allemagne et d’assurer le leadership économique, diplomatique et militaire sur le plan européen.
L’élection d’Emmanuel Macron avait suscité un espoir en 2017 au point que le Times avait dit qu’il pouvait être le prochain leader de l’Europe s’il réussissait à gouverner la France. À l’issue de ce quinquennat, il n’a pas réussi à imposer la France comme la nouvelle locomotive européenne, parce qu’il laisse un pays fracturé. Ce dernier point est ainsi son deuxième grand échec comme le symbolise la montée des extrêmes dans le pays. »
William Thay, président du Millénaire et Marion Pariset, Secrétaire générale du Millénaire
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Crédit photo : Emmanuel Macron par Пресс-служба Президента Российской Федерации sous licence CC BY 4.0
Crédit photo: Portrait Emmanuel Macron par Soazig de la Moissonière
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