Article de Causeur : « 20e congrès du PCC : vers une renaissance chinoise ? »

Le 20e Congrès du Parti communiste chinois, le 16 octobre, sera scruté avec une attention particulière. À cette occasion, le Millénaire, think-tank indépendant spécialisé en politiques publiques, analyse les enjeux de ce rendez-vous.

Le 16 octobre se tiendra le 20 Congrès national du Parti communiste chinois. Il doit amener à la désignation du secrétaire général du Parti qui deviendra de factoprésident de la République populaire de Chine pour les cinq années à venir. Dans ce cadre, Xi Jinping va renouveler son mandat, dépassant pour la première fois la limite de deux mandats instaurés par Deng Xiaoping dans les années 80.

Ce Congrès sera également l’occasion de poser les ambitions du président Xi pour les cinq prochaines années. Dans la continuité de la “pensée de Xi Jinping”, ce 20eCongrès pourrait confirmer la mainmise du président sur le système politique en renforçant le culte de la personnalité à travers une révision de la Constitution du parti, voire en accordant au président Xi un titre similaire à celui de Timonier de Mao. Le Congrès doit également revenir sur le bilan de Xi Jinping tout en fixant un cap pour les prochaines années.

Selon Marion Pariset, spécialiste des affaires internationales et de la Chine du Millénaire, « Xi Jinping entre ainsi dans l’histoire du Parti communiste chinois et va vraisemblablement chercher à surpasser Mao Zedong en commençant par inscrire sa philosophie dans les statuts du Parti. À ce titre, on pourrait symboliser Xi Jinping par un triple positionnement : maoïste dans son approche du parti et du culte de la personnalité, socialiste à la chinoise sur les questions économiques ce qui nuance la stratégie d’ouverture mise en place par Deng Xiaoping et nationaliste sur les affaires étrangères »

Il ne fait aucun doute que Xi Jinping veut s’élever dans la hiérarchie des dirigeants historiques du Parti communiste chinois, en d’autres termes, il ne veut plus être comparé à Hu Jintao ou Jiang Zemin mais se retrouver au même niveau que Mao Zedong et Deng Xiaoping. Depuis mars 2018 et la modification de la Constitution par l’Assemblée nationale populaire, Xi Jinping est autorisé à briguer un troisième mandat à la tête du pays. Ainsi, Xi va devenir le premier politicien à être choisi comme secrétaire général du Parti communiste chinois pour la troisième fois de suite et le premier depuis Mao à être mis à la tête du Parti, et donc du pays, à trois reprises. Il ne serait pas non plus surprenant que Xi ressuscite le poste de président du Parti, fonction qui avait été abolie en 1982 pour mettre fin au culte de la personnalité instauré par Mao.

Un renforcement de l’emprise de Xi Jinping sur le Parti communiste chinois, la population et l’économie

Selon Pierre Clairé, directeur adjoint des études du Millénaire, en charge des questions européennes et internationales, « Xi Jinping marque une rupture avec la politique chinoise entamée par Deng Xiaoping à la fin des années 70. Il a réinstauré depuis 2012 un autoritarisme de plus en plus sensible dans le Parti communiste chinois. Cette campagne anticorruption, attendue par la population, permet au Président chinois d’éliminer ses opposants et renforcer son contrôle sur l’appareil et l’État ».

Le président Xi veut ranimer le “rêve chinois”, une vision de grandeur pour la nation s’appuyant sur un “socialisme à la chinoise”. Le slogan, employé le 29 novembre 2011, doit marquer la troisième phase du développement chinois marqué par le contrôle du parti sur le pays par Mao (1949 – 1976) puis par les réformes économiques (à partir de 1979 et les quatre principes fondamentaux de Deng Xiaoping). Ce “rêve chinois” doit permettre la renaissance chinoise après le siècle de l’humiliation, débuté avec les guerres de l’Opium, pour rendre à la Chine sa grandeur passée.

Pour Xi Jinping, cela se ferait en trois étapes : premièrement, un pays moyennement prospère en 2021, deuxièmement un pays moderne en 2035 et troisièmement, la première puissance mondiale en 2049 sur l’ensemble des secteurs (économique, militaire, diplomatique, technologique, etc.). Dans le même temps, Xi Jinping souhaite bâtir un rêve collectif et un mode de vie pour rendre les Chinois fiers et heureux sous des principes imprégnés du confucianisme. Cela passera également par la réunification des territoires chinois (Hong Kong, Taïwan) et la mise au pas des volontés autonomistes et des revendications régionales (Tibet, Xinjiang…).

Comme le souligne Marion Pariset, « Transcrire ces valeurs dans la pratique et, plus largement, réaliser le “rêve chinois” nécessite une discipline de société rendue possible grâce à un contrôle social fort. Le numérique est un ressort central de cette stratégie. Dans la gamme des outils à disposition du président chinois, le crédit social est l’un des exemples les plus parlants. »

Xi Jinping cherche à asseoir son pouvoir pour devenir, d’une certaine manière, un nouvel empereur de Chine. Pour y parvenir, il a supprimé la limite de deux mandats à la présidence du pays et inscrit sa pensée dans la Constitution. Ce contrôle de la population est marqué par la censure, des arrestations, l’instauration du système de contrôle social et la reprise en main de Hong Kong.

Une agressivité assumée pour accélérer l’autonomisation du modèle chinois

Le deuxième mandat de Xi Jinping a marqué la bascule vers une volonté de puissance assumée sur la scène internationale. Le rôle que souhaite y jouer la Chine apparaît clairement. L’ambiguïté du discours vis-à-vis des États-Unis est cependant perceptible et caractéristique de la stratégie de la diplomatie publique chinoise. La Chine joue ainsi sur les deux tableaux en gagnant en influence dans les cadres de coopération existants et en développant des cadres d’échange parallèles où elle domine ses partenaires (nouvelles routes de la soie, Organisation de coopération de Shanghai, forum des BRICS…).

Le regain des velléités de puissance dans des pays non occidentaux fournit à la Chine de nouveaux alliés de circonstance susceptibles de réduire sa dépendance à l’Union européenne et aux États-Unis. Cependant, bien qu’il permette à la Chine d’adopter une posture plus agressive dans ses relations diplomatiques, ce rééquilibrage n’est pas à ce stade suffisant (pas plus qu’il n’est réaliste à court terme) pour que la Chine renonce à ses partenariats, en particulier avec l’Europe, ce qui explique les gestes encourageants adressés aux Européens (entretiens, visites officielles, etc.).

Le mandat présidentiel qui s’achève a vu la Chine affirmer sa puissance militaire en mer de Chine en particulier. Bien que la stratégie de Xi Jinping remonte à son premier mandat, les cinq dernières années ont permis à la Chine de renforcer sa présence en mer de Chine (construction des îlots artificiels, escalade de l’agressivité autour de Taïwan). Du fait de son autonomie politique, Taïwan représente un double enjeu pour Pékin. La Chine à l’heure de Xi Jinping ne peut risquer de voir l’émergence d’un modèle alternatif et doit maitriser le détroit de Taïwan par lequel transite le gros du trafic maritime. Cette stratégie repose en outre sur le développement de capacités militaires grâce à des investissements importants : ainsi la marine militaire chinoise devance toutes les autres marines militaires du monde en nombre de navires depuis 2020 (350 navires chinois, contre 293 américains). 

Xi tout puissant mais Xi sous pression

Si Xi Jinping a consolidé son pouvoir ces cinq dernières années, sa gestion de la crise du Covid a placé le pays dans une situation économique et sociale difficile. Sa gestion a fragilisé son narratif d’un modèle de développement “à la chinoise” prospère et performant pour trois raisons : elle est révélatrice de la fragilité du modèle économique chinois (vieillissement, demande intérieure en berne, bulle immobilière…); elle remet en question la politique zéro covid (confinement, séparation, absurdité des mesures…); et elle montre la vulnérabilité du discours chinois sur la scène internationale (méthode chinoise, matériel de mauvaise qualité, coopération faible…). L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un dilemme supplémentaire pour Pékin.

Le Parti communiste chinois est loin de constituer un bloc homogène. Au contraire, des factions existent depuis longtemps à l’intérieur du Parti, représentant des tendances pouvant être décrites comme plus à gauche ou plus à droite. Ces mouvements s’étaient développés depuis Deng Xiaoping avec l’ouverture de la gouvernance.

Pour surpasser Mao Zedong, l’objectif de Xi Jinping est de marquer le troisième temps du parti. Le premier incarné par Mao Zedong devait ancrer la domination du parti sur le pays. Le second incarné par Deng Xiaoping devait marquer les réformes économiques et la prospérité de la Chine. Le troisième, le sien, doit inscrire la Chine comme première puissance mondiale avec un modèle alternatif à celui des États-Unis.

 

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Crédit photo : Xi Jinping par Jean-Marc Ferré sous licence CC BY-NC-ND 2.0

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