Alors qu’Emmanuel Macron a régulièrement été qualifié de président rejeté par les Français, il se maintient dans toutes les enquêtes d’opinion pour se diriger vers une réélection.
Ce paradoxe a d’autant plus de signification politique, qu’aucun président de la République depuis le Général de Gaulle en 1965 a réussi à se faire réélire comme chef de l’exécutif sortant. En effet, François Mitterrand et Jacques Chirac étaient en cohabitation. Cela s’explique notamment par une campagne qui peut être qualifiée d’ennuyeuse et de mauvais choix pour les partis de gouvernement.
Une campagne sous Covid
La campagne présidentielle est marquée par la crise sanitaire qui structure le quotidien des Français. Cela emporte plusieurs conséquences. Tout d’abord, il est difficile pour les différents candidats de poser une autre thématique pouvant intéresser les Français. Ensuite, pour être audible, il est nécessaire d’apporter de la radicalité comme a pu le faire Eric Zemmour (Reconquête !), mais cela éloigne les postulants de l’électeur moyen. Enfin, le gouvernement emporte l’adhésion sur sa gestion de la crise sanitaire (42 % de satisfaits selon une enquête d’Ipsos) et surtout personne n’est jugé capable de faire mieux que le président de la République.
La campagne présidentielle est ennuyeuse et marquée par un désintérêt de la part des citoyens. Ainsi, le baromètre Opinion Way pour «Les Echos» indique que trois quarts des électeurs estiment que la campagne «n’aborde pas les vrais problèmes» et «n’apporte pas de solutions pour le pays». Cela s’explique par trois points cruciaux. Nous assistons à une campagne où les candidats ne parlent pas aux Français mais à leur camp, les candidats de gauche et d’extrême-droite organisent une primaire sauvage dans leur courant de pensée. De plus, les candidats se concentrent davantage sur des questions politiques en abordant la question des ralliements ou de l’unité autour d’un candidat qui n’intéressent pas les Français non politisés. Enfin, nous avons une absence de projets structurants qui pourraient soit offrir une alternative à la gestion d’Emmanuel Macron soit offrir une perspective pour la France d’après-crise.
Un monopole sur son socle électoral
Au-delà d’un contexte politique favorable, Emmanuel Macron dispose d’un socle électoral qui ne lui est pas disputé. Il arrive à élargir l’espace politique traditionnelle du centre à la fois à gauche en séduisant 36 % de ceux qui ont voté François Hollande en 2012 et 35 % de ceux qui ont Nicolas Sarkozy. Ainsi, il est hautement improbable que le président sortant dévisse dans les sondages tant le contexte politique ne change pas et qu’il n’y a pas de candidat qui lui conteste la primauté de son socle électoral.
Sur le flanc gauche d’Emmanuel Macron, la multiplicité des candidats ne permet pas d’envisager une évolution. En effet, les candidats de gauche sont dans une primaire sauvage au premier tour. Cette compétition les oblige à s’adresser à leur propre camp sans avoir la possibilité de l’élargir. Dans ce cadre, les candidats comme Yannick Jadot (Europe-Ecologie – Les Verts) ou Anne Hidalgo (Parti socialiste) ne peuvent s’adresser aux électeurs modérés sans prendre le risque de subir une pression de leur aile plus radicale. Ainsi, la multiplicité des candidatures conduit à une situation où les candidats sont invités à faire de la surenchère pour séduire les électeurs les plus à gauche ce qui éloignent des électeurs de centre gauche. Cette situation contribue à la fois au rétrécissement de la base électorale de la gauche et au maintien du socle électoral du président sortant.
Sur le flanc droit d’Emmanuel Macron, Valérie Pécresse (Les Républicains est victime de la pression effectuée par le match entre Marine Le Pen (Rassemblement national) et Éric Zemmour. La candidate de la droite fait face à un enjeu stratégique entre choisir de mener la bataille électorale face au président sortant ou face aux deux candidats d’extrême droite. Ce dilemme prend également en compte des conditions politiques. En effet, Valérie Pécresse a remporté le Congrès LR mais face à Éric Ciotti et doit faire face à d’éventuelles défections de sa campagne vers Éric Zemmour. Ce contexte politique est en contradiction avec l’intérêt électoral de la présidente de la région Ile de France. En effet, selon une enquête Ipsos, sur 100 électeurs d’Emmanuel Macron qui pourraient changer d’avis, 43 choisiraient Valérie Pécresse en second choix.
Emmanuel Macron bénéficie d’un double contexte politique favorable avec la crise sanitaire et l’absence de concurrence sur son socle électoral. Il n’y a pas de raison que cela change à moins d’une évolution des thématiques centrales de la campagne électorale et surtout d’un sursaut des oppositions. Cela concerne à la fois un impératif tactique mais également démocratique pour répondre aux préoccupations des Français et dessiner les contours d’une vision de la France d’après-crise.
William Thay est président du Millénaire, groupe de réflexion spécialisé en politiques publiques.
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Crédit photo : Emmanuel Macron par Пресс-служба Президента Российской Федерации sous licence CC BY 4.0
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