Le conflit social entre les grévistes et Total prend en otage l’ensemble des Français. Ces derniers subissent l’approche conflictuelle de la CGT qui a décrété une grève préventive pour obtenir une revalorisation salariale pour les salariés des raffineries. Si l’État n’a pas vocation à s’impliquer dans toutes les négociations entre les syndicats et les entreprises, la paralysie du pays l’oblige à agir. Le Gouvernement doit adopter une position plus offensive en utilisant tous les moyens pour limiter les pénuries quitte à utiliser la force et les réquisitions.
Un pays pris en otage
La France a déjà rencontré des phénomènes de pénuries de carburants mais la situation que l’on rencontre actuellement est spécifique. En 2010 et en 2016, les grévistes bloquaient le pays au moins sur le prétexte de défendre l’ensemble des salariés. Il s’agissait de s’opposer à la réforme des retraites en 2010 et à la loi travail El Khomri en 2016. Dans le cas présent, la CGT prend en otage le pays pour l’unique condition d’une revalorisation salariale des employés de Total et d’Exxon.
La France fait face à une crise énergétique qui plonge notre continent vers une probable récession économique. D’une part, la France peut commettre la même erreur que dans les années 80 après les deux chocs pétroliers en cédant à un objectif à court terme. En effet, l’augmentation des salaires sans amélioration de la productivité va sacrifier la compétitivité des entreprises à long terme sans limiter l’inflation. Celle-ci ne peut être combattu qu’en augmentant la production, ce qui nécessite une politique de l’offre. D’autre part, la grève enclenchée par la CGT aggrave la situation économique déjà fragile en empêchant les Français qui ont besoin de leur véhicule de travailler.
Une nécessité politique pour le Gouvernement
Au-delà de la légitimité induite par la victoire électorale, le Gouvernement conserve un capital politique sur deux plans : la gestion de crises et le parti de l’ordre. S’il perd ses deux atouts, il risque de se retrouver dans une situation délicate.
Emmanuel Macron a remporté sa réélection sur un fond d’une double crise : sanitaire et la guerre en Ukraine. Il avait ainsi le double avantage d’être à la fois le plus jeune des postulants tout en étant le plus expérimenté. Cela lui permettait d’incarner à la fois le renouvellement et la stabilité dans des périodes troubles. Les projets de réformes du Gouvernement n’emportent pas forcément l’adhésion majoritaire des Français comme en témoigne la majorité relative issue des dernières élections législatives. Toutefois, les Français se mettent derrière le Gouvernement lorsqu’il y a une crise et par conséquent attendent de lui qu’il agisse efficacement pour répondre à la situation.
Emmanuel Macron a entamé son tournant politique lors de la crise des Gilets jaunes, en devenant le parti de l’ordre. Alors qu’il possédait un électorat plutôt social-démocrate en 2017, son électorat a évolué à partir de 2019. Le président de la République incarne désormais le parti de l’ordre, comme en témoigne le déclin électoral des Républicains lors des deux scrutins de 2019 et de 2022. Cela repose notamment sur sa capacité à remettre de l’ordre à la fois de la crise des Gilets jaunes et pendant la crise sanitaire. Toutefois, cette incarnation est depuis mise en doute avec le fiasco du Stade de France et les épisodes sécuritaires de l’été.
Ne pas hésiter à utiliser la force
Pour ne pas perdre son capital politique et débloquer le pays, le Gouvernement doit reprendre la main. Même s’il s’agit d’un conflit privé entre des syndicats et des fournisseurs de carburants, il devient d’intérêt général lorsqu’il prend en otage le pays. Ainsi, le Gouvernement doit d’abord encourager à la discussion pour trouver un compromis en faisant valoir à chacun que l’intérêt est de mettre fin rapidement à cette grève. Ensuite, le Gouvernement peut débloquer les réserves d’urgence pour limiter les pénuries afin que le pays puisse repartir.
Enfin, si les discussions n’aboutissent pas, il sera nécessaire d’utiliser la force. Cela repose sur la libération des raffineries par les forces de l’ordre ainsi que la réquisition du personnel pour les remettre en état de marche. Sur le plan constitutionnel, la jurisprudence de 2010 permet notamment l’utilisation de ces procédés qui ne sont pas une limitation du droit de grève.
Le Gouvernement n’a pas la même marge de manœuvre que lors des Gilets jaunes. Avec une majorité relative à l’Assemblée, un front syndical avec cette grève puis celles à venir sur les retraites, le Gouvernement ne peut pas avoir en plus des Français excédés par cette situation. Emmanuel Macron dispose d’un mandat clair pour gérer les crises et apporter de l’ordre. Les Français peuvent lui pardonner les conséquences des crises extérieures mais pas de la chienlit dans le pays, sans quoi l’avenir du macronisme s’inscrira en pointillé.
William Thay, président du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques.
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