William Thay pour Les Echos : « La France doit passer à l’économie de guerre »

Dans un monde conflictuel qui privilégie le rapport de force à la concertation, nous devons nous réarmer et transformer notre économie en économie de guerre, prône William Thay.

La guerre en Ukraine a accéléré le revirement d’une partie des dirigeants européens autour des impératifs de réarmement et de protection. Pour autant, la voie entrouverte par Emmanuel Macron sur l’économie de guerre n’a pas été suivie par nos partenaires. Or, dans un monde conflictuel qui privilégie le rapport de force à la concertation, nous devons nous réarmer et transformer notre économie en économie de guerre.

Un monde propice aux économies de guerre

Depuis la chute du Mur de Berlin, l’Europe s’est bercée d’illusions. Elle a d’abord considéré que la protection militaire américaine serait éternelle. Or, depuis le pivot asiatique entamé par Barack Obama et poursuivi par Donald Trump et Joe Biden, les Etats-Unis ont fait de la zone Indopacifique et de la Chine leur priorité géostratégique au détriment de l’Europe. Malgré le durcissement de la guerre en Ukraine, l’aide américaine a été remise en cause au Parlement et pourrait même être annihilée par un retour de Donald Trump.

Ensuite, l’Europe a considéré que la logique des dividendes de la paix dicterait la marche du monde. L’Europe pesait près d’un tiers des dépenses militaires en 1990 contre moins de 20% en 2023. Or, des nations-empires (Russie, Chine, Turquie, etc.) se réarment et nous menacent. Selon eux, tous les moyens sont bons pour défendre leurs intérêts, y compris la guerre de haute intensité financée par une économie de guerre. Ces Etats-nations sont capables de passer en économie de guerre en quelques mois comme la Russie pour soutenir leurs velléités impérialistes et éviter les pénuries liées à l’autarcie de la guerre.

La France en retard

La France s’est désarmée et désindustrialisée. Désarmée, car nos dépenses militaires sont passées de 3,2% du PIB en 1980, à 1,8% en 2019. Désindustrialisée, car l’industrie représentait 24% du PIB en 1980 contre moins de 13% en 2019. Or, la mise en œuvre d’une économie de guerre nécessite de mobiliser ces deux leviers en urgence. Blum et Daladier ont eu 2 ans et demi pour basculer en économie de guerre et les Etats-Unis seulement 3 mois après Pearl Harbor.

Seulement, tous nos secteurs industriels clés pour soutenir un effort de guerre sont en crise. Notre production s’est effondrée dans le textile (-51% depuis 2000) pourtant nécessaire pour les uniformes ; dans le raffinage (-34% depuis 2000) nécessaire pour le déplacement de troupes ; ou encore dans l’automobile (-28% depuis 2000) nécessaire pour fabriquer des véhicules motorisés, des blindés et des ambulances. Or, pour réussir cette transition, il nous faut facilement convertir des usines par proximité sectorielle.

Réarmer notre économie

Basculer en économie de guerre ne signifie pas relancer uniquement la production du complexe militaro-industriel. Toute l’économie doit bénéficier d’un accroissement de la production liée à l’économie de guerre. Cela permettrait d’investir pour réindustrialiser le pays, d’augmenter les dépenses R&D pour se positionner sur les innovations de rupture ou encore d’obtenir une collaboration économique avec l’Ukraine en vue de sa reconstruction.

L’Allemagne est devenue la première puissance économique européenne car elle a su adapter son modèle industriel exportateur à la mondialisation grâce à ses réformes. Or, cette ère est désormais révolue puisqu’il ne s’agit plus de faire la compétition à armes égales, mais de mettre tous les moyens en œuvre pour soutenir nos acteurs économiques dans un monde en guerre permanente.

La France pourrait devenir la première puissance économique européenne si elle adapte son modèle à l’économie de guerre qui sera le modèle efficace de la décennie.

William Thay, président du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire

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Crédit photo : Des artilleurs ukrainiens de la Force opérationnelle interarmées utilisant des CAESAR, fournis par la France, pendant l’Russian invasion of Ukraine. Ministry of Defence of Ukraine, sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International, via Wikimedia Commons

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