Le souhait de relocalisation de notre appareil productif connait une plus grande ampleur avec l’apparition d’une crise sanitaire qui a bousculé nos certitudes. Pour autant, il ne s’agit pas de revenir au monde d’avant crise et de promouvoir un interventionnisme de l’État tous azimuts. À partir du modèle des pays est-asiatiques, il s’agit plutôt d’identifier les ressorts d’une politique industrielle efficace basée sur la libre concurrence, où l’État interviendrait davantage pour créer un écosystème favorable.
Quels enseignements tirer des modèles asiatiques ?
Les États est-asiatiques ont su adapter leur politique industrielle aux évolutions des cycles économiques, en opérant une transformation structurelle de leur modèle. En adhérant à l’OMC, le Japon, la Corée, puis la Chine abandonnent progressivement le dirigisme industriel, rationalisent le financement public, assainissent leur secteur bancaire, modernisent l’enseignement supérieur et investissent massivement dans des infrastructures innovantes. En 2019, les effets de ce modèle portent leurs fruits : la part de l’industrie dans la valeur ajoutée est de 29 % au Japon, 33 % en Corée du Sud et 39 % en Chine, contre 13 % en France et 22 % pour la moyenne de l’OCDE.
Pour autant, ces réformes sont loin de marquer le retrait de l’État dans la conduite de la politique industrielle. Après avoir favorisé l’émergence de champions nationaux capables de résister à la concurrence, les États est-asiatiques ont intégré les PME dans le giron de leur politique industrielle formant des filières productives protégées et favorisées par une fiscalité souple. Forts de cette articulation, les champions nationaux bénéficient d’un réseau de sous-traitants, afin de conquérir les marchés internationaux.
Les pays asiatiques doivent également la prégnance de leur industrie à leur politique de recherche et développement (R&D) orientée vers les besoins de leur marché intérieur afin de soutenir la consommation. En 2019, les dépenses en R&D en France représentent 2,5 % du PIB, contre 3,2 % au Japon et 4,6 % en Corée du Sud. Pire, en 2019, la France n’a toujours pas atteint le niveau de dépenses en R&D du Japon en 2000, situé déjà à 2,9 % du PIB. Ce déclassement doit nous amener à reconsidérer les contours de notre politique industrielle.
Entrer dans l’économie du XXIe siècle
Il ne suffit pas de décréter la réindustrialisation pour qu’elle s’opère. À partir des remèdes est-asiatiques, trois axes sont pertinents pour promouvoir une nouvelle politique industrielle.
Il s’agit d’abord de moderniser notre système afin de créer un environnement propice à la réindustrialisation. Cela passe par relancer la réforme de l’État pour avoir un système plus efficace et qui dépense moins avec un objectif de 50 % de dépenses publiques par rapport au PIB d’ici 2030. Notre politique fiscale doit être moins prohibitive et plus stable. Elle doit poursuivre sa tendance baissière afin de s’aligner sur les standards internationaux. Attirer les relocalisations passera également par une stabilité française à travers un Commissariat au Plan rénové, permettant de dégager des consensus entre la société civile, la classe politique et les entrepreneurs.
L’enjeu pour l’État est aussi de valoriser nos acteurs économiques pour qu’ils aillent conquérir le monde. Nous disposons déjà de champions nationaux issus de l’héritage gaulliste, dont l’institutionnalisation avait contribué à doubler les exportations industrielles entre 1962 et 1968. La modification du statut des zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU – TE) pour lever la barrière du chiffre d’affaires maximum de 10 millions d’euros par an à 100 millions d’euros par an, permettra de rationaliser nos filières industrielles grâce à un tissu de PME et ETI françaises autour des champions de demain.
Pour transformer la génération sacrifiée en génération de bâtisseurs après la crise sanitaire, nous devons reconstruire notre maillage industriel et pousser nos acteurs économiques à gagner la course à l’innovation. À l’image des pays est-asiatiques, la France doit se réarmer sur la R&D avec un objectif de 3 % de dépenses en R&D à un horizon de 5 ans. Sur le modèle de la DARPA américaine, le Commissariat au Plan doit disposer d’un budget pour investir dans 10 secteurs d’avenirs liés à la souveraineté numérique et la transition écologique.
Si la France n’a pas réussi à tirer profit de la « mondialisation heureuse », elle doit dès à présent préparer son économie à affronter le monde d’après-crise où les États vont créer des environnements favorables pour soutenir leurs champions industriels. Si nous n’arrivons pas à adopter notre modèle, nous risquons de subir le même cycle négatif engendrant le malheur français.
Par William Thay, Président du Millénaire, et Matthieu Hocque analyste du Millénaire
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Crédit photo : Photo par formulaire PxHere
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