A un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, le locataire de l’Élysée prépare activement sa réélection. Si celle-ci sera en partie conditionnée par la perception dans l’opinion de sa gestion de la crise du covid, Emmanuel Macron applique déjà la stratégie qui doit lui permettre de conforter sa place à la tête de l’exécutif. Une opération difficile puisque depuis le générale de Gaulle, aucun président de la République n’est parvenu à se faire réélire hors cohabitation.
Un noyau dur restreint
L’exercice du pouvoir a réduit le socle électoral d’Emmanuel Macron. Le dernier sondage Harris Interactive du 24 Janvier montre une baisse des intentions de vote pour le président de la République, passant de 27-32% l’été dernier à 23-24% en ce début d’année. Pourtant, si cette tendance baissière est significative, la popularité d’Emmanuel Macron progresse. Selon l’intitut Odoxa, elle est passée de 38% (l’été dernier) à 41% en ce mois de Février, avec une progression d’un point depuis Janvier. En réalité, la situation est très inquiétante pour le président de la République, alors que l’opinion sur son action progresse, ses intentions de vote diminuent. Au fur et à mesure que des candidatures de droite et de gauche émergent, les électeurs commencent à revenir dans leur camp d’origine pour gagner sous leurs couleurs.
Les élections intermédiaires des municipales et les sondages des régionales montrent à minima la très grande volatilité de l’électorat d’Emmanuel Macron, voire des pertes définitives. Ainsi, dès les européennes de 2019 les scores de LREM témoignent d’un décrochage de l’électorat de gauche qui avait soutenu Emmanuel Macron en 2017. Une étude de l’institut Ifop montre que 20% de l’électorat du président de la République (de 2017) s’est en effet porté sur la liste EELV (et 7% sur la liste PS) lors des européennes. De même le décrochage de l’électorat d’Emmanuel Macron issu de la droite aux municipales semble se confirmer pour les régionales. En effet, on observe dans les différents sondages portant sur l’élection présidentielle 2022 que les électeurs de François Fillon en 2017 commencent petit à petit à revenir dans leur maison d’origine. Le noyau dur du président de la République n’est donc plus que de 16-18%, insuffisant pour s’assurer une qualification au second tour de l’élection présidentielle.
Trianguler pour asphyxier les partis de gouvernement
Ainsi, pour s’assurer une qualification au second tour en 2022, Emmanuel Macron doit élargir et renforcer son socle électoral. Il doit également juguler la monter d’alternatives crédibles à sa droite et à sa gauche qui ne feraient qu’accentuer le phénomène de décrochage, avec un retour des deux extrêmes de son socle électoral dans leur camp d’origine. Pour cela, Emmanuel Macron fait le choix de la triangulation : aller très à droite sur les thèmes de prédilection de la droite, et très à gauche sur les thèmes de prédilection de la gauche. L’idée est de donner des gages forts en même temps à la droite et à la gauche en condamnant les partis traditionnels à la surenchère. Plutôt que d’incarner une offre politique propre ni de gauche ni de droite, LREM est en train de devenir un parti de gauche et de droite.
Ainsi, pour séduire la droite, Emmanuel Macron n’hésite pas à parler d’ensauvagement, de séparatisme et à légitimer le débat ouvert par Nicolas Sarkozy sur l’identité. De même lorsque Gérald Darmanin affirme trouver Marine Le Pen « un peu molle », il alimente les interrogations de l’électorat de droite. Réciproquement, pour s’adresser à l’électorat de gauche, Emmanuel Macron fait le choix d’un référendum sur le climat pour modifier la constitution et de sélectionner « 500 personnalités Noires ou Arabes » pour renommer certaines rues. Emmanuel Macron compte donc proposer à ces électeurs de droite et de gauche une offre politique qui certes n’est pas parfaite de leur point de vue, mais qui sur les sujets qui sont les plus importants pour eux, ambitionne d’apporter autant de gages que leur parti d’origine. Le pari du président de la République est d’asphyxier les partis traditionnels pour apparaître, face à des candidats plus clivants comme Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, comme le moins mauvais choix pour ces électorats.
Renouer avec la société civile
Grand point fort de la campagne de 2017, le lien avec la société civile et « les marcheurs » allant à la rencontre des citoyens s’est affaiblit au cours du mandat. Pourtant, avec la gronde sociale et le mouvement des gilets jaunes, Emmanuel Macron a besoin de ce soutien de la société civile pour ne pas apparaitre seulement comme le parti des élites. Pour cela il doit réussir à mettre en scène l’idée du peuple qui soutient le président face à celui qui demande sa démission. C’est en renouant avec la société civile et les diverses aspirations des français qu’Emmanuel Macron peut espérer réduire son image de président des riches et sortir de sa tour d’ivoire. Mais en devenant La République en Marche et en se structurant comme les partis traditionnels, En Marche a connu les mêmes problèmes que les partis traditionnels ne parlant plus seulement qu’aux militants, aux adhérants et non plus aux Français.
Pour répondre à cette problématique lors de la campagne de 2022, LREM va reprendre contact avec le terrain grâce à la formation d’une galaxie de mouvements et d’associations gravitant autour de LREM. En permettant aux adhérant de créer des associations, des « causes » dans le langage macronien, pour des revendications spécifiques, LREM compte agréger de nouveaux électeurs à partir des causes qui les font s’engager. L’idée n’est pas de proposer un programme qui dans son ensemble permette de séduire l’électorat, mais d’aller chercher les électeurs avec les sujets et revendications qui les font s’engager. Si quelqu’un est capable de s’engager bénévolement et de consacrer de son temps pour défendre une cause spécifique, alors il y a fort à parier qu’il glissera dans l’urne le bulletin d’un candidat qui défend la même cause.
Pour 2022, Emmanuel Macron devra donc séduire de nouveaux électeurs, au-delà de son noyau dur électoral. Pour cela il va devoir réussir à limiter l’hémorragie à la fois sur sa gauche et sur sa droite, d’électorats qui souhaitent gagner sous leur propre couleur, en apparaissant comme une sécurité face à des candidats radicaux. Afin de créer une dynamique positive, une galaxie d’associations devrait voir le jour pour mobiliser de nouveaux électeurs et renouer avec ce qui avait fait le succès d’Emmanuel Macron en 2017, la société civile.
Par William Thay, Président du Millénaire
Emeric Guisset, Secrétaire général adjoint du Millénaire
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Crédit photo : Emmanuel Macron par European Parliament sous licence CC BY 2.0
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