Retrouvez l’analyse de William Thay dans Atlantico: « Pourquoi Macron peut s’inquiéter pour 2022 »
Emmanuel Macron a abordé la dernière partie de son quinquennat avec l’objectif d’une réélection à la prochaine élection présidentielle de 2022. Le chef de l’État peut pourtant s’inquiéter d’un échec, alors que les signes apparents devraient normalement le conforter (rentrées ratées des oppositions, manque d’alternatives crédibles). En effet, un sondage IFOP montre très clairement que les Français souhaite voir les Républicains présenter un candidat en 2022, mettant à mal la stratégie du parti présidentiel d’occuper l’espace politique de la droite.
Macron poursuit sa tentative d’annexion
Depuis son élection en mai 2017, Emmanuel Macron a tenté d’annexer l’électorat de droite avec la nomination d’Édouard Philippe. Il prévoyait qu’après avoir réduit le Parti socialiste à un score minimal (6,36% pour Benoit Hamon en 2017), en conquérant 50% des électeurs de François Hollande de 2012, il n’existerait qu’un camp capable de proposer une alternance crédible. La droite républicaine forte du score de François Fillon, pouvait légitiment penser que sa non-qualification au second tour reposait sur non pas l’adéquation de leur projet avec les français, mais le feuilleton judiciaire qui a affaibli son candidat.
Cette tentative s’est concrétisé positivement lors des élections législatives de 2017 ainsi que lors des élections européennes de 2019 qui ont marqué un basculement de l’électorat traditionnel de la droite sur les candidats de la majorité présidentielle. On note une évolution progressive du vote des électeurs de droite sur les candidats LREM. Près de 16% des électeurs de François Fillon du premier tour de l’élection présidentielle de 2017 qui se sont portés sur le candidat LREM aux élections législatives. Tandis qu’environ 30% des électeurs de Fillon de 2017 se sont portés sur la liste de Nathalie Loiseau aux élections européennes de 2019.
Signes d’inquiétudes lors des élections intermédiaires
Si le président de la République réussit à élargir sa base électorale à différents scrutins, il démontre aussi qu’il peut les perdre, révélant ainsi une forte volatilité de cette dernière. Les élections européennes 2019 ont ainsi démontré une première alerte lorsqu’une partie de l’électorat de gauche venu soutenir l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande en 2017 était repartie à gauche vers la liste d’EELV et du PS. Les élections municipales 2020 vont également dans ce sens, puisque l’électorat de droite qui avait soutenu le président de la République en 2019 était retourné vers les listes de droite lors du scrutin local. Ainsi, lorsque les partis de gauche et de droite présentent des candidats adéquats, les électeurs préfèrent gagner sous leur propre couleur que de voter pour un candidat de substitution qui serait celui de la majorité présidentielle.
Le noyau dur électoral d’Emmanuel Macron est ainsi très étroit pour un parti présidentiel. Si le parti au pouvoir enregistre régulièrement des défaites lors des élections intermédiaires, il est cependant inédit que les candidats de la majorité présidentielle subissent une telle déroute. En effet, les candidats LREM ont enregistré des scores très faibles lorsqu’ils se sont présentés sans alliance avec la gauche ou la droite, comme le démontre leurs scores dans les grandes métropoles (17,26% à Paris, 14,92% à Lyon et 7,88% à Marseille) alors qu’il s’agit des municipalités sociologiquement les plus favorables à la politique menée par le Gouvernement. Ces élections municipales, même s’il s’agit du scrutin le plus local, démontrent une tendance posant un deuxième signal d’alerte pour Emmanuel Macron.
Les sondages sont finalement inquiétants
Les sondages régulièrement publiés sur l’élection présidentielle 2022 placent systématiquement Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour. Ces sondages révèlent plusieurs failles malgré les scores affichés. D’une part, les candidats testés exceptés le chef de l’État, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont méconnus des français. Ainsi, dans une enquête IPSOS de juin 2020, plus de 30% des français ne se prononcent pas sur l’action de Xavier Bertrand et plus de 32% sur François Baroin. D’autre part, la situation politique marquée par la succession de crise (Gilets jaunes, réforme des retraites et Covid-19) peut conduire les sondés à exprimer un soutien au Chef de l’État alors que l’échéance est encore lointaine et que les électeurs de gauche et surtout de droite espèrent que le Gouvernement effectuera le plus d’actions possible avant une éventuelle alternance.
Le sondage récent de l’IFOP portant sur l’élection présidentielle 2022 renforce les signaux d’inquiétude pour la tentative de réélection du président de la République. En effet, 68% des français ne souhaitent pas revoir un duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Cette donnée peut être mise en lien avec un sondage du même type réalisé sous le quinquennat précédent qui révélait que 75% des Français ne souhaitaient pas d’un duel entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Plus en détail, le duel de 2017 est uniquement souhaité par les sympathisants du Rassemblement national (82%) tandis que seulement 32% des sympathisants LREM et 18% des sympathisants LR le souhaitent, alors qu’il s’agit du duel le plus favorable pour le président sortant quasiment assuré d’une réélection.
De plus, ce sondage montre que 73% français rejettent la proposition de Christian Estrosi de voir les Républicains se ranger derrière le président de la République en 2022 soulignant sa tentative manquée d’annexer la droite. En effet, cette idée est uniquement acceptée par 8% des sympathisants LR et seuls les sympathisants LREM (67%) y sont majoritairement favorables. La réponse quasi-unanime des sympathisants de droite (92%) démontre la volonté des électeurs à voir une offre politique de cette sensibilité, et l’échec d’Emmanuel Macron à annihiler définitivement les Républicains.
Le manque d’offres politiques conforte pour l’instant Emmanuel Macron dans l’idée de se faire réélire en 2022. Pourtant il existe des signaux d’alerte profonds qui révèlent les faiblesses du président sortant, avec une échéance majeure lors des élections régionales de mars 2021. Lors de la précédente édition, on n’avait pu observer que la victoire annoncée de la droite dans les sondages sur l’élection présidentielle 2017 était loin d’être claire à la lecture des résultats des élections régionales 2015. En effet, ces résultats démontraient que la victoire de la droite était courte par rapport au Parti socialiste pourtant à bout de souffle d’une gestion de François Hollande et qu’il existait un espace politique face à la droite victorieuse avec une gauche alliée au centre. Les élections régionales de 2021 permettront d’identifier précisément le noyau dur électoral du chef de l’État, alors que les sondages placent les listes LREM à un niveau faible. La confirmation de ces sondages hypothéquerait les chances de réélection d’Emmanuel Macron en ouvrant une porte pour les forces politiques en tête du scrutin.
Crédit photo : Emmanuel Macron par Пресс-служба Президента Российской Федерации sous licence CC BY 4.0
J’ai beaucoup apprécié le contenu et le ton des propos de William Thay tenus sur CNews la semaine dernière et je trouve que le 1er article que j’ai lu est tout à fait pertinent.