Aux États-Unis, les administrations changent mais le patriotisme économique demeure. Pour relancer l’économie américaine, le Président Joe Biden va renforcer le «Buy American Act» pour poursuivre la politique économique de Donald Trump. Pendant ce temps, l’Union européenne signe un accord sur les investissements avec la Chine. Face à l’angélisme européen la France doit elle aussi constituer son propre «Buy French Act» et faire de la commande publique un élément de son plan de reconstruction de l’économie.
Angélisme européen
Une fois encore, l’Union européenne se démarque par son manque de pragmatisme dans les relations internationales. Les dirigeants européens ne semblent pas tous avoir pris conscience des modalités de la nouvelle ère économique qui s’est ouverte depuis 2016 avec l’élection de Donald Trump et le Brexit, et qui s’est renforcée avec la crise du Covid-19.
Les recettes monétaristes ne sont plus suffisantes pour reconstruire des pays durement touchés par la crise dans un monde de plus en plus conflictuel. Alors qu’Américains et Chinois ont compris l’intérêt de protéger, voire de sanctuariser leur marché intérieur, les Européens sont toujours incapables de protéger leurs intérêts par l’intermédiaire d’une taxe carbone aux frontières ou d’un «Buy European Act».
Ainsi, Joe Biden a signé un décret afin que les agences fédérales se fournissent encore davantage en produits américains. L’objectif est ici de soutenir et d’accroître les investissements dans les industries manufacturières à la fois dans le cadre de la relance économique, mais aussi dans le cadre de la guerre commerciale avec la Chine. Ce nouveau décret va aussi durcir les critères pour qu’un produit soit considéré comme fabriqué aux États-Unis. Ces mesures illustre un changement de paradigme économique. Désormais, l’État ne doit pas seulement accompagner le marché, il doit mobiliser l’ensemble des leviers disponibles pour soutenir l’initiative de ses acteurs économiques et préserver les emplois sur son sol dans cette compétition pour le leadership mondial.
En finir avec l’immobilisme
Alors que l’Europe est encore à la traîne, la France doit tenir son rang en initiant le mouvement. Les blocages successifs concernant la mise en place de telles mesures protectionnistes à l’échelle européenne ne laissent pas d’autre choix à la France que de commencer à agir en cavalier seul. En France, selon les années, la commande publique représente entre 8 et 15 % du PIB : elle doit être utilisée comme un élément clé de la politique de relance industrielle française. Ainsi, nous devons sortir de la logique du moins disant pour faciliter la mise en place d’un patriotisme économique.
La difficulté d’une telle politique réside dans le fait de s’accorder au droit européen de la concurrence. Pour cela, la France doit conserver un système d’appel d’offre et ne peut pas rendre obligatoire le recours à des entreprises française, mais de nombreux leviers sont mobilisables.
L’enjeu pour l’État est aussi de garantir le maintien des savoir-faire sur le sol national, dont la perte peut-être très coûteuse à posteriori comme dans le cas de l’EPR de Flamanville où la perte de certaines compétences de gestion de projet explique l’essentiel des surcoûts et du retard. Ces moyens détournés pour favoriser l’accès à la commande publique aux entreprises française ont déjà fait leurs preuves. Le cas de la clause dite «Molière», imposant la maîtrise du Français pour travailler sur les chantiers publics a permis, à défaut de trouver un accord européen, de privilégier les travailleurs français aux travailleurs détachés.
Pour transformer la génération sacrifiée en génération de bâtisseurs, nous devons reconstruire notre maillage industriel et pousser nos acteurs économiques à innover. Laisser nos marchés publics aux entreprises chinoises ou américaines lorsqu’il existe des alternatives nationales n’est plus acceptable. Si la France n’a pas réussi à tirer profit de la «mondialisation heureuse», elle ne doit pas être une fois de plus l’idiote utile de la nouvelle ère économique, préférant batailler pour des droits sociaux à l’autre bout du monde plutôt que de protéger ses intérêts et ses travailleurs. Nos partenaires européens finiront par se convertir à ces nouveaux impératifs économiques, la France devra alors être présente pour construire un véritable «Buy European Act».
Par William Thay, Président du Millénaire
Emeric Guisset, Secrétaire général adjoint du Millénaire
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Crédit photo : Emmanuel Macron par European Parliament sous licence CC BY 2.0
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