Alors que les sondages annoncent à nouveau Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, LR pourrait toutefois jouer les troubles fêtes. À condition de trouver un espace politique et d’incarner une alternative à un duel que la majorité des Français ne souhaite pas.
Macron-Le Pen, Le Pen-Macron, peu importe la tournure, le duo agace chez les Républicains. Christian Jacob, président du parti, a même dénoncé dans Le Figaro, un « accord tacite » entre les deux personnalités pour s’affronter en 2022. Sondage après sondage, le président de la République et la cheffe de file du Rassemblement national confortent leur statut de favoris pour l’élection présidentielle. Mais la droite a encore de bonnes raisons d’espérer. « Cette polarisation créé une tension et empêche la recherche d’un consensus face à des menaces extérieures notamment. Un climat intermédiaire peut être perçu comme préférable, c’est tout le discours de Xavier Bertrand », explique ainsi le politologue et sondeur Jérôme Sainte-Marie. « Une candidature de droite avec Xavier Bertrand est une alternative crédible. Il ne faut pas sous-estimer la demande d’unité », abonde le sondeur Frédéric Dabi, directeur adjoint de l’IFOP.
Près de 70% des Français ne veulent pas revivre un second tour Macron-Le Pen en 2022. Mais le meilleur candidat estampillé LR dans les sondages, Xavier Bertrand, ne dépasse pas les 16% d’intentions de vote. « Au vu de la plasticité assez grande de l’électorat, 16% quand le deuxième est à 24% ce n’est pas infranchissable », assure Jérôme Sainte-Marie. Il n’empêche, la droite se relève difficilement de l’échec de 2017 et fait désormais face à un problème de fond, concurrencée par Macron, Le Pen et même Nicolas Dupont-Aignan sur son socle électoral. Selon un sondage Harris Interactive, paru en janvier, à peine plus de la moitié des électeurs de François Fillon se reportent sur le candidat soutenu par LR, quand près d’un quart expriment une intention de vote en faveur de Macron, 10% en faveur Le Pen et presque autant en faveur de Dupont-Aignan. « Pour 2022 le destin de la droite dépendra d’abord de sa capacité à rassembler son camp », résume Frédéric Dabi.
Profiter de la droitisation de l’opinion
Le terreau électoral peut malgré tout sourire aux Républicains. En août dernier, un sondage IFOP montrait la droitisation de l’électorat. « Les sujets qui intéressent ont pour beaucoup été amenés par la droite. Elle semble avoir gagné la bataille des idées », explique Frédéric Dabi. L’insécurité, l’immigration ou encore l’islamisme inquiètent. Mais c’est le Rassemblement national qui émerge dans le traitement de ces sujets. « Marine Le Pen parle beaucoup de l’immigration, pour exister LR doit axer sa campagne sur des réponses fortes en termes de sécurité publique comme l’augmentation des moyens et des effectifs pour la police, une réforme de la Justice pour qu’elle soit plus ferme », explique William Thay, directeur du think tank Le Millénaire, un club de réflexion indépendant ayant pour objectif de proposer des politiques publiques innovantes.
De son côté, le député LR Damien Abad appelle son parti à écouter l’opinion « qui veut que l’on soit vraiment de droite », en insistant notamment sur la mise en place de quotas d’immigration et une limitation du regroupement familial. Si les Républicains reconnaissent qu’ils payent toujours le mandat de Nicolas Sarkozy, où les actions n’ont pas suffisamment suivi les discours, la droite a le mérite de bénéficier d’un ancrage territorial et local qui lui donne une forte crédibilité sur le terrain, d’après Virginie Duby-Muller, députée et vice-présidente LR : « Nous avons de bons résultats dans la gestion de la sécurité dans un certain nombre de communes, il faut la valoriser davantage. Montrer que nous sommes capables de mettre en pratique nos discours. »
Concurrencer le RN auprès des classes populaires
Dans la polarisation de l’électorat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le politologue et sondeur Jérôme Sainte-Marie constate également un retour de la lutte des classes. Le bloc bourgeois pour Emmanuel Macron, les classes populaires pour Marine Le Pen. Pour William Thay, il s’agit donc pour LR de « cibler un électorat majoritaire » et d’« aller chercher la grosse classe du milieu, les employés intermédiaires, les actifs, pour répondre à cette lutte des classes ». Mais, alors que la Covid-19 provoque une crise économique et sociale dramatique qui s’annonce durable, les classes populaires victimes de la mondialisation et du chômage se tournent vers le vote lepeniste. Pour Virginie Duby-Muller, LR peut reconquérir cet électorat « en étant sensible aux questions de souveraineté, aux aspects négatifs de la mondialisation, en prônant la réindustrialisation de notre pays, en s’investissant sur différents sujets industriels comme le projet Hercule d’EDF ».
Une des stratégies possibles pour atteindre le second tour est d’incarner une substitution à Marine Le Pen en jouant sur l’anti-macronisme
Le rejet que suscite le président Macron au sein de l’opinion profite pour l’instant à Marine Le Pen, perçue comme la mieux placée pour le battre en 2022. « Une des stratégies possibles pour atteindre le second tour est d’incarner une substitution à Marine Le Pen en jouant sur l’anti-macronisme, car cette dernière est loin d’être une candidature sûre pour le battre », juge ainsi William Thay. Mais les Républicains ne doivent pas trop investir le champ d’une politique sociale coûteuse pour jouer l’opposition avec le président de la République, explique le politologue et sondeur Jérôme Sainte-Marie : « Avoir une politique trop sociale serait problématique. LR a un électorat constitué de beaucoup de retraités, d’épargnants avec du patrimoine, payant plus d’impôts que les autres et inquiets du déficit car ils sont les premiers concernés par le remboursement de la dette. »
Mais surtout cibler l’électorat de droite parti chez Macron
Selon Jérôme Sainte-Marie, la droite ne trouvera pas son réservoir électoral manquant dans les classes populaires, « maintenant très durablement structuré par le vote RN ». « La meilleure option pour LR serait plutôt de chercher à ramener vers eux ceux partis chez Macron, les gros changement de popularité d’Emmanuel Macron dépendent des allers-retours des électeurs de droite », analyse-t-il. Plutôt que d’apparaître comme un parti très contestataire, il serait alors plus prudent « de présenter un candidat de remplacement à Emmanuel Macron ». Notamment auprès des forces les plus dynamiques économiquement, cadres et entrepreneurs en tête. Une part de la population séduite par l’image de réformateur de Macron. « Dans les esprits il fait des réformes que même la droite n’avait pas osé faire », rappelle Frédéric Dabi. Reste alors à LR à insister sur les promesses non tenues. « Ils doivent attaquer sur les réformes de l’Etat, de notre système de santé », insiste William Thay. D’autant que le libéralisme promu par Macron a du plomb dans l’aile, remarque le député LR Julien Aubert : « On se retrouve avec une dette colossale et un abandon total de la liberté. Avec une société qui interdit, un Etat qui vous dit avec qui fêter Noël. »
Un manque d’incarnation
Si l’espace politique existe entre Le Pen et Macron, LR ne pourra l’occuper qu’une fois son candidat investi. « Notre retard est surtout le résultat d’une absence d’incarnation », déplore Julien Aubert. Mais quel serait le meilleur choix ? Xavier Bertrand qui mise sur le social et la proximité ? Valérie Pécresse à l’image plus libérale ? Bruno Retailleau sur une ligne plus conservatrice ? « Parmi les candidats potentiels, pour l’instant aucun ne peut gagner. Ils répondent chacun à une partie de ce que demande l’opinion. Bertrand est sur la protection mais oublie le régalien et l’identité. Retailleau, hormis sur les questions de sociétés, on a du mal à savoir où il veut emmener le pays. Et Lisnard comme Pécresse ne traitent pas suffisamment les désirs de protection », juge sévèrement William Thay. C’est finalement l’ancien président des Républicains Laurent Wauquiez,, qui aurait la meilleure offre politique. « C’est celui qui a le mieux analysé les désirs des Français sur l’économie, les questions de société », assure le patron du Millénaire.
Jérôme Sainte-Marie ne dit pas le contraire et pense même que les Républicains, menés par Laurent Wauquiez, pourraient s’inspirer de la stratégie du Premier ministre britannique Boris Johnson : « Laurent Wauquiez peut incarner une politique très innovante en utilisant le fait que LR est un parti d’élus, d’anciens ministres, crédibles, comme Boris Johnson avec le Parti conservateur. Faire du populisme en partant du parti le moins populiste. » Plus fidèle aux sondages, Frédéric Dabi rappelle que Xavier Bertrand apparaît pour l’instant comme la meilleure option. En attendant, à gauche, aucun candidat ne dépasse les 11% sans alliances. Alors, malgré les doutes qui pèsent sur la ligne politique et le candidat des LR, le parti reste le mieux placé pour incarner une alternative à l’affrontement Macron-Le Pen. À moins qu’une autre candidature ne vienne tout remettre en question.
Crédit photo : Emmanuel Macron par European Parliament sous licence CC BY 2.0
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