Il y a près de 30 ans, le 5 décembre 1995, la France de Jacques Chirac et Alain Juppé annonce une première fois la réintégration de la France au sein du Conseil des ministres et du Comité militaire de l’OTAN. Deux conditions sont posées : parvenir à un partage équitable des responsabilités, c’est-à-dire des commandements, entre Américains et Européens (1) ; puis obtenir des autres partenaires européens le lancement d’une politique européenne de sécurité et de défense dans le cadre de l’Alliance (2). Stoppée par Lionel Jospin en 1997, la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN sera effective en 2007 sous Nicolas Sarkozy alors même que les deux conditions ne seront pas remplies, contribuant à la vassalisation de facto de nos armées d’un point de vue opérationnel.
Le 3 septembre dernier, le monde a été témoin d’un défilé militaire chinois spectaculaire, démontrant une armée en ordre de bataille et équipée de systèmes d’armes de dernière génération, prêts à être engagés en cas de conflit. Cette démonstration publique ne laisse guère de doute : la Chine consolide sa position stratégique et technologique, et se prépare activement à affronter des rivaux potentiels.
Cette mise en scène intervient dans un contexte international particulièrement tendu. La guerre en Ukraine illustre l’évolution rapide des armées dans un environnement opérationnel réel. L’armée russe, longtemps considérée comme en déclin, a su tirer des enseignements de ses combats, améliorer progressivement ses systèmes d’armes, développer de nouvelles capacités — notamment dans le domaine des drones et de la guerre électronique — et perfectionner ses innovations tactiques. Les unités spécialisées, telles que le régiment de dronistes « Rubicon », montrent la montée en compétence des forces sur le terrain. Parallèlement, le désengagement américain progressif en Europe accentue la responsabilité des États européens dans leur propre défense, laissant le continent dans une position où il ne peut plus se reposer sur un protecteur extérieur.
Face à ces menaces, de nombreux pays européens ont pris conscience de la nécessité de renforcer leurs capacités militaires. On assiste depuis plusieurs années à une augmentation significative des budgets de défense à travers le continent, avec des hausses substantielles destinées à moderniser les armées, développer de nouvelles technologies et améliorer la préparation opérationnelle. Cette dynamique traduit une volonté d’accroître la capacité opérationnelle des forces européennes, sans acter pour autant une rupture franche avec les Etats-Unis (dont l’équipement est encore largement demandé par de nombreuses nations européennes).
La France conserve, pour ce qui la concerne un modèle d’armée complet, avec comme pierre angulaire sa capacité de dissuasion nucléaire. Toutefois, sa spécificité géostratégique — posséder à la fois des territoires d’outre-mer et une assise continentale — impose de maintenir un niveau d’excellence dans tous les domaines : armée de terre, aviation, forces navales, cyberdéfense et dissuasion nucléaire. Contrairement à d’autres pays européens qui peuvent arbitrer entre armées et privilégier certaines capacités — l’Allemagne au profit de l’armée de terre, le Royaume-Uni au profit de la marine — la France ne peut se permettre de sacrifier une dimension stratégique au bénéfice d’une autre.
C’est dans ce cadre exigeant que s’inscrit l’analyse présentée dans cette note. Identifier les secteurs où l’armée française accuse un retard, comprendre les enjeux technologiques et opérationnels et proposer des pistes de modernisation sont des impératifs pour garantir que notre pays conserve une capacité de défense complète et adaptée aux menaces contemporaines et futures.
Par Adrien Perrier, Analyste du Millénaire
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Crédit photo : Photo gratuite de aéroporté, armed, armée, armes, armes à feu, camouflage, casque, de Art Guzman, via Pexels, sous licence Public Domain.

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