Dépenses superflues : 20 milliards à portée de main

Alors que l’agence Fitch Ratings vient de dégrader la note de la dette souveraine de la France, en la classant dans la liste des « simples A », et que notre pays s’enfonce un peu plus dans la crise politique, la situation des finances publiques est critique et appelle une réponse vigoureuse.

En effet, depuis 2017, 1 100 Md€ de dettes supplémentaires ont été créées. La dette publique française s’élève à 3 305 Md€ en 2024, soit 113% du produit intérieur brut (PIB), selon les données de la direction du Budget[1], et 3 345 Md€ et 114,1% selon Eurostat[2]. La France dispose du plus important niveau de dette et du troisième rapporté au PIB, derrière la Grèce (152,5% du PIB) et l’Italie (137,9%), en Europe. Cette situation interpelle d’autant plus que la France se situait au niveau de l’Allemagne (environ 60% de dette publique sur le PIB) avant le début de la crise des subprimes en 2008, et que celle-ci affiche aujourd’hui un taux d’endettement de 62,3% du PIB.

Par ailleurs, la France ne parvient pas à limiter cet endettement puisque le solde entre les dépenses et les recettes des administrations publiques atteint -169 Md€ en 2024, soit -5,8% du PIB, alors que le pays n’est pas en récession et que les crises majeures des dernières années (Covid, inflation) sont terminées. Certes, ce solde est meilleur que celui escompté un temps (-6,1%) mais il n’en demeure pas moins largement au-dessus de la moyenne de la zone euro (-3,1%), de l’Allemagne (-2,8%) ou de l’Italie (-3,4%). Le déficit français doit atteindre 5,4% en 2025 puis finalement 3% en 2029 selon le plan structurel et budgétaire à moyen terme (PSMT) présenté par le Gouvernement Barnier à la Commission européenne en octobre 2024[3]. Ce ratio de 3% devrait permettre à la France de respecter les règles du nouveau cadre budgétaire européen et de stabiliser sa dette en pourcentage de sa richesse nationale. Mais la fragmentation de l’Assemblée nationale rend l’atteinte de cet objectif plus qu’incertain.

Enfin, la criticité de la situation budgétaire et financière de la France fait peser un risque sur le financement des investissements d’avenir nécessaires au redressement de la productivité et au soutien à l’innovation. Une dette en « perte de contrôle »[4] n’incite pas les marchés financiers à acheter de la dette française, d’autant plus que la situation italienne s’améliore – les spreads de taux se sont d’ailleurs récemment resserrés – et que le Gouvernement du chancelier Merz a prévu des investissements importants qui se traduiront par une hausse de la dette allemande à court-moyen terme. Compte tenu de cette situation, la charge annuelle de la dette devrait connaître une hausse progressive dans les prochaines années. Si elle atteindra 67 Md€ en 2025, elle devrait dépasser les 100 Md€ d’ici 2029, devenant ainsi le premier poste de dépenses de l’État devant l’Éducation nationale et les Armées.

Dès lors, un redressement financier doit être immédiatement engagé pour éviter le déclin financier de la France. Une telle politique peut être menée de trois manières différentes. En premier lieu, stimuler la croissance économique permet de créer de la richesse et d’augmenter mécaniquement les recettes publiques. Avoir une croissance économique élevée permet aussi de garantir la soutenabilité de la dette publique à plus long terme, en application de l’écart entre le taux d’intérêt (r) et la croissance de l’activité économique (g). Cependant, retrouver le chemin d’une croissance soutenue[5] est long et complexe et suppose, en outre, de mener des réformes structurelles.

En second lieu, il est possible d’augmenter les prélèvements obligatoires sur les ménages et les entreprises. Selon l’Insee, le taux des prélèvements obligatoires s’élève à 42,8% du PIB en 2024[6], soit 1 251 Md€, contre 43,2% en 2023. Adoptant une méthode quelque peu différente, Eurostat estime quant à lui que le taux de prélèvements obligatoires français était de 45,6% du PIB en 2023, soit le taux le plus élevé de l’Union européenne (UE), devant la Belgique (44,8%). La moyenne de l’UE se situe à 40% et l’Allemagne est à 40,3%. Augmenter encore les prélèvements obligatoires risque donc, en application du fameux théorème de Laffer selon lequel « trop d’impôts tue l’impôt », d’affaiblir la compétitivité des entreprises françaises, de limiter le pouvoir d’achat des ménages et de favoriser le départ des grandes fortunes. Au total, la hausse des prélèvements obligatoires ralentira l’investissement, fragilisera la croissance et n’augmentera pas les recettes publiques.

Enfin, le troisième et dernier moyen de réduire le déficit public est de réduire les dépenses publiques. Selon Eurostat[7], la France est le pays qui a le taux de dépenses publiques le plus élevée au sein de l’UE (57,1% en 2024), derrière la Finlande (57,6%), alors que la qualité des services publics ne justifie pas un tel niveau de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires. Le taux allemand est de 49,5% du PIB, soit légèrement au-dessus de la moyenne de l’UE (49,2%). La réduction des dépenses publiques semble ainsi une solution à privilégier pour réduire le déficit public et restaurer nos comptes.

Cette note se propose donc de présenter plusieurs pistes d’économies chiffrées en supprimant des dépenses superflues ainsi que quelques révisions mineures de politiques publiques pour un ciblage plus fin de ces dispositifs. Elle vise les trois sous-ensembles d’administrations publiques, mais s’attache surtout à l’État et aux organismes divers d’administration centrale. En effet, le redressement des comptes des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales supposent de véritables réformes structurelles (instauration d’une dose de capitalisation dans le système de retraite ou nouvel acte de décentralisation par exemple), dont il n’appartient pas à la présente note de connaître.

Par  Udo Le Quéau, Expert du Millénaire

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Crédit photo : ministère de l’Économie et des Finances, via Flickr sous licence CC BY 2.0

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