« Après avoir beaucoup prié et réfléchi, j’ai décidé de suspendre ma campagne pour la présidence à compter d’aujourd’hui », c’est en ces termes que Mike Pence s’est exprimé pour annoncer son retrait de la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024. Pence devient ainsi le premier candidat sérieux à se retirer d’une primaire dominée par l’ex-président Donald Trump. Ce retrait montre la victoire idéologique de Trump au sein du parti Républicain et pourrait avoir de grandes implications en vue de 2024.
Mike Pence, ses idées et les raisons de son retrait
Pence est connu comme un Républicain conservateur, appartenant à l’aile traditionnaliste du parti républicain. Il est un fervent défenseur d’un gouvernement fédéral à taille limitée, du libéralisme économique et surtout des valeurs traditionnelles. Ce catholique pratiquant est ainsi un soutien de poids du mouvement « pro-life ». Il fut un temps très proche de Donald Trump, dont il était le vice-président entre 2017 et 2021 mais il s’est progressivement désolidarisé de son ancien mentor, devenant un de ses principaux détracteurs. Leur différent provient de la défaite de 2020, quand Trump a fait pression sur son vice-président pour retourner les résultats de l’élection.
Le retrait de Pence peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs, notamment son incapacité à décoller dans les sondages d’opinion ou le manque de soutiens politiques et financiers. Dans les derniers sondages, Pence n’était le choix privilégié que de moins de 5% des électeurs républicains, bien loin des quasi 60% de l’ancien locataire de la maison blanche ou du score potentiel de Ron DeSantis, dans les dernières semaines il s’est même fait dépasser par Vivek Ramaswamy qui n’a pourtant jamais occupé de mandat électif. Ces mauvais sondages faisaient penser qu’il ne pourrait pas se qualifier pour le prochain débat télévisé du 8 novembre. De même il rencontrait de gros problèmes pour lever des fonds pour sa campagne, au deuxième trimestre 2023 il n’a récolté que 2,5 millions de dollars, loin des 100 millions de Trump.
Ce que son retrait nous dit de la course à l’investiture républicaine
Ce nouveau retrait d’un candidat républicain, après ceux de Larry Elder ou Perry Johnson la semaine dernière, ouvre encore plus la voie à une investiture de Trump. En effet, l’ancien président ne s’est jamais aussi bien porté dans les sondages alors que nous ne sommes qu’à un peu plus de deux mois du caucus de l’Iowa, premier rendez-vous de cette primaire républicaine. Ses récents ennuis judiciaires ne semblent pas le desservir et aucun des candidats à la primaire ne semble en mesure de l’inquiéter. Ron DeSantis, actuel gouverneur de Floride, que certains présentaient comme le principal rival de Trump ne fait que baisser dans les sondages depuis qu’il est entré dans la course à l’investiture républicaine. Mike Pence souhaitait incarner une opposition cohérente à Trump, mais il a perdu son pari et a échoué à faire de l’ombre à son ancien mentor. Ainsi l’ancien président est vu comme tout puissant et on ne voit pas comment il pourrait ne pas représenter le parti Républicain en novembre 2024, sauf si la justice l’en empêche…
En temps normal, un ancien vice-président ne devrait pas se retrouver aussi bas dans les sondages et devrait constituer une option viable et cohérente lors d’une primaire. Pourtant c’est bien par manque de popularité que Pence a dû renoncer à la course pour l’investiture, comme d’autres avant lui. Cela montre que l’aile traditionnelle du parti s’est fait dépasser par Donald Trump dans l’opinion. Alors qu’on le disait ostracisé au sein du Grand Old Party, l’ancien président a renversé la tendance pour prendre le dessus sur ses détracteurs. Le candidat « anti-establishment » a appliqué sa recette classique de la conquête avec un modèle bonapartiste d’utiliser la pression populaire pour l’imposer aux caciques du partis. Il force ainsi les ténors du parti à choisir sa popularité, ses chances de succès dans le prochain scrutin. Ainsi, la plupart des candidats se retirant de la course à l’investiture républicaine choisissent de soutenir Trump, preuve qu’au sein même du parti il a réussi à s’imposer.
Ce que cela présage pour la campagne présidentielle
Dans l’immédiat ce retrait ne change rien pour la campagne présidentielle. Pour autant ce nouvel abandon rend de plus en plus probable la victoire de Trump à la primaire et ainsi les Démocrates vont être en mesure de se mettre en ordre de bataille. Alors qu’il y a encore quelques mois on pouvait penser à une opposition interne à Trump au sein du GOP, cette option n’est plus à l’ordre du jour et l’ennemi est maintenant clairement identifié. Les Démocrates vont ainsi pouvoir intensifier leur campagne contre l’ancien président en vue de l’élection, surtout que Biden n’a maintenant plus de rival de poids dans son propre camp après le retrait de Robert Kennedy qui a préféré se présenter comme indépendant. Biden va ainsi pouvoir entrer en campagne plus rapidement que prévu, avec l’ensemble du camp démocrate derrière lui, ce qui constitue une véritable aubaine pour ainsi « finir le travail » face à Trump en 2024.
Sans trop s’avancer nous pouvons dire que la campagne présidentielle qui s’annonce ne ressemblera à aucune autre. Nous avons deux candidats qui apparaissent comme hors-norme : Robert Kennedy Jr, célèbre pour ses prises de position originales et qualifiées de complotistes et la probable candidature de Donald Trump, le candidat antisystème par excellence. Le triomphe de ce dernier, ne laisse plus maintenant qu’à l’establishment des républicains plus d’autre choix que de soutenir leur meilleur ennemi. L’ancien président va maintenant devoir rassembler les électeurs républicains et les cadres du parti. Dans cette optique le choix de son futur colistier sera importante. En effet, la victoire de Trump à la primaire est maintenant quasiment actée, et il faut maintenant se pencher sur la campagne présidentielle à venir.
La stratégie de Donald Trump a été victorieuse pour s’imposer dans son propre camp, cependant, le plus dur reste à faire dans la mesure où il doit surmonter ses ennuis judiciaires et convaincre au-delà de sa base électorale pour espérer l’emporter face à Biden. Il sera intéressant d’évoluer les prises de positions de l’ancien président pour voir s’il arrive à mettre en place une nouvelle révolution électorale après celle victorieuse de 2016.
Pierre Clairé, Directeur adjoint des Etudes du Millénaire
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Crédit photo : Donald Trump & Mike Pence, sous licence Flinckr.
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