La coalition de droite pourrait obtenir une majorité absolue des sièges, ce qui permettrait à Meloni de devenir la première femme Présidente du Conseil des ministres italien. La possible élection d’une Première ministre issue d’un parti néofasciste, près de 70 ans après la mort de Benito Mussolini, peut surprendre.
Ainsi, à quelques jours du scrutin du 25 septembre, il est légitime de se demander si Meloni peut réellement l’emporter et quels sont les ressorts de son succès.
En tête des sondages et bénéficiant de la coalition de droite
En quelques années, le parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni est passé du statut de mouvement marginal ne comptant que quelques parlementaires à la première force politique du pays selon les sondeurs. Lors des élections générales de 2013, le parti ne récolta qu’à peine 2% des voix, en 2018 un peu plus de 4% mais les sondeurs italiens nous prédisent donc que le 25 septembre, près d’un quart des votants choisiront Meloni et FdI.
Fratelli d’Italia est crédité d’un score oscillant entre 23 et 25% et devrait donc arriver en tête de l’élection dimanche. D’autres enseignements peuvent en outre être tirés des nombreux sondages sortis depuis le début de l’année. Le Partito Democratico d’Enrico Letta, parti de centre gauche, arriverait en deuxième position et est crédité de 20 à 23% des suffrages. Suivent la Lega de Matteo Salvini avec entre 12 et 15% des intentions de vote, le Mouvement 5 Étoiles (M5S) crédité de 11/12% des voix et Silvio Berlusconi avec Forza Italia placé entre 7 et 9%.
Ainsi, sauf retournement de situation inattendu, Giorgia Meloni va se retrouver à la tête de la première force politique du pays au soir du 25 septembre. La probable forte abstention ainsi que le mode de scrutin mixte ne sont pas les seuls éléments jouant en la faveur de Meloni. Depuis les années 1960, il est impossible pour un seul parti de gouverner en Italie et les leaders politiques se doivent de former des coalitions afin d’arriver à leurs fins. Le 27 juillet, les différents partis de droite ont décidé de renouveler leur coalition alors que les partis de gauche peinent à s’entendre. Les leaders des trois partis de droite ont déclaré que le chef de file du parti arrivé en tête serait leur candidat naturel au poste de Président du Conseil. Ainsi, en plus d’être créditée de presque 50% des voix, ce qui correspondrait à près de 60% des sièges, la droite apparaît comme la mieux placée pour former le prochain gouvernement et donc diriger le pays seule. Tout cela pourrait profiter à Meloni, dont le mouvement est désormais la figure de proue de la droite italienne et dont la supériorité semble acceptée par Salvini et Berlusconi.
Un contexte italien particulier
Le premier vecteur du succès de Giorgia Meloni repose sur le contexte politique particulier italien. En effet, son parti Fratelli d’Italia a été le seul à ne pas participer à la coalition gouvernementale d’union nationale. Cette situation spécifique a permis à Giorgia Meloni de s’imposer comme principale opposante à Mario Draghi, et explique son ascension rapide comme favorite. Alors que la place de parti contestataire était occupée avant 2021 à droite par la Lega de Matteo Salvini et à gauche par le Mouvement 5 étoiles, le fait que ces deux partis rejoignent la coalition d’union nationale a propulsé le parti de Giorgia Meloni sur le devant de la scène. Fratelli d’Italia est alors devenu l’unique parti perçu comme véritablement anti-système et contestataire et a hérité d’une manne électorale inattendue.
La reconduction d’un gouvernement d’union nationale serait l’un des seuls scénarios permettant de bloquer la route à Giorgia Meloni si son parti arrive en tête dimanche soir. Pourtant, ce dernier semble très improbable, tant les rancœurs entre les différents leaders politiques rendaient toute entente impossible il y a quelques semaines. En effet, après le vote de confiance remporté de justesse par Mario Draghi le 14 juillet, Matteo Salvini et Silvio Berlusconi ont déclaré ne plus vouloir faire partie d’une coalition impliquant le Mouvement 5 Étoiles. De son côté, Giuseppe Conte du M5S critiquait la politique gouvernementale sur l’Ukraine depuis plusieurs semaines et avait été le premier à déclarer ne pas vouloir voter la confiance.
Les clés du succès Meloni
Le succès de Meloni s’explique donc par son positionnement anti-système et contestataire qu’elle est parvenue à décliner de façon programmatique. Nous pouvons ainsi identifier quatre lignes de force de son programme : Économiquement convertie aux thèses libérales, elle souhaite une baisse très importante des impôts afin de redynamiser l’économie et rendre leur argent aux Italiens. Ce positionnement économique s’accompagne d’un fort euroscepticisme, puisqu’elle considère que l’Europe entrave l’Italie et que la solidarité européenne présentée en théorie n’est pas au rendez-vous dans les faits. Elle souhaite ainsi renégocier les règles budgétaires en vigueur au sein de l’UE, et compte utiliser l’argent issu du fonds de relance comme elle le souhaite pour aider la population italienne. La troisième caractéristique programmatique est son positionnement anti-immigration assumé. Meloni se montre extrêmement dure et demande la fin de l’immigration de masse en Italie. Elle critique ouvertement l’islamisation de l’Italie et de l’Europe et se montre favorable à la fermeture des ports italiens aux bateaux déposant des migrants. Finalement, c’est sur le volet sociétal que Giorgia Meloni s’illustre, en revendiquant la défense des valeurs traditionnelles et de la civilisation européenne, qui ont fait l’Italie. Elle estime que ces valeurs sont actuellement en danger et défend donc depuis plusieurs années une société conservatrice.
Mais au-delà des axes programmatiques et du positionnement stratégique, c’est l’équation personnelle singulière de Giorgia Meloni qui explique aussi son succès. Meloni est originaire du quartier populaire de la Garbatella dans le sud de Rome, et cette origine modeste est importante dans un contexte de défiance à l’égard des politiques. En effet, ceci lui permet de paraître proche des classes populaires et de leurs préoccupations sachant qu’elle a vécu les mêmes problèmes. Ainsi lorsqu’elle évoque les sujets d’immigration ou de pouvoir d’achat, elle semble plus sincère que la plupart des politiques italiens accusés de déconnexion, et trouve les axes pour faire les liens entre ces phénomènes macroscopiques et le quotidien des Italiens.
Finalement, c’est la rencontre d’un contexte politique inédit, d’un programme résolument antisystème et contestataire et l’équation personnelle de la leader d’extrême droite qui devrait faire de Giorgia Meloni la future patronne de l’Italie.
Pierre Clairé est spécialiste des questions européennes, diplômé du Collège d’Europe et Directeur adjoint des Études du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques
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Crédit Photo : Giorgia Meloni, via WikimediaCommons sous licence Public Domain
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