Pierre Clairé pour Atlantico : « Qui pour succéder à Boris Johnson ? »

Deux personnalités politiques sont encore en course pour la succession de Boris Johnson à la tête du Parti conservateur : l’ancien Chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak, et l’actuelle Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement, Liz Truss.

Le 7 juillet dernier, après les démissions de nombreux membres de son gouvernement, Boris Johnson a annoncé quitter la tête du parti conservateur déclarant ainsi ouverte sa succession. Une crise politique sans précédent faisait rage au Royaume-Uni depuis novembre dernier et les révélations du Daily Mirror sur le «Partygate», le Premier Ministre a fini par en payer le prix fort et par être poussé vers la sortie. S’il n’est pas encore temps de dresser un bilan des 3 années de Johnson au 10 Downing Street, puisqu’il restera Premier Ministre jusqu’à la désignation de son successeur, il est opportun de dresser le portrait des candidats à la tête du parti conservateur. 

Les origines de la crise politique

Les scandales à répétition ont finalement eu raison de l’ancien Maire de Londres. Depuis le milieu de l’année 2021, Boris Johnson était relativement critiqué par les citoyens britanniques et devait faire face à une fronde des membres de son parti. Aux scandales de lobbying et de fêtes organisées en plein confinement, est venu s’ajouter les défaites électorales. Malgré tout, Boris Johnson était parvenu à sauver son mandat avec un vote de confiance remporté de justesse en juin. Son autorité tout de même grandement entamée, et le scandale Chris Pincher, député conservateur accusé d’attouchements sexuels, a installé Boris Johnson dans une crise politique sans fin. Ainsi le 5 juillet, 2 ministres (Sajid Javid et Rishi Sunak) ont choisi de démissionner. Puis, ils ont été suivis par 60 autres personnes en deux jours. Le 7 juillet, Boris Johnson a annoncé lors d’une allocution télévisée démissionner de son poste de chef du Parti Conservateur, mais rester Premier Ministre jusqu’à ce qu’un nouveau leader soit désigné, le 5 septembre prochain. 

Alors que 8 candidats ont été désignés pour être candidat à la succession de Johnson, après plusieurs votes des députés conservateurs, ils ne sont désormais plus que deux candidats encore en course. Il a donc fallu cinq tours pour déterminer l’identité des deux finalistes et ainsi mettre fin au suspense. C’est maintenant les membres du parti qui sont appelés à choisir qui succédera à Boris Johnson au 10 Downing Street dans un vote postal organisé entre le 22 juillet et le 2 septembre. Un débat entre les finalistes a déjà eu lieu depuis le vote des députés, et un second se tiendra avant l’annonce des résultats.

La bataille finale

Ils ne sont donc plus que deux pouvant espérer succéder à Boris Johnson à la tête du parti conservateur : l’ancien Chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak, et l’actuelle Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement, Liz Truss. Tout oppose ces deux étoiles montantes du parti conservateur britannique, de leurs origines sociales à leurs choix respectifs lors du référendum sur le Brexit.

La favorite des sondages est Liz Truss, proche de Boris Johnson, elle viscéralement opposée à Rishi Sunak et à sa ligne jugée plus centriste. Elle est opposée aux hausses d’impôts et est persuadée que le salut économique de la Grande Bretagne passe par des baisses drastiques de ceux-ci (une critique à peine camouflée de son opposant, accusé d’avoir augmenté les taxes pour atteindre un niveau historiquement haut dans le pays et d’avoir mal négocié l’arrivée de l’inflation). Alors qu’elle était méconnue du grand public il y a 5 ans, elle s’est fait connaître en occupant le devant de la scène lors de négociations avec le gouvernement français sur les quotas de pêche, avec les problèmes liés à l’accord sur l’Irlande du Nord ou lors de la signature de Traités de libre-échange. 

Rishi Sunak est quant à lui une figure plus connue du grand public, qui a fait campagne pour le « leave » lors du référendum de 2016 et a occupé le très médiatique poste de Chancelier de l’Échiquier entre 2020 et 2022. Il aime rappeler que son opposante voulait rester au sein de l’Union Européenne en 2016 mais ses origines aisées et le fait qu’il soit l’un des hommes les plus riches du royaume depuis son mariage avec une héritière jouent clairement en sa défaveur. Lors du vote des députés conservateurs, lui qui a rassemblé le plus de voix. Il est de plus décrit comme un futur Premier Ministre depuis plusieurs années en raison de sa popularité et son imaged’expert des questions économiques. Pourtant sa côte de popularité n’a fait que chuter depuis la fin de l’année dernière, et même s’il est à l’origine de la chute de Boris Johnson il continue à patiner dans les sondages.

Quel dénouement ?

La plus grande popularité de Truss chez les votants du parti conservateur tranche avec le clair avantage de Sunak dans les enquêtes d’opinion s’étendant à tous les votants. Ce décalage est peut-être la meilleure carte à jouer pour Rishi Sunak, car le parti Travailliste de Keir Starmer est donné vainqueur lors des élections de 2024 et il représente actuellement la meilleure chance des Conservateurs de conserver le 10 Downing Street. En effet, Liz Truss perçue comme plus clivante et plus à droite, effectuerait un score moins important que son rival aux élections de 2024. 

Alors qu’après le départ de Jeremy Corbyn, le parti Travailliste était en ruines, il est aujourd’hui le mieux placé pour l’emporter face à des Conservateurs usés par de nombreux scandales et par les crises. À l’heure actuelle, Rishi Sunak représente la meilleure chance pour les Tories de l’emporter à nouveau et déjouer les sondages. Son opposition à Boris Johnson, fait de lui le meilleur candidat pour tourner la page des scandales et se racheter auprès de l’opinion. Pour autant il ne faut pas enterrer Liz Truss trop vite, celle-ci jouit d’une grande popularité auprès des membres du parti conservateur grâce à son discours contre les impôts et pour le libre-échange (au profit de la Grande Bretagne bien évidemment). Les résultats de ce vote interne seront connus le 5 septembre et pour le moment Truss est créditée de plus de 50% des intentions de vote. 

Finalement, sur la politique étrangère et les relations avec l’Union Européenne, les deux opposants se rejoignent. Sunak était un fervent défenseur du « leave » en 2016 et ses choix comme Chancelier de l’Échiquier ne laissent pas penser qu’il pourrait se montrer conciliant avec l’UE à l’avenir. Liz Truss est ce que l’on pourrait qualifier de repentie, elle a bien voté pour le « remain » en 2016 mais a clairement changé d’avis. Elle est aujourd’hui vue par le public comme la négociatrice en chef des Accords Bilatéraux et comme une défenseuse zélée de l’exception britannique. En définitive, c’est l’héritage politique de Boris Johnson acteur majeur du Brexit qui est en jeu lors de cette élection pour le leadership du parti conservateur. 

Pierre Clairé, directeur adjoint des études du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques et diplômé du Collège d’Europe.

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Crédit Photo : Parlement Britannique, par Citizen59 via Flirck sous licence CC BY-SA 2.0

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