Les émeutes de ces dernières nuits constituent la pire crise pour le président de la République. Alors qu’il en a affronté de nombreuses, des crises, durant ses six années à l’Elysée ! Emmanuel Macron se retrouve pour la première fois confronté aux jeunes des quartiers. Seulement, son logiciel politique de la « Silicon Valley française » favorable aux quartiers est totalement dépassé par les récents événements. Ici, le « en même temps » est impossible.
Le président des crises
Emmanuel Macron est un habitué des crises depuis 2017. Seulement, si certaines ne lui sont pas imputables (crise sanitaire, guerre en Ukraine), d’autres ont été provoquées par son action politique (loi Travail, affaire Benalla, gilets jaunes, réforme des retraites, passe sanitaire). Cette succession de crises qui ont paralysé le pays est liée à deux phénomènes.
D’une part, les Français ont élu un président à contre-courant de l’histoire dont le projet social-libéral centré sur la mondialisation heureuse est aux antipodes de la seconde révolution conservatrice menée par Donald Trump et Boris Johnson dans les pays anglo-saxons. D’autre part, son incapacité à maintenir le pays uni en s’appuyant sur les corps intermédiaires a donné la sensation d’un décalage s’accentuant entre le président et le corps social.
La nomination d’Élisabeth Borne a accentué les crises. En choisissant une personnalité de son camp pour Matignon, il visait à ancrer le macronisme comme offre politique pérenne indépendante du centre droit et du centre gauche. Seulement, le projet du président Macron est minoritaire dans le pays au regard du premier tour de la présidentielle et des législatives. Cette situation politique est intenable et consubstantielle à de nouvelles crises : le deuxième quinquennat semblait mort-né avec le blocage sur la réforme des retraites, alors qu’il s’apprête à affronter les banlieues.
La pire crise car le « en même temps » est impossible
Les émeutes en banlieue sont la pire crise possible pour Emmanuel Macron. Le président de la République a toujours cherché à séduire l’électorat des banlieues en se montrant proche de personnalités issues de la diversité et allant jusqu’à qualifier la Seine-Saint-Denis de « Californie française » en mai 2021. Pourtant, cette stratégie constitue un échec électoral car elle est devancée par un Jean-Luc Mélenchon dans la surenchère anti-policière. En effet, ce dernier recueille 49,09% des voix dans la Seine-Saint-Denis soit plus de 16 points de sa moyenne nationale, lorsque l’Emmanuel Macron y recueille 20,27% soit 7 points de moins que sa moyenne nationale.
En se soumettant aux injonctions médiatiques et culturelles sur les banlieues, Emmanuel Macron n’est plus en mesure de répondre aux émeutes. Pour gérer une crise dans les banlieues, la doctrine du « en même temps » est inopérante. En effet, le locataire de l’Elysée ne pourra pas incarner le parti de l’ordre face aux banlieues et complaire aux pressions exercées par des élites culturelles, sportives et intellectuelles favorables aux jeunes. Dans le débat de société qui consiste à renvoyer dos-à-dos policiers et jeunes délinquants, la défense de la loi et de l’ordre ne plaira pas aux élites culturelles dont le président a besoin après s’être coupé de la « France du travail ». De surcroît, il souffre de la concurrence du bloc de droite sur ce segment jugé plus crédible par les Français selon toutes les enquêtes d’opinion.
Quelle suite pour Macron ?
Emmanuel Macron pourrait réussir à continuer d’incarner le parti de l’ordre face aux Gaulois réfractaires. Entre 2017 et 2022, il progresse électoralement surtout au niveau des retraités chez qui il obtient 40% des suffrages. Seulement, alors que le niveau des violences urbaines progresse avec un pic atteint ces deux dernières nuits, cela implique pour le président de durcir ses positions. La perspective de voir ce mouvement durer rend encore plus vulnérable le chef de l’État sur deux points : 1) l’embrasement des 1 500 quartiers prioritaires de la ville alors que le mouvement tend à s’étendre au-delà de l’Ile-de-France met son dispositif policier sous forte tension 2) la radicalisation du profil des émeutiers et de l’influence exercée sur eux par l’ultra gauche augmente le risque de blessures de policiers et des jeunes par rapport à 2005 ; lesquelles seront imputées au président.
Lâché par la France du travail lors de la lutte contre la réforme des retraites et contre la vie chère et la crise énergétique avec le mouvement des boulangers, Emmanuel Macron ne peut plus faire la révolution. Cette situation en forme de désaveu se traduit par une légitimité de titre pour gérer les affaires internationales, mais une absence de légitimité d’action. Comme après chaque crise, le président de la République pourrait annoncer un déversement d’argent public, « un plan Marshall pour les banlieues ». Pour autant, il faut bien rappeler que cela ne résoudra jamais la situation alors que la politique de la ville a déjà couté aux contribuables près de 40 milliards d’euros depuis 2005.
Emmanuel Macron se retrouve confronté à la pire des crises : celle qu’il ne veut pas traiter, alors qu’il apprécie pourtant de réformer face aux Gaulois réfractaires… Après le fiasco du Stade de France, le délitement des banlieues françaises rappelle au monde entier la réalité des Territoires perdus de la République. Ce délitement devenu critique devrait en toute logique signer la fin du en même temps. Sans réponse ferme et efficiente, Emmanuel Macron ne pourra pas préserver l’unité et la singularité du modèle français et ne permettra pas à la France de redevenir un phare dans le monde capable d’organiser sereinement les Jeux-Olympiques.
Par Matthieu Hocque, directeur adjoint des Etudes du Think-Tank gaulliste et indépendant Le Millénaire
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Credit Photo : Ai généré, Des malheurs, Jours apocalyptiques sous Licence Commons Pixabay withering_tree
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