Après 2015, l’Europe doit affronter une nouvelle crise migratoire. L’île de Lampedusa et ses 6 500 habitants compte désormais plus de migrants que d’habitants, soit 20 fois les capacités de son centre d’accueil. Le plan d’urgence annoncé par Ursula Van der Leyen ne masquera pas les errements de l’Union européenne sur la question migratoire, au point que la crise actuelle semble être la dernière chance pour les peuples européens de se réveiller pour protéger leurs frontières et leur civilisation.
La crise migratoire est devant nous
Les indicateurs migratoires se dégradent depuis la fin de la crise sanitaire. Après une parenthèse de fermeture des frontières européennes pour lutter contre la pandémie, les vagues migratoires ont repris. D’une part, le flux de migrants progresse chaque année. En effet, près de 330 000 migrants sont entrés illégalement sur le sol européen en 2022, alors qu’ils n’étaient que 130 000 en 2019 selon Frontex. D’autre part, le stock de migrants dans les pays de transit (Libye, Tunisie, Maroc) ne fait qu’augmenter puisqu’il y a désormais plus de 600 000 migrants en Libye selon l’Organisation Internationale pour les Migrations et près de de 200 000 en Tunisie et au Maroc selon les autorités locales. Il s’agit d’autant de personnes qui attendent leur départ vers l’Europe.
Seulement, si la situation est aujourd’hui hors de contrôle, le pire de la crise migratoire est devant nous. D’un côté, la population africaine devrait doubler d’ici 2050 pour atteindre 2 milliards de personnes, soit 4 Africains pour 1 Européen contre 4 Européens pour 1 Africain en 1900. Cette explosion démographique accroît la pauvreté en raison d’un marché du travail peu favorable à l’insertion des jeunes. En effet, le taux de chômage des jeunes en Afrique se situe en moyenne autour de 20%, selon l’Organisation internationale du Travail, ce qui alimentera davantage de flux migratoires puisque plus de 50% de la population africaine sera jeune. De l’autre côté, les États africains protègent moins bien leurs frontières. En effet, les déstabilisations politiques et sécuritaires affaiblissent les États-nations, en Afrique subsaharienne avec les coups d’État comme au Mali ou au Niger ainsi qu’en Afrique du Nord avec les difficultés de la reconstruction libyenne ou l’instabilité politique tunisienne.
Lampedusa abandonnée par l’Europe
L’Europe n’a pas tiré les conséquences de la crise migratoire de 2015 en abandonnant l’Italie et Lampedusa. L’accueil de plus de 1 million de migrants par l’Allemagne pour soutenir son marché du travail a créé un appel d’air à destination de l’Europe. Seulement, ce sont les pays du Sud (Grèce, Italie, Espagne, Portugal) qui pâtissent de l’immigration clandestine, alors qu’ils sont touchés par des difficultés budgétaires, un chômage de masse et un sentiment de perte d’identité vis-à-vis d’une immigration incontrôlée. A titre d’exemple, l’Italie comptait 300 000 étrangers en 1980 compte près de 6 millions aujourd’hui.
D’autre part, la réponse européenne est largement dépassée tant en termes de moyens que de dispositifs. Sur la question des moyens, seul 2% du budget européen (soit environ 3,5 milliards d’euros) est alloué à la protection des frontières. Il s’agit de l’équivalent du budget du ministère de la Culture, difficile d’imaginer défendre nos frontières avec ce budget. Sur la question des dispositifs, le règlement de Dublin et l’agence Frontex sont deux mécanismes laxistes. En effet, ils ne permettent finalement que de répartir l’immigration au lieu de la combattre, le règlement de Dublin en répartissant les demandeurs d’asile entre les États-membres et l’agence Frontex en raccompagnant vers les côtes européennes avec les ONG les cargos de migrants.
Faire plier l’Europe du Nord
Les exemples britannique et italien montrent qu’il est difficile d’agir seul face à la crise migratoire. En effet, en 2022, le Royaume-Uni a accueilli plus de 600 000 entrées nettes d’immigrés, son plus haut niveau historique malgré le Brexit. Pour autant, si la hausse peut sembler conjoncturelle avec l’accueil de 100 000 Ukrainiens et 50 000 Hong-kongais, elle traduit les difficultés du Gouvernement britannique à lutter contre deux filières d’immigration dévoyées : l’asile et les études. Cela n’est pas un bon message envoyé au peuple britannique qui place la volonté de reprendre le contrôle de ses frontières parmi ses priorités. En Italie, le Gouvernement de Giorgia Meloni arrivée au pouvoir en automne 2022 avec la même ambition éprouve les mêmes difficultés. En effet, le nombre de migrants atteignant l’Italie en 2023 a déjà doublé par rapport à 2022.
Faire plier l’Europe du Nord doit permettre de reprendre le contrôle de la situation. Toutes les enquêtes d’opinion montrent une divergence entre les opinions publiques sur la question migratoire. Ainsi, près de 60% de l’opinion publique espagnole et italienne est favorable à une meilleure répartition des migrants. Or, seule 40% de l’opinion publique allemande y est favorable alors que l’Allemagne est en partie responsable de l’appel d’air vers l’Europe et que les migrants préfèrent aller en Allemagne. Avec l’Europe du Nord, la logique de la concertation naïve doit s’effacer au profit de celle du rapport de force. Si l’Europe du Nord n’aide pas l’Europe du Sud à défendre l’Europe, il faut mettre en place des convois migratoires pour acheminer les migrants vers ces pays sur le modèle des États du Sud aux États-Unis vers les régions les plus immigrationnistes telles que la Californie ou New York qui en voyant les résultats de l’immigration se sont mis à aider davantage les États en difficulté.
La crise de Lampedusa actuelle est la dernière chance pour l’Europe de se réveiller et de répondre à la demande de protection des peuples européens. Seulement, elle supposera un changement idéologique et une collaboration réelle de tous les États-membres autour d’une doctrine claire et de moyens réévalués au risque de voir l’Europe ne jamais s’en relever.
Matthieu Hocque, directeur adjoint des Etudes du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire, spécialiste des politiques publiques.
Pierre Clairé, directeur adjoint des Etudes du Millénaire et spécialiste des questions internationales et européennes.
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Crédit photo : Members say solidarity within EU is key to helping Ukraine and ending the war sous license Attribution 2.0 Generic.
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