Essor des Fintech – La France a toutes ses chances

Terme souvent galvaudé, les Fintech désignent l’ensemble des sociétés qui utilisent les nouvelles technologies afin de rénover les services financiers.

Le secteur financier a longtemps été épargné par la digitalisation. Cependant, la crise de 2007 a brisé la confiance des français dans ce système et a permis l’émergence de nouveaux services. Les Fintech ne s’attaquent pas à la conception de nouveaux algorithmes financiers, mais à la rénovation des services en rapprochant les établissements financiers des attentes des consommateurs.

Les Fintech reposent essentiellement sur trois principes :

  • désintermédiation des métiers de la banque,
  • nouveaux modes de relation entre le client et l’établissement financier,
  • économie collaborative.

Entre 2008 et 2014, les investissements annuels n’ont cessé de croitre à travers le monde, pour atteindre leur pic en 2015 avec 62 milliards de dollars (source : rapport KPMG excluant les investissements des acteurs financiers historiques afin de digitaliser leur process). Malgré une légère décrue des investissements depuis ce pic, ils sont repartis à la hause au deuxième semestre 2017.

Les Etats Unis concentrent l’essentiel des investissements avec plus de 80%. En Europe, les principaux investissements se situent, sans surprise, en Angleterre et en Irlande. Quant à la France, un peu distancée,  elle voit son rôle de plus en plus accru dans le domaine. En 2015, Younited Credit (ex Prêt d’union) avait fait une levée record avec 31 millions d’euros, alors qu’en 2017, elle avait remporté la palme avec une levée à 103 millions d’euros. Le marché est clairement en phase de concentration, moins de transactions mais plus de volume.

  1. Tour d’horizon des domaines d’application

 

Le secteur financier se décompose en cinq grands secteurs d’activité : le financement, la gestion d’actifs, l’assurance, les marchés de capitaux et les moyens de paiement.

Pour chacun, il existe trois types de services : des services aux consommateurs (Business to Consumer), des services entre professionnels (Business to Business), et des services aux professionnels s’adressant ensuite aux consommateurs (Business to Business to Consumer).

Pour chacun de ces types de service, il existe trois positionnements : des services de guichet (front-office), de « middle », ou de « back office».

Cela représente donc au total 45 points d’innovation pour les Fintech, qui sont loin d’être tous couverts.

A noter que nous pouvons citer les exemples français suivants (liste non exhaustive) :

  • Dans le domaine des crowdfunding, plates-formes de financement participatif qui font le lien entre particuliers en quête de rendement et entreprises en quête de financement, nous pouvons citer « Winefunding» pour le domaine viticole, « Lendosphere »pour la transition énergétique, « Lymo »pour l’immobilier….
  • Concernant les plates-formes de prêt, l’exemple de « Younited Credit » est probant. Il a pour objectif de supprimer les intermédiaires entre les prêteurs et les emprunteurs, en permettant aux épargnants de prêter directement aux particuliers.
  • Pour l’assurance, nous pouvons citer « Fluo », qui permet d’identifier les contrats d’assurance qui font doublon. Il y a également « Réassurez-moi »qui identifie l’assurance de prêt immobilier la moins chère, ou bien encore « Inspeer »grâce auquel il est possible de mutualiser les franchises d’assurances avec des proches.
  • Enfin, la rénovation des outils de gestiondu budget et de gestion privée est en plein essor. Celle-ci est facilitée par la nouvelle directive sur les services de paiement (DSP2), qui autorise des services tiers à accéder aux données de leurs clients. L’agrégateur français de comptes bancaires « Banking » vient de passer les 2 millions d’utilisateurs.
  • Parallèlement à ces innovations, les moyens de paiementsont en métamorphose : paiement en ligne, paiement sans contact par mobile, plateforme de paiement entre particulier, échange de devises entre particulier au cours du jour et sans frais, … L’attrait des GAFAs pour ce secteur est révélateur des enjeux financiers. Ils ont maintenant tous leurs systèmes de paiement en ligne : Android Pay, Amazon Pay, Apple Pay, Facebook Messenger.
  • Afin d’alléger le fardeau réglementaire des banques, de nouvelles sociétés « regtech » émergent. Dans un contexte où le nombre de nouvelles réglementations ne cesse d’augmenter, ces sociétés permettent de répondre plus efficacement aux nouvelles contraintes.

Mais, la révolution technologique la plus conséquente est le « blockchain ». Il s’agit d’un nouveau protocole, décentralisé et cohérent, dans lequel il n’y a pas de machine centrale et les informations sont disponibles en chaque nœud de réseau. Au-delà de l’aspect algorithmique, ce protocole permettra de réduire les coûts de transaction et de réaliser les transactions « quasi instantanément ». Grâce à un partenariat avec la start-up Blockchain Partner, la banque de France a lancé de multiples projets dont le développement d’une blockchain privée avec les principaux acteurs bancaires français pour gérer le registre des numéros (dits Identifiants Créanciers Sepa ou ICS) nécessaire à la réalisation de prélèvements.

  1. Les conséquences pour les acteurs traditionnels

La digitalisation du secteur financier est analogue à celle qui touche les domaines du transport, des télécommunications, de l’hôtellerie, etc. Elle permet d’abolir les coûts de transactions habituels et de bousculer les business modèles établis.

Son but n’est pas de fabriquer de nouveaux produits, mais de proposer un mode de consommation personnalisé en s’appuyant sur l’expérience des clients et leur savoir-faire. Grâce à la digitalisation, les Fintech se différencient des acteurs traditionnels par une simplicité, une rapidité des opérations, une convivialité dans les relations, une individualisation de celles-ci et une personnalisation des processus.

Les acteurs traditionnels ont du mal à s’adapter du fait de :

  • La réglementation de plus en plus exigeante,
  • La lourdeur structurelle (par exemple le réseau bancaire surdimensionné par rapport à la demande),
  • L’organisation au sein de ces institutions loin d’être malléable.

Afin de faire face à cette digitalisation, ils agissent via différents leviers :

  • Création de filiale « 100 % en ligne ou 100% mobile » : Hello Bank pour BNP Paribas, Direct Assurance pour AXA,
  • Prise de participation importante dans des startups financières : Credit Mutuel a acquis 86% du capital de Leetchi,
  • Partenariat entre les acteurs traditionnels et les Fintech : Blablacar avec Axa, OuiCar avec Generalli,
  • Création d’incubateur à l’intérieur même des acteurs traditionnels.

Cette mutation est un réel défi pour le milieu financier. D’après une étude McKinsey, les start-up financières pourraient provoquer d’ici à 2025 une baisse de 20 à 60% des bénéfices bancaires selon les métiers.

  1. Faire de la France une place mondiale des start-up financières

Bien que les start-up financières se concentrent naturellement autour des places financières mondiales notamment à Londres, la France a tous les atouts pour jouer un rôle mondial. D’une part, la France possède des ingénieurs compétents,  créatifs et renommés dans le secteur du digital et des mathématiques financières. D’autre part, le marché bancaire hyper concentré en 6 réseaux bancaires et le fort taux de bancarisation favorisent l’émergence de nouveaux venus.

Des mesures ont déjà été prises afin de faciliter l’octroi de crédit en dehors du réseau bancaire classique :

  • Les établissements assujettis aux codes des assurances, des mutualités ou de la sécurité sociale peuvent prêter directement aux entreprises sous certaines conditions,
  • L’ordonnance de 2014 favorise le crowdfunding,
  • La loi Macron permet aux entreprises de recourir au crédit interentreprises et aux plates-formes de financement participatif,
  • La nouvelle réglementation DSP2 citée précédemment,
  • Création de la station F, projet de X. Niel, plus grand incubateur du monde.

Ces mesures vont dans le bon sens à condition que ces établissements soient contrôlés par le régulateur bancaire.

D’autres mesures sont encore à prendre afin de créer une dynamique positive et  ne pas être distancé dans le domaine des Fintech :

  • Créer une politique fiscale avantageuse pour les particuliers investissant dans ces startups financières.

La fiscalité des gains est un point à revoir. La politique fiscale sur les gains des investissements en capital est très attractive alors que dans le cas de prêts, il y a de nombreuses taxes sur les intérêts perçus (prélèvements sociaux, impôt sur le revenu, …)

  • Création d’un fond de placement qui se focaliserait sur les startups financières françaises. Ce fond pourrait être créé par la BPI et mêler dettes et fonds propres. BNP Paribas vient d’en lancer un en Mars 2018.
  • Augmentation des moyens de l’agence ACPR FinTech Innovation, point d’entrée des Fintech à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution afin d’attirer les fintechs basées à Londres qui seront mises à mal par le Brexit
  • Création de groupes « Blockchain » entre la Banque de France et la Banque Centrale Européenne dans le but de réfléchir et de maitriser cette nouvelle technologie.

Note produite par Clément Perrin

contact@lemillenaire.org

Crédit Photo : Image Balle binaire par Geralt via Pixabay sous Pixabay License

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