Le 27 janvier 2025 marque les 80 ans de la découverte du camp d’Auschwitz-Birkenau, symbole de la barbarie antisémite nazie. En France, depuis 1945, nous avions réussi à éduquer et à éveiller trois classes d’âge face à ce fléau contre lequel la République lutte depuis sa création. Seulement, l’antisémitisme a beaucoup évolué, notamment depuis le 7 octobre. Alors qu’en 2019, les responsables politiques ont refusé la création d’un délit d’antisionisme, il n’est plus possible de tergiverser pour protéger la communauté juive de France.
Une évolution de l’antisémitisme au XXIème siècle
Il n’y a pas un, mais des antisémitismes en France. Affirmer cela ne revient pas à dire qu’il y a des antisémitismes moins graves que d’autres. Tout d’abord, il y a celui d’extrême-droite sur le comme Édouard Drumont, avec son livre La France juive (1886) accusant les Juifs de compromettre l’identité nationale. Ce courant a abouti au régime de Vichy qui a collaboré avec les nazis dans la persécution des Juifs, qui a édicté des lois de ségrégation ou qui a aboli le décret Crémieux offrant la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie. Ensuite, il y a celui d’extrême-gauche, assimilant les Juifs au pouvoir économique. Pierre-Joseph Proudhon qualifie les Juifs de « race parasitaire » dans ses journaux personnels ou Karl Marx associe, dans son essai Sur la question juive (1844), la judéité à une supposée domination capitaliste.
Seulement, la France a vu se propager depuis 40 ans un nouvel antisémitisme, celui lié à l’islamisme. Dans l’islam, les Juifs sont accusés de trahir les prophètes, et surtout de ne pas reconnaître Mahomet comme étant le dernier d’entre eux. Les Frères musulmans, fondés par Hassan al-Banna en 1928, ont été influencés par des idées nazies. Des documents historiques montrent que l’ambassade d’Allemagne en Égypte a soutenu les Frères musulmans. Ce courant s’est développé en France par une partie de l’immigration arabo-musulmane. Dans de nombreux quartiers, les mosquées radicalisées diffusent des idées antisémites dès les années 1980-1990. Georges Bensoussan est le premier auteur à traiter au début des années 2000 de la question de l’antisémitisme des banlieues décrivant les exils des Juifs de Sarcelles sous la poussée de l’antisémitisme issu de ces nouvelles vagues d’immigration.
L’antisionisme est devenu le faux-nez de l’antisémitisme
Depuis le 7 octobre, il y a un antisémitisme d’atmosphère en France. Les actes antisémites en France ont explosé, augmentant de plus de 1 000% par rapport à la moyenne journalière observée les années précédentes, selon le rapport du ministère de l’Intérieur et du SPCJ. Autre exemple, dans le milieu scolaire, ces actes ont bondi de 1 200%, souvent accompagnés de propos faisant l’apologie du nazisme (40%), du djihadisme (15%) ou mentionnant la Palestine (33%). Enfin, ces actes sont commis dans la sphère privée (+1 500%) forçant de nombreux Juifs français à cacher leurs signes de judéité.
De nos jours, les hérauts de l’antisémitisme se protègent de la Justice en se proclamant antisionistes. Si l’on peut bien évidemment critiquer la politique d’un État étranger, y compris Israël, l’antisionisme va au-delà. Il s’agit d’en contester l’existence en prônant son anéantissement. Ces paramètres ne sont pas couverts par l’arsenal juridique français centré autour de la parole antisémite : la Loi sur la liberté de la presse (1881) qui prévoie des sanctions pour la diffamation et l’injure, lorsque ces actes sont dirigés contre des individus ou groupes en raison de leur origine, de leur religion, la Loi Gayssot (1990) qui interdit la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité, notamment la Shoah, mais plus récemment la Loi sur la lutte contre la haine sur internet (2019) qui renforce les obligations des plateformes numériques pour retirer rapidement les contenus haineux, y compris ceux à caractère antisémite.
Créons un délit d’antisionisme
Pour cela, il est nécessaire que ce nouveau délit puisse être constitutionnel. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour créer un délit d’antisionisme.
La France a déjà restreint la liberté d’expression au nom des principes républicains (1). Car, contrairement aux pays anglo-saxons où la liberté d’expression est presque absolue, la France a historiquement encadré cette liberté pour protéger la dignité humaine et l’ordre public, notamment avec les lois précédemment mentionnées.
Être antisioniste, ce n’est pas seulement critiquer la politique d’Israël (2). C’est de manière explicite ou implicite, remettre en question la légitimité du peuple juif à maintenir une présence autour de Sion (thèse surtout développée dans le monde arabo-musulman) ; ou appeler à la disparition de l’État d’Israël, le foyer national juif ; ce qui est totalement contraire au principe des Nations-Unis relatif à l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Depuis le 7 octobre, la corrélation statistique entre antisionisme et antisémitisme est clairement apparue (3). C’est pourquoi, ne pas agir trahirait l’esprit républicain et les valeurs de la Révolution française qui a pourtant proclamé les Juifs comme étant des citoyens égaux, marquant un tournant historique en leur accordant une place pleine et entière dans la communauté nationale.
Ainsi, en laissant l’antisionisme prospérer sans limite, la République renierait l’héritage révolutionnaire qui a érigé un modèle contre l’antisémitisme et qui l’a libéré des obscurantismes.
Par Denis Bouvier, Analyste du Millénaire, auteur de la note « L’antisémitisme en France au XXIème siècle »
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Crédit Photo : Rue Sainte Isaure. Synagogue Montmartre, de Jeanne Menjoulet, via Flickr, sous Licence CC BY 2.0.
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