À la fin du mois de novembre, l’agence Standard and Poor’s donnera son avis sur la crédibilité de la signature française en matière de solvabilité. Or, la note attribuée par des agences est essentielle pour garantir la crédibilité d’un État et sa capacité d’emprunt. Une bonne note permet à la France de financer ses besoins en émettant des obligations (OAT) à des taux d’intérêt faibles, car elle inspire confiance aux investisseurs. Seulement, les investisseurs ne connaissent pas la France et s’appuient sur cet avis alors qu’ils représentent 53% des détenteurs de notre dette. En cas de dégradation de la note, la confiance des marchés diminue, forçant l’État à offrir des taux d’intérêt plus élevés pour attirer des fonds. Cela alourdit le coût total de la dette publique et limite les marges de manœuvre budgétaires dont vous parliez plus haut.
A ce titre, Emmanuel Macron porte une immense responsabilité. Alors que sa politique de l’offre produisait des premiers résultats entre 2017-2020, il bénéficiait aussi d’une diminution de la charge de la dette (les intérêts payés sur la dette), passant de 40 milliards d’euros en 2017 à près de 28 milliards d’euros en 2020. Il aurait fallu en profiter pour mener des grandes réformes structurelles. A contrario, il a utilisé les remèdes mitterrandiens aux résultats désastreux : + 1 000 milliards d’euros de dettes et une charge de la dette qui pourrait devenir en 2027 le premier poste de dépenses de l’État à 80 milliards d’euros !
Or, le nouveau gouvernement doit affronter deux difficultés pour mettre en place des politiques structurelles. D’une part, l’absence de majorité absolue. Dans une Vème République organisée autour du fait majoritaire depuis 1962, c’est la traduction d’une absence de marges de manœuvre pour prendre des décisions empiétant sur l’avenir du pays. D’autre part, le gouvernement a une durée de vie supposée limitée. Il n’est même pas certain d’exécuter le budget qu’il fera voter avec la menace d’une censure.
Pour autant, un Premier ministre même fragile peut mener des réformes structurelles. Ce fut le cas de Michel Debré devant composer avec une coalition avec les centristes, mais qui arrive à redresser le pays avec le plan Pinay-Rueff ou encore d’Alain Juppé devant composer avec l’UDF, mais qui conduit la réforme des retraites et la réforme de la Sécurité sociale.
Ainsi, la question du maintien de la soutenabilité de la dette est cruciale pour préserver la stabilité économique de la France. L’évolution des tendances démographiques, des structures de financement publiques et des stratégies budgétaires devront être finement analysées pour envisager des réponses adaptées à ces défis. Au-delà de la situation actuelle, l’analyse prospective est indispensable pour comprendre comment la dette pourrait évoluer sous différents scénarios économiques, qu’il s’agisse d’une reprise de la croissance, d’une stagnation prolongée, ou d’une récession. Le fait que la France ne remplisse pas les conditions d’une reprise de la croissance pour des raisons qui lui sont propres et d’autres qui ne dépendent pas d’elle, implique que l’horizon d’un tournant de la rigueur semble indépassable.
Par Romain Boulanger et Hugo Spring-Ragain, Analystes du Millénaire.
Crédit photo : Bruno Le Maire, Minister of the Economy, Finance and Recovery of France speaking to the press at the World Economic Forum Annual Meeting 2023 in Davos-Klosters, Switzerland, 20 January. Congress Centre, via Flickr, sous licence CC BY-NC-SA 2.0
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