Un fardeau fiscal
Les ménages français se retrouvent piégés par des choix politiques contradictoires. D’une part, l’achat d’automobile diesel par les particuliers fut dans un premier temps fortement encouragé au cours des années 2000 avec une part de moteurs diesel qui représenta jusqu’à 78% des nouvelles immatriculations de voitures de particuliers en 2008. D’autre part, les augmentations successives des taxes sur le carburant, de 2014 et de 2018 traduisent la volonté politique d’aligner les taxes entre l’essence et le diesel. A titre d’exemple, entre mai 2017 et janvier 2022, le litre de sans-plomb 95 a augmenté de 9 centimes d’euros contre plus de 13 centimes pour le litre de gazole. Le parc automobile français roulant de nos jours encore majoritairement au diesel (60% des véhicules) est devenu un fardeau fiscal pour les ménages français.
L’émergence d’un troisième choc pétrolier mondial avec le conflit ukrainien pèse de tout son poids sur le cours du pétrole et vient alourdir la facture. Le prix du baril de Brent a frôlé début mars les 140 dollars, proche de son record absolu de 147,50 dollars observé en juillet 2008. La guerre en Ukraine intervient dans un climat très particulier : l’économie mondiale est en surchauffe et assoiffée de gaz et de pétrole. La production de l’OPEP n’est pas revenue entièrement à la normale après la crise sanitaire, pourtant la demande reste forte et les pays occidentaux restent relativement dépendants du pétrole russe depuis les années 2000.
L’automobile diesel est doublement sanctionnée par la guerre en Ukraine car en plus d’une hausse vertigineuse du baril de brent, le conflit révèle également une forte exposition de la chaîne d’approvisionnement française du diesel à la Russie. S’il est possible pour les pays européens de se tourner vers d’autres partenaires pour leurs importations de pétrole brut, la situation est très différente pour le diesel. D’après ICIS, la Russie était l’année dernière le premier partenaire européen pour le diesel à hauteur de 54% des importations européennes contre moins de 27 % pour l’Arabie Saoudite. En cette période de crise qui se traduit par des stocks de diesel au plus bas, les pays comme la France ayant un parc automobile diesel bien plus important que la moyenne mondiale, sont plus fortement exposés au conflit ukrainien. Cette structure de la chaîne d’approvisionnement, spécifique au diesel, explique pourquoi les prix à la pompe du diesel et de l’essence s’entrecroisent ces derniers jours.
Une fracture territoriale renforcée
Souvent contractés à crédit, les véhicules diesel possèdent dorénavant une forte décote sur le marché de l’occasion, rognant sur le pouvoir d’achat des ménages français. La prise de conscience écologique s’est matérialisée dans les politiques publiques en une mutation du parc automobile des véhicules diesel en France vers les véhicules hybrides et tout électriques. C’est en voulant amorcer cette transition que les gouvernements successifs ont poussé à l’achat de voitures électriques avec des aides et primes diverses tout en accentuant la logique de malus pour les véhicules diesel. Ainsi avec cette logique, les pouvoirs publics ont favorisé l’augmentation des prix des véhicules diesel alors même que le coût de leur consommable devenait de plus en plus cher faisant perdre de fait de la valeur aux véhicules diesel sur le marché d’occasion.
Pourtant, le diesel reste le moyen de motorisation le plus populaire dans les zones rurales du fait des distances importantes à parcourir, d’un manque de bornes de recharge installées, de la faible autonomie actuelle des batteries et du coût très élevé des véhicules électriques ou hybride. C’est pourquoi, cette hausse des prix du carburant et plus particulièrement du diesel accentue la fracture entre villes et campagnes. Les citoyens ruraux se retrouvent dans une situation de perte de pouvoir d’achat spectaculaire depuis l’avènement de la guerre en Ukraine. Et malheureusement, ils ne peuvent pour autant pas investir dans l’électrique ou dans un véhicule de nouvelle génération consommant moins à cause des difficultés pratiques mais aussi des prix d’achat inaccessibles.
La conversion du diesel doit être davantage encouragée fiscalement. Pour favoriser le pouvoir d’achat des classes moyennes et basses vivant en périphérie des villes, les mécanismes de conversion fiscale devront être renforcés dans une logique de facilitation d’achat vers un véhicule consommant moins qu’il soit essence, électrique ou hybride. Transformer le parc automobile actuel en un parc polluant moins tout en prenant en compte les disparités de pouvoir d’achat et de besoin entre les situations financières et géographiques des individus, n’est pas impossible. Une première mesure d’urgence serait de réinstaurer la prime à la conversion pour les personnes morales qui avait été retirée en août 2020.
Pousser dans un premier temps le parc automobile d’entreprise à muter vers l’essence ou l’hybride/électrique doit permettre d’engager la conversion automobile sans pénaliser à court terme les Français afin de ne pas raviver les tensions vécues lors du dernier quinquennat et de réconcilier un pays profondément fracturé.
Par Clément Perrin, Directeur des Études du Millénaire et Hugo Spring-Ragain, analyste du Millénaire
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Crédit Photo : Image Essence par ResoneTIC via Pixabay sous Pixabay License
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