Loin de protéger les Français et leur environnement, le principe de précaution, intégré au bloc de constitutionnalité depuis 2005 avec la Charte de l’Environnement, entrave leurs initiatives. À contre-courant de la philosophie du « fail fast, learn fast » permettant d’innover face à des problématiques nouvelles, le principe de précaution bride les énergies. Le principe de précaution doit être supprimé pour permettre à la France d’avoir toutes les armes pour concourir équitablement à la course technologique entre les pays.
De la précaution à l’inaction
Conceptualisé par le philosophe allemand Hans Jonas dans les années 70, le principe de précaution a été dévoyé et s’est transformé en principe d’inaction. Ce principe qui incarne la prise de conscience du rôle de l’Homme sur l’évolution de son milieu s’est mué en un outil juridique incertain et un principe politique néfaste. Juridiquement, il prévoit la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et l’adoption de mesures préventives proportionnées face à un risque incertain. Cette incertitude du risque et de son ampleur rend en réalité impossible la mise en place d’actions proportionnées. Celle-ci conduit finalement à une surenchère permanente des différentes parties par peur du risque juridique, qui lui est certain et toujours plus important, ce qui aboutit à l’inaction. Face à l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures proportionnées, l’attitude privilégiée est celle du renoncement.
Nous touchons ici l’essentiel de l’inefficacité du principe de précaution. Conçu comme un principe d’action, pour pousser les acteurs à prendre des initiatives de développement économique et de préservation de la nature, il est finalement le principe de l’inaction. Alors que cet échec criant du principe de précaution aurait dû le disqualifier définitivement, il a été au contraire étendu. Étendu au domaine de la santé, des nouvelles technologies, des vaccins, etc. D’un principe portant sur le domaine restreint de l’environnement, cette généralisation politique du principe de précaution lui permet désormais de mettre en danger, partout, toutes les formes d’innovation. En ce sens, il n’est pas étonnant que la France soit le seul pays du conseil de sécurité de l’ONU à n’être pas parvenue à produire son propre vaccin contre la covid. Alors que l’innovation nécessite des prises de risque, ce principe est un boulet supplémentaire aux pieds de nos industriels et chercheurs dans ce qui est désormais une compétition mondiale.
Privilégions l’approche bénéfices/risques
L’inefficacité du principe de précaution doit conduire à sa suppression pour lui préférer une approche plus pragmatique, celle de l’analyse bénéfices/risques. Plutôt que d’entraver toute action qui pourrait conduire à un risque potentiel, c’est-à-dire en réalité, quasiment toutes, il s’agit d’être en mesure d’évaluer la rentabilité de la prise de risque avant de passer à l’action. Cette nouvelle approche bénéfices/risques permet de résoudre le principal problème du principe de précaution, celui de l’impossibilité de formuler une action proportionnée face à l’incertitude d’un risque. Ainsi, plutôt que de savoir si des précautions proportionnées ont été mises en place, la question privilégiée serait celle de savoir s’il est rentable de mener cette action, de prendre ce risque. Il s’agit d’un changement complet de philosophie qui a déjà montré ses fruits.
Le monde anglo-saxon offre la démonstration d’un écosystème qui n’est pas entravé par le principe de précaution. Sous deux formes différentes, SpaceX et le gouvernement britannique nous montrent comment prendre en compte de façon efficace la donnée « risque ». Chez SpaceX, le risque n’est pas perçu comme un obstacle à l’innovation, mais bien comme le chemin à suivre. C’est en prenant des risques, en échouant, que SpaceX est parvenu à concevoir des propulseurs réutilisables. Dans un registre différent, la stratégie vaccinale des Britanniques est un exemple encore plus éloquent de l’approche bénéfices/risques. Le choix de privilégier les premières doses plutôt que les secondes, quitte à multiplier par 4 le délai entre les deux doses, ou encore celui de l’utilisation du vaccin AstraZeneca pour les tranches d’âges les plus touchées par la covid malgré les risques de thromboses, suivent ce principe. La comparaison d’efficacité des campagnes de vaccination dans les différents pays européens montre que le principe de précaution a finalement probablement coûté plus de vie qu’il n’en a épargné.
Le principe de précaution est l’exemple même d’une belle idée qui ne tient pas l’épreuve du réel. Principe d’action sur le papier, qui devient un principe d’inaction dans les faits. Principe dont le but est de sauver des vies, qui finalement entrave ceux qui veulent en sauver. Il est urgent de se séparer de ce principe de précaution devenu fou, paralysant toute forme d’innovation au pays des lumières.
Par William Thay, Président du Millénaire
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Crédit photo : Erasoft24 at fr.wikipedia, CC BY 1.0 via Wikimedia Commons
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