Vers un Nasdaq européen ?

L’Europe fait face à un défi stratégique pour son avenir technologique et économique. Si le continent dispose d’un vivier d’innovateurs et de chercheurs de premier plan, il peine à transformer ce potentiel en champions mondiaux technologiques. En 2023, l’Europe ne représentait que 14 % de la capitalisation boursière mondiale des entreprises technologiques, contre 78 % pour les États-Unis. Ce déséquilibre se retrouve dans le financement : les levées de fonds dans la tech européenne ont atteint 45 milliards de dollars en 2023, loin derrière les 150 milliards investis aux États-Unis.

Le déficit de financement pour les scale-ups européennes reste criant. La European Tech Champions Initiative (ETCI), lancée en 2023 par la banque européenne d’investissement (BEI) et plusieurs États membres, a mobilisé 10 milliards d’euros de ressources publiques et privées pour soutenir la croissance des entreprises technologiques européennes, mais ce montant reste modeste face aux besoins identifiés. À ce jour, l’ETCI a permis d’investir dans seulement 16 scale-ups européennes, alors que le Nasdaq américain accueille chaque année des dizaines d’introductions en bourse de sociétés technologiques à fort potentiel. Par ailleurs, entre 2018 et 2023, seules 6 % des IPOs technologiques mondiales ont eu lieu sur des places européennes, contre plus de 60 % sur le Nasdaq.

Ce contexte pousse de nombreuses scale-ups européennes à s’introduire au Nasdaq ou à se tourner vers des investisseurs étrangers, privant l’Europe d’une partie de la création de valeur et de souveraineté sur ses innovations. Les initiatives telles que la French Tech ou la création du Centre européen d’excellence en IA à Paris marquent des avancées notables, mais demeurent insuffisantes pour combler l’écart avec les marchés américains et asiatiques.

La création d’un Nasdaq européen apparaît ainsi comme une nécessité stratégique. Il s’agit de doter l’Europe d’une place boursière dédiée à la tech, offrant visibilité, liquidité et capacité de financement à la hauteur des ambitions de ses entrepreneurs. Ce projet est d’autant plus urgent que la compétition mondiale s’intensifie : selon la Commission européenne, la part de marché mondiale des entreprises européennes dans l’intelligence artificielle reste inférieure à 10 %, contre 40 % pour les États-Unis et 32 % pour la Chine en 2023.

La publication de ce rapport à l’occasion de VivaTech, rendez-vous incontournable de l’innovation, vise à nourrir le débat public et à mobiliser les décideurs autour de cette ambition. Sans réponse forte et coordonnée, l’Europe risque de rester spectatrice de la prochaine révolution industrielle, alors même qu’elle dispose de tous les atouts pour en être l’un des moteurs. Afin d’apporter des éléments de réflexion concrets, ce rapport s’articulera autour de trois axes : d’abord, un état des lieux du déficit technologique et financier de l’écosystème européen ; ensuite, l’exposé de la valeur ajoutée et de la spécificité d’un Nasdaq européen ; enfin, l’identification des freins, de l’urgence et des pistes d’action pour concrétiser cette ambition.

Par Clément Perrin, directeur des Etudes du Millénaire

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Crédit Photo : NASDAQ, under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license.

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