Matthieu Hocque et Jacques Rimier pour Valeurs Actuelles : « Comment mettre fin à l’exode scolaire ? »

TRIBUNE. La France subit les conséquences des legs encombrants laissés par les socialistes : l’égalitarisme et le pédagogisme, analyse Matthieu Hocque et Jacques Rimier, membres du think-tank « Le Millénaire ».

L’indignation collective légitime après l’agression d’une adolescente de 13 ans dans un collège public contraste avec la doctrine « pas de vagues » dont a longtemps fait preuve l’Education nationale et une partie des dirigeants. Pourtant, les Français voient depuis plusieurs années l’effondrement de l’école publique. Selon un sondage de l’Ifop, 69% des Français affirment que la situation s’est dégradée dans les collèges et les lycées, au point désormais de la fuir.

Les socialistes ont abîmé l’école publique

La France subit les conséquences des legs encombrants laissés par les socialistes : l’égalitarisme et le pédagogisme. La loi Jospin de juillet 1989 a posé les fondements d’un nivellement par le bas des élèves.  Cela repose sur l’objectif que 80% d’une classe d’âge dispose du baccalauréat pour atteindre l’égalité et une adaptation de la pédagogie éducative pour placer l’enfant au centre du projet éducatif comme le préconisent les méthodes de « l’Éducation nouvelle ». Seulement, pour parvenir à ces deux objectifs, le choix a été fait d’abaisser le niveau d’exigence dans les notations, de diminuer les rythmes scolaires, de simplifier les programmes scolaires ou de faire de l’enfant un co-acteur de sa formation pour faciliter son cursus. Un nivellement par le bas qui s’illustre dans une enquête de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp). Les élèves de CM2 font environ neuf fautes d’orthographe de plus par rapport à ceux de 1987 (+81,3% en 35 ans). Ainsi, en cherchant l’égalité absolue, l’école française a renoncé à la transmission des savoirs et est devenue de plus en plus inégalitaire puisqu’un élève français issu des milieux populaires a deux fois moins de chance d’être performant en mathématiques qu’un élève de l’OCDE selon le PISA 2022.

En parallèle, l’école n’est plus un sanctuaire imperméable aux évolutions de la société telles que l’ultra-violence et les montées du communautarisme et de l’islamisme. Or, sur ces deux points, les socialistes et une partie de la gauche ont une grande responsabilité. Sur le plan matériel, l’école n’est plus protégée de la barbarisation de la société et la progression de l’ultra-violence. En effet, selon les chiffres du ministère, 1 enseignant sur 4 a été victime de violence contre sa personne ou ses biens au cours de l’année scolaire 2021-2022. Une situation qui s’explique par l’affaissement de l’autorité de l’institution et du professeur à cause de la doctrine du « pas de vague » encouragée par la gauche. En effet, sans menace de sanction, les comportements violents prospèrent à l’école. Sur le plan immatériel, l’école publique devient un territoire perdu de la République qui n’est plus à l’abris du communautarisme et de l’islamisme comme l’explique Bernard Rougier dans Les territoires conquis de l’islamisme (2020). Les établissements isolés de leur hiérarchie ont privilégié la méthode anglo-saxonne des accommodements raisonnables. En effet, à chaque problème sur une tenue religieuse, un enseignement en histoire ou en sciences, un dialogue est envisagé avec les familles. A l’issue de ce dialogue, c’est très souvent l’école qui se désavoue et renie les fondements de sa promesse d’émancipation. Résultats, en 2022, le ministère de l’Éducation nationale a répertorié 4 710 atteintes à la laïcité, soit une augmentation de 150% sur un an.

Vers un exode scolaire 

L’effondrement de l’école publique a conduit à un exode scolaire. Les familles attachées à l’excellence et à la sécurité contournent la carte scolaire et l’école publique de secteur. La carte scolaire fait ainsi l’objet d’une stratégie d’évitement qui se concrétise notamment par des demandes d’options spécifiques existant dans d’autres établissements publics ou par des adresses de complaisance. L’école privée sous contrat apparaît ainsi comme l’alternative, surtout en raison, selon la Cour des comptes, de meilleurs résultats scolaires. Seulement, l’exode scolaire accentue le nivellement par le bas. Les meilleurs élèves sont détournés de l’école publique tandis que les autres doivent composer avec un service public qui se dégrade.

Seulement, l’exode scolaire n’est plus uniquement l’apanage des plus aisés. Les classes moyennes et une partie des classes populaires cherchent également à fuir l’école publique au prix de lourds sacrifices. Elles sont en effet les premières victimes du nivellement par le bas et de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Le prolongement des études jusqu’au Bac +5 ne protège plus du chômage car 8,7% des diplômés de Bac +2 ou plus sont au chômage, soit plus que la moyenne nationale selon l’Insee. De ce fait, avec un ascenseur social en panne et l’école publique ne constitue plus un choix optimal pour ces familles. Celles-ci sont prêtes à la contourner comme les plus aisés (écoles privées sous contrat, cours de soutien, etc.) quitte à réduire leur pouvoir d’achat. Seulement, ce système à bout de souffle dès lors que la rentrée scolaire coûte toujours plus chère (+11,3% sur les fournitures en 2023 selon la CSF) et que les classes moyennes ne bénéficient d’aucun soutien de l’Etat.

Pour une école de l’excellence  

Il est impossible de résoudre un problème avec un mode de pensée qui l’a généré. Si les socialistes ne sont pas les seuls responsables des 40 années de déclin éducatif, l’état d’esprit dans lequel l’école est plongée leur est grandement imputable. En effet, pour la première fois depuis la IIIème République, l’école publique n’est ni en mesure de garantir la promesse républicaine, ni un sanctuaire à l’abri des évolutions sociétales. Tant que l’exigence et l’excellence ne seront plus au cœur de l’école, le niveau continuera sa chute et l’école perpétuera les inégalités, rendant impossible les parcours méritocratiques de Charles Péguy ou de Philippe Seguin.

Nous devons donc tourner la page des vieilles lunes socialistes au profit d’une école de tous les possibles. La France doit opter pour un retour à l’excellence avec un objectif simple : que chacun devienne meilleur avec l’école publique que sans, car de nombreuses familles estiment que l’école publique fait ou ferait régresser leurs enfants. D’une part, cela passe par la création d’un établissement public d’excellence par département pour garantir aux meilleurs jeunes l’accession aux meilleures formations supérieures. Pour les autres établissements, les pouvoirs publics doivent pousser tous nos indicateurs vers le haut : classes de niveau en 4ème, révision des programmes, réforme du Capes pour améliorer le niveau des enseignants. D’autre part, il faut refaire de l’école un sanctuaire éloigné des évolutions de la société. Par exemple, il serait judicieux de faire évoluer le droit au regard des mutations de la société avec des jeunes qui se comportent de plus en plus comme des adultes en adoptant une politique pénale dissuasive sur la justice des mineurs (réforme de l’ordonnance de 1945 en réduisant l’excuse de minorité de 16 à 14 ans qui divise toutes les peines par deux et en supprimant son automaticité).

Alors que les familles fuient malheureusement l’école publique, la France doit rompre avec les dogmes qui la gouverne pour opérer un nivellement éducatif vers le haut afin de transformer une génération perdue en génération de bâtisseurs.

Matthieu Hocque, directeur adjoint des Etudes du Millénaire spécialiste des politiques publiques

Jacques Rimier, analyste au Millénaire.

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Crédit Photo : Image Crayons par sweetlouise via Pixabay sous Pixabay License.

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