Cinq « méga-usines » étrangères devraient arriver en Europe dans les prochains mois. Entre le groupe pharmaceutique américain Moderna, le fabricant taïwanais de batteries solides ProLogium, le fabricant automobile vietnamien Vinfast et le chinois BYD qui devrait bientôt dépasser Tesla comme premier producteur mondial de voitures électriques, une dizaine de milliards d’euros d’investissements et près de 10 000 créations d’emplois sont en jeu. En Corée du Sud, des informations de presse ont également fait état d’un projet d’usine de semi-conducteurs de Samsung Electronics pour quelque 15 milliards supplémentaires.
A Bercy, on affirme toutefois ne pas être en contact avec le géant de l’électronique pour des unités de production. Combien de ces projets atterriront en France ? C’est la grande question. Au sommet de l’Etat, on surveille ces dossiers comme le lait sur le feu. « Attirer au moins deux de ces projets serait un succès pour la France », estime Guillaume Gau, cadre dans l’industrie et contributeur au think tank Le Millénaire, qui vient de publier une note sur les atouts et les faiblesses de la France dans ces cinq dossiers.
Un test grandeur nature pour l’attractivité de la France, qui a subi plusieurs revers ces dernières années. Si l’exécutif peut s’enorgueillir de récents succès comme les 5,7 milliards d’euros d’investissement de l’américain GlobalFonderies avec ST Microelectronics dans les semi-conducteurs à Crolles (Isère), l’installation d’une usine de batterie du sino-japonais Envision/AESC à Douai (800 millions) ou bien encore l’implantation d’une usine de recyclage du plastique de l’américain Eastman en Normandie (850 millions), « la France a manqué les implantations industrielles majeures de ces dernières années en Europe », rappelle Guillaume Gau. En effet, Tesla a choisi Berlin plutôt que Melun pour sa « gigafactory » (5 milliards d’euros), Intel a fait le choix de l’Allemagne pour sa première usine de puces en Europe (17 milliards et 3 000 emplois), avant de choisir l’Italie pour une autre usine d’encapsulation de puces électroniques (4,9 milliards) et le géant taïwanais des semiconducteurs TSMC devrait installer sa première usine européenne à Dresde. « Ce projet, qui aurait permis à la France de réduire l’écart après l’échec Intel, va accentuer l’écrasante domination allemande dans les puces en Europe », estime Guillaume Gau.
Si la France a sensiblement renforcé son attractivité en termes de coût du travail ou de fiscalité, le pays souffre encore de lourdeurs administratives. « Là où les entreprises ont des réponses en huit mois en Allemagne, il faut parfois encore 17 mois en France. Mais les choses s’améliorent. L’usine de batteries ACC a eu une réponse six mois sur son projet », explique le ministre délégué à l’Industrie, Roland Lescure. Le rapport de Laurent Guillot, aujourd’hui directeur général d’Orpéa, pour « simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », remis il y a un an au gouvernement, devrait trouver quelques traductions dans la prochaine loi « industrie verte » de Bruno Le Maire. L’octroi de rescrits permettant d’éviter les recours d’ONG ou de riverains sur des bases juridiques fragiles autour de questions environnementales devrait notamment permettre de gagner un temps précieux.
« Le noeud des trois F »
À Business France, le nouveau directeur général, Laurent Saint-Martin, identifie « le noeud des « trois F » à dénouer le plus vite possible pour attirer les investisseurs : foncier, formation et financement ». « J’ai lancé des travaux d’identification du foncier industriel disponible sur le territoire national. L’objectif est de dupliquer la réussite des Hauts-de-France, qui est en train de constituer tout un écosystème industriel autour des batteries pour véhicules électriques. D’autres régions ont un potentiel de foncier à exploiter pour réindustrialiser le pays », ajoute Roland Lescure. Un outil de valorisation des terrains devrait être présenté au printemps. Côté financement, l’Elysée espère pouvoir accélérer le versement des 54 milliards d’euros du plan France 2030. Les discussions européennes sur la juste réponse à l’IRA pourraient aboutir lors du prochain conseil européen, fin mars.
Quant au sujet de l’énergie, les Français espèrent toujours corriger le système européen et décorréler les prix du gaz et de l’électricité, ce qui offrirait un avantage compétitif non négligeable du nucléaire français face aux centrales allemandes à gaz et à charbon. Si l’exécutif reste discret sur l’état d’avancée des discussions toujours en cours autour de ces méga investissements, plusieurs sources se disent « relativement optimistes » sur au moins une implantation. L’annonce sera faite lors du prochain sommet Choose France qui réunira le 15 mai à Versailles près de 200 grands patrons internationaux.
Par L’Opinion
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Crédit photo : Photo par formulaire PxHere
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