Hôpitaux en grève : l’hôpital est malade

La fonction publique se met en grève générale le 5 décembre 2024. Parmi les professions mobilisées, les hôpitaux seront en première ligne alors qu’il ne s’agit pas d’une administration disposant d’une culture de grève aussi prononcée que dans l’Éducation nationale ou encore le secteur ferroviaire. 

Cette forte participation de la fonction publique hospitalière à la grève illustre un malaise. La crise de l’hôpital en France est un marqueur du déclin de notre pays. Alors qu’en 1993, moins de 10 millions de visites aux urgences étaient recensées, ce chiffre a plus que doublé en 2023 pour atteindre 21 millions. Une dynamique qui s’explique par le vieillissement de la population qui accroît le risque de chutes, et par la prévalence croissante des maladies chroniques comme le cancer. Seulement, alors que notre modèle de société occidentale a démontré qu’il était capable de s’adapter à des besoins croissants, ce n’est plus le cas pour l’hôpital. 

L’hôpital public, considéré comme un pilier du système de santé, subit une pénurie de moyens humains et matériels. Les politiques successives de régulation, notamment le numerus clausus, ont drastiquement limité le nombre de nouveaux professionnels de santé, créant une pénurie durable. Parallèlement, les nouvelles générations de médecins privilégient une meilleure qualité de vie et limitent leur charge de travail. Ces deux phénomènes combinés réduisent le « temps médical disponible », un paramètre crucial pour répondre à une demande croissante.

Les urgences hospitalières sont devenues un baromètre des dysfonctionnements systémiques. Elles subissent un sous-effectif chronique et un manque de lits d’aval nécessaires pour hospitaliser les patients. Cette situation découle de choix budgétaires qui ont entraîné des fermetures de lits sur plusieurs décennies. Ce phénomène se double d’une crise humaine, marquée par un épuisement généralisé des équipes soignantes, confrontées à des conditions de travail souvent qualifiées de dégradantes.

Ces tensions ont donné lieu à une série de grèves marquantes dans le secteur de la santé, qui jalonnent l’histoire des urgences. De la grève des infirmières en 1988 à la mobilisation des urgentistes en 2019 et aux récents mouvements de 2024, chaque épisode illustre la profondeur des problèmes structurels. Ces mobilisations traduisent la colère d’un corps professionnel en quête de reconnaissance et de meilleures conditions de travail. À travers ces événements, les grèves révèlent non seulement les aspirations des soignants, mais aussi les attentes d’une population qui place un immense capital de confiance dans ses hôpitaux. En l’absence de réformes structurelles et d’une stratégie claire, la crise des urgences ne semble pas près de s’apaiser, au contraire, elle est devant nous.

Crédit photo : 11042018Personnels hospitaliers29, Force Ouvrière, via Flickr, sous licence CC BY-NC 2.0

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